TIMES OF GRACE – The Hymns Of A Broken Man
Les amateurs de metalcore guettent probablement la sortie de « The Hymns Of A Broken Man », le premier album de Times Of Grace, avec l’impatience d’un oisillon attendant la becquée. Et pour cause : le projet réunit Adam Dutkiewicz et Jesse Leach, deux figures emblématiques du style. Pour rappel, Dutkiewicz est depuis 2002 le guitariste de Killswitch Engage, groupe au sein duquel il occupait auparavant le poste de batteur. Leach, quant à lui, a été le vocaliste du même Killswitch Engage de 1999 à 2002 et officie actuellement au sein de The Empire Shall Fall.
L’histoire du projet remonte à 2007. Alors en tournée avec Killswitch Engage, Dutkiewicz doit être hospitalisé d’urgence suite à un sérieux problème de dos. Le musicien se croit fini. Désespéré, il est persuadé qu’il ne pourra jamais remonter sur scène. Le corps est cassé mais l’esprit continue à travailler. Cloué plusieurs mois sur un lit d’hôpital, Adam continue à imaginer riffs et lyrics. Il les garde en mémoire grâce à un petit enregistreur à cassette sur lequel il chante les mélodies et les bribes de paroles que lui inspire sa situation. De retour chez lui, le batteur/guitariste décide de transformer ces fragments de compositions en un véritable album. C’est pour lui un défouloir, une catharsis. Une manière de faire connaître au monde l’horrible épreuve physique et morale qu’il vient de traverser (snif). Il est resté ami avec Jesse Leach qui, il le sait, est plus convaincant que lui quant il s’agit de faire rimer le désespoir et la douleur. (NDR : Leach est un dépressif chronique, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il avait quitté Killswitch Engage en 2002). Sortant lui-même d’une mauvaise passe, le vocaliste accepte immédiatement de filer un coup de main à son ex-compagnon de route en participant à cette cure mélodico-thérapeutique.
Bref, voici un remake version metalcore de l’histoire romancée de Bruce Lee telle qu’elle est présentée dans le film Dragon. Ce côté ‘drame romantique/démonstration de courage’ à l’américaine est franchement gonflant. Le mec cloué sur son lit d’hôpital, qui compose tout seul son disque à l’aide d’un petit enregistreur et qui fait appel à son meilleur ami pour l’aider à écrire des paroles à la fois déprimantes et pleines d’espoir, il faut avouer que c’est vendeur. Remarquez, il faut bien cela puisque, musicalement, il n’y a pas vraiment de surprise. Lorsque deux membres de la tribu Killswitch Engage se retrouvent pour faire de la musique, cela ressemble étrangement à du Killswitch Engage. Times Of Grace suit donc grosso modo les mêmes schémas que son ‘grand frère’. On alterne les envolées de riffs rapides et les vocaux colériques avec des breaks mélancoliques ultramélodiques chantés en voix claire (NDR : superbe au demeurant).
Si, mis à part quelques titres sortant du lot comme le pesant « Until the End of Days » ou encore ce « Live in Love », très inspiré par les Suédois d’In Flames, nous n’avons pas été vraiment touchés par le message de souffrance et de douleur délivré par la formation américaine, nous ne pouvons pas nous empêcher d’admirer l’incroyable don d’ubiquité d’Adam Dutkiewicz. Le héros est en effet sur tous les fronts : composition, production, batterie, guitare, basse et backing vocaux. Et il faut bien reconnaître que notre ami aux lombaires fragiles excelle à tous les niveaux.
Times Of Grace est donc hautement recommandé aux fans de métalcore, et surtout à ceux de Killswitch Engage ainsi qu’à tous ceux qui versent facilement une larme face aux leçons de courage cinématographiques américaines. Sans vouloir nier la douleur endurée par Dutkiewicz, nous ne pouvons nous empêcher de penser à Rick Allen de Def Leppard dont les souffrances ont duré beaucoup plus longtemps que quelques mois et qui n’en a pourtant pas profité pour pleurer sur nos épaules ni dans nos platines. Le courage de ne pas vouloir inspirer la pitié, probablement.
Pays: US
Roadrunner Records RR 7740-2
Sortie: 2011/01/17