HEAVEN & HELL – Neon nights, 30 years of Heaven & Hell (DVD)
Mettons tout de suite les choses sur la table pour être tranquilles avec la vérité : Heaven & Hell n’est autre que Black Sabbath sous un faux nom. Au seul nom de Black Sabbath, le hardos a laissé tomber ce qu’il était en train de faire, a levé les yeux au ciel et s’est mis les genoux en terre en vénérant ces dieux du métal qui ont tout donné au genre depuis près de quarante ans. Sauf qu’ici, il faut apporter quelques précisions. Nous ne sommes pas dans le Black Sabbath historique des années 70 avec Ozzy Osbourne au chant mais dans le Black Sabbath des années 80, avec son remplaçant Ronnie James Dio (1942-2010).
Revenons un peu en arrière. Quand, début 1979, le guitariste Tony Iommi décide avec ses camarades Geezer Butler et Bill Ward de se débarrasser d’Ozzy, devenu trop junkie et improductif, il n’est pas question de mettre un terme à Black Sabbath. Le premier grand groupe de heavy metal du monde doit tenir son rang de pionnier du riff d’acier et d’inspirateur de la nouvelle génération montante. Il lui faut un chanteur qui ait du coffre et dont l’aura soit irréfutable parmi les fans. La perle rare existe : c’est Ronnie James Dio, ex-chanteur d’Elf devenu célèbre grâce à son passage dans Rainbow, la créature du guitariste Ritchie Blackmore. Dio y a fait merveille avec sa voix incomparable et ses textes largement inspirés par l’heroic fantasy. La formule fonctionne à nouveau dans le Black Sabbath new look qui sort en 1980 un album qui est une véritable résurrection : « Heaven and hell ». Le job de Dio n’est pas une sinécure. Il doit faire oublier Ozzy Osbourne et convaincre des régiments de fans qui ne jurent que par ce dernier. Et Dio parvient à substituer ses propres chaussures à celles d’Ozzy, à défaut de rentrer dans celles de ce dernier. C’est ainsi que le Black Sabbath époque Dio est radicalement différent du Black Sabbath époque Ozzy et réussit à obtenir son autorité propre et son indépendance par rapport à son glorieux prédécesseur, d’ailleurs parti avec succès vers une carrière solo légendaire. C’est étonnant de voir qu’Ozzy, comme Tony Iommi, avaient encore énormément de ressources intérieures pour commettre des chefs-d’œuvre, mais plus ensemble.
La formule avec Dio sera cependant moins durable. Après un autre album (« Mob rules ») en 1981 et un « Live evil » l’année suivante, il faudra attendre 1992 pour que Black Sabbath ressorte un nouvel album avec Ronnie James Dio, « Dehumanizer ». Cet album ne doit nullement être sous-estimé, sa puissance sidérurgique à toute épreuve est capable de percer le blindage de n’importe quel groupe métal concurrent de l’époque, rappelant aux prétendants (Metallica, Guns ‘n’ Roses et autres) qui est le patron ici. Ce sont les querelles d’ego qui ont à nouveau coulé l’embarcation mais, près de vingt ans plus tard, nos gaillards remettent ça avec Heaven & Hell. Le changement de nom doit sans doute être dû à de sombres arcanes juridiques relatifs à la propriété du nom Black Sabbath. Il semble qu’entre-temps, Ozzy soit devenu copropriétaire du nom et il n’est plus possible qu’une tournée de Black Sabbath se fasse sans lui, même si c’est Dio qui chante. Iommi et ses compagnons Geezer Butler et Vinnie Appice (Bill Ward n’était pas dans le coup non plus dans les années 80) ont donc eu recours à ce subterfuge juridique en se rebaptisant d’après le nom de leur plus célèbre album avec Dio.
Lorsque Heaven & Hell est revenu dans le circuit des maîtres de forge en 2006, l’émotion a été grande. La version du Sab avec Dio était devenue en effet aussi rare que celle avec Ozzy. Un premier album live a été commercialisé en 2007, uniquement basé sur le répertoire des albums avec Dio. Et cette année, les vieux dieux du métal se fendent d’un album tout nouveau, intitulé « The devil you know », prenant le risque de la nouveauté quand bien des groupes de revenants dans leur genre se contentent de tournées commémoratives. « The devil you know » propose du lourd, du pesant, des choses qui rappellent bien les styles de Black Sabbath et Dio combinés. On sent que les types sont dans des rails bien calibrés et que leur marque de fabrique ne souffre aucune surprise. Dio a écrit des compositions en fonte, relayées par les riffs de titan de Tony Iommi et la rythmique brontosaurienne de Butler et Vinnie Appice (qui n’est autre que le frère du mythique batteur Carmine Appice). Plus doom metal que heavy, cet album rappelle aux générations d’auditeurs que de toute façon, le doom metal a été enfanté par Black Sabbath dès 1971.
Pour promouvoir ce nouvel album, Dio et consorts sont partis à l’assaut des scènes dès le mois de mai 2009, d’abord avec une tournée sud-américaine, puis un volet européen avant le raid sur les États-Unis. Le DVD « Neon nights » capture le show joué au Festival du Wacken le 30 juillet 2009. Ceci nous donne l’occasion de revoir bien sûr Ronnie James Dio sur scène et de nous souvenir avec émotion de cet immense chanteur qui nous a quittés l’année dernière, laissant un vide galactique dans le monde du heavy metal, dont il était non seulement un des précurseurs mais également l’un des princes incontestés. La mémoire de Ronnie est également célébrée sur les interviews des membres du groupe qui figurent en bonus sur le DVD. Il y est aussi question des circonstances de la formation du nouveau Black Sabbath avec Dio en 1980 et de la naissance de l’album « Heaven and hell ».
Le show démarre et ouvre une porte du temps qui emporte le public pendant 90 minutes dans le monde merveilleux et puissant de Black Sabbath, avec un Ronnie James Dio plus souriant que jamais, duquel émane une bonne humeur communicative. À ses côtés, l’inamovible Geezer Butler écrase les cordes de sa basse et monte un mur rythmique imprenable avec son collègue Vinnie Appice. Ce dernier est camouflé sous une batterie énorme, avec des fûts qui le surplombent et qu’il devra frapper les bras en l’air. Quant à Tony Iommi, impassible derrière ses petites lunettes bleues et son manteau de cuir noir, il arpente tranquillement la scène et sème ses accords plombés comme un sorcier.
La communication avec le public est totale. Dio est un frontman absolument fantastique, dédié à son public, heureux d’être là et généreux comme tout. Sa voix toujours légendaire enlumine les titres d’une set list qui contient son lot de classiques, équilibrés entre les quatre albums du groupe. Une version au plutonium de « Mob rules » introduit le show et tout le monde rêve déjà à l’écoute du fabuleux « Children of the sea ». Heaven & Hell propose trois titres de son dernier album, parmi les plus lourds, et n’oublie pas l’excellent « Dehumanizer » qui se rappelle à notre bon souvenir avec « I » et « Time machine ». Le groupe balance sur la foule des trains de munitions en flammes avec des versions référentielles de « Falling off the edge of the world », qui arrive dans les oreilles du public comme une marche de colosses, un « Die young » d’anthologie et l’énorme, l’impressionnant « Heaven and Hell ». Auparavant, Vinnie Appice se fend d’un solo de batterie géologique, où les énormes fûts au-dessus de sa tête ont servi à émettre des infrasons parmi les plus graves de la gamme, faisant trembler tout le festival. Et Tony Iommi y va de son petit solo dantesque, se promenant tranquillement sur la scène, comme une sorte de créature tout droit sortie des films d’épouvante de la Hammer. On remarque ses fameuses phalanges artificielles qu’il porte sur deux doigts, coupés lorsqu’il travaillait encore à l’usine avant de se lancer dans la musique. Cet accident est à l’origine du heavy metal. Tony Iommi est en effet obligé d’accorder sa guitare un peu plus bas afin que la tension des cordes ne fassent pas mal à ses deux phalanges accidentées. D’où les sons caverneux qui sont sortis des premiers enregistrements de Black Sabbath au début des années 70 et la mise en place de toute la sonorité métal pour les décennies à venir.
Sur « Heaven and hell », le groupe met le paquet, étirant le morceau sur près d’un quart d’heure, avec solos de guitares, passages de basse, improvisation de Dio qui fait chanter le public jusqu’à plus soif. Le moment est immense. Le rappel le sera tout autant avec un début de « Country girl », vite enchaîné par un « Neon knight » souverain. Le public n’en finit pas de vénérer ces quatre demi-dieux, ou demi-démons, on ne sait pas, en se rappelant une chose : en matière de heavy metal, il vaut mieux s’adresser à Satan qu’à ses suppôts.
Liste des morceaux :
- E5150
- The mob rules
- Children of the sea
- I
- Bible black
- Time machine
- drum solo
- Fear
- Falling off the edge of the world
- Follow the tears
- Die Young
- Heaven and hell
Rappel : - Country girl
- Neon knights
Pays: GB
Eagle Vision
Sortie: 2010/11/16