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JACK DUPON – Démon Hardi

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Ce quatuor français existe tel quel depuis 2004. Leur premier CD, « L’Echelle du Désir », bien coté sur Music in Belgium, sortait en 2008. Leur second, « Démon Hardi », enregistré et mixé aux États-Unis, sort cette année.

À l’écoute, ce groupe s’est créé un style propre, sans pour autant rejeter les acquis du passé. Il faut dire qu’il intègre deux générations. Trois de ses membres sont nés en 1983 ou 1984, et le dernier trente ans plus tôt. L’air de rien, cette différence d’âge se remarque dans leur musique et dans leur façon de la jouer.

L’ensemble est varié, dynamique, inattendu et déjanté. On retrouve à la fois l’esprit, l’atmosphère et la loufoquerie de Gong, le Psychédélisme américain incarné par des guitaristes comme John Cippolina ou Jorma Kaukhonen, le côté hors normes et inclassable d’un personnage comme Adrian Belew, quelques traits de Frank Zappa, d’Ange, de Bill Frisell et de Mark King.

Même s’il ne décrypte pas tout au départ, l’auditeur sent immédiatement qu’il se trouve face à quelque chose de supérieur. La confirmation vient progressivement, au rythme d’écoutes successives. Chaque pièce est longuement développée, progressive, avec de nombreux changements de rythme. Ceux qui recherchent une mélodie, une ligne stable ou des ambiances pépères peuvent passer leur chemin, ils n’accrocheront pas. C’est ambitieux et réussi.

Outre une production impeccable, le niveau de l’interprétation reste toujours élevé. Les guitaristes travaillent beaucoup. Ils aiment le solo, les glissades sur le manche et la distorsion. Même si la trame est commune, ils manœuvrent avec une certaine indépendance, parfois carrément en parallèle. Leur style de jeu très différent, complémentaire et contradictoire à la fois, constitue un des atouts majeurs du groupe. Comme le chanteur est aussi à la basse, il a deux visages. Dès qu’il se consacre exclusivement à l’instrument, il sait en mettre plein la vue et touche parfois au Funk et au Jazz. En rythme de croisière, il demeure net et précis. Au chant, il est foldingue. Il peut grommeler, vomir des mots, naviguer dans l’incompréhensible et le farfelu, pousser dans l’aigu extrême. Le batteur file dans tous les sens. Il casse ou relance la machine à volonté, apprécie les petites touches incongrues.

« Le Labyrinthe » montre un savoureux mélange des genres, une sorte de rencontre entre Gong, John Cippolina et Arno. C’est fichtrement bien foutu. Si la ligne paraît tracée au départ, on comprend vite qu’il n’en est rien. La tension monte graduellement pour atteindre l’emballement permanent. Ça déborde de tous les côtés, mais sans jamais s’égarer. Les guitares sont à la fête. Magnifiques, elles jouent chacune leur pièce. Le chant, plutôt rare, est toujours expressif.

« Jeudi Poisson » déborde plus encore. Au chant, tous s’y mettent et se répondent. C’est saccadé, trépidant, dingue. D’abord, les guitares appuient, parfois lourdement, ensuite elles prennent le relais. Certains solos apparaissent plus décousus.

Seul instrumental, « Sombre Traffic » est dominé par les guitares. L’atmosphère générale est planante.

Superbement construit, « Marmite » évoque beaucoup Gong. Les deux guitares cheminent en parallèle dans un registre distinct. C’est un régal permanent. Le chant reste insensé. Basse et batterie dépassent le simple soutien rythmique.

« Le Château des Eléphants » semble interprété par un ivrogne au dernier degré de son alcoolisation. La progression est hachée. La guitare rappelle parfois l’Allman Brothers. Basse et percussions ne risquent pas d’être oubliées.

Dans « Cravate », le quatuor ne trouve pas directement la voie idéale. Il tâtonne durant trois bonnes minutes avant d’exploser et d’atteindre les sommets. Tout semble alors couler de source. Le tempo s’accélère. Chaque instrumentiste devient plus aventureux que jamais, improvise, imprime clairement sa marque sans que le fil conducteur ne se rompe jamais. La stimulation est mutuelle, la frénésie générale.

Longue pièce progressive, « Oppression » alterne les climats. Les guitares travaillent intensivement, dans diverses configurations, à toutes les vitesses. Les solos sont nombreux, la technique du slide et les distorsions sont utilisées à profusion. Basse et batterie ne chôment pas. Le chant est réduit.

En conclusion, l’univers de Jack Dupon n’est pas aisé à pénétrer. Il faut du temps pour digérer ces constructions complexes, cette approche inhabituelle dans la forme et déroutante dans le fond. Ce n’est qu’après plusieurs écoutes que toutes les saveurs ressortent et que le plaisir devient intense. Il faut espérer les voir bientôt dans nos contrées. Une visite sur leur site s’impose, ne serait-ce que pour voir leur clip.

Les titres (61’53) :

  1. Le Labyrinthe (9’15)
  2. Jeudi Poisson (10’34)
  3. Sombre Traffic (3’40)
  4. Marmite (8’55)
  5. Le Château de l’Eléphant (6’26)
  6. Cravate (9’26)
  7. Oppression (13’37)

Le groupe :

  • Grégory Pozzoli : Guitares & Chant
  • Philippe Prebet : Guitares, Steel & Chant
  • Arnaud M’Doihoma : Basse & Chant
  • Thomas Larsen : Batterie & Chant

Pays: FR
Musea Records FGBG 4877
Sortie: 2011

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