MACHIAVEL – Jester
Inutile de présenter Machiavel, véritable institution de rock belge depuis plus de 3 décades et un des rares groupes francophones à avoir récolté un beau succès discographique dont témoignent leurs 4 disques d’or.
« Jester », réédité par Esoteric Recordings, est le 2e album de Machiavel, paru en 1977, et présente un nouveau line up par rapport à celui officiant sur leur 1er album paru l’année précédente. Ce disque constitue clairement un moment charnière pour le groupe, avec l’arrivée de Mario Guccio au chant, précédemment tenu par Marc Ysaye tout en assurant la batterie, et celle de Jean-Paul Devaux qui remplace à la guitare Jack Roskam qui officiait sur le 1er opus de Machiavel.
On se trouve dans la période progressive du groupe – à l’époque ce style était aussi appelé « Headrock » parce basé sur des structures plus complexes ou « Eurock » parce que surtout développé par des musiciens du vieux continent, pour finalement laisser le terme de « progressive music » l’emporter au fil du temps. On y sent rapidement l’influence de Genesis période Gabriel et Hackett, et le jeu de Jean-Paul Devaux est clairement inspiré par celui de Steve Hackett, offrant des thèmes et des soli travaillés qui participent activement à la trame mélodique des morceaux, magnifiant par exemple le morceau « Sparkling jaws », qui lui doit beaucoup dans son premier mouvement. Pour autant, Machiavel instaure déjà un style qui lui est propre, grâce à la voix très personnelle de Mario Guccio, empreinte d’une dimension théâtrale. Les compositions affichent une unité de ton mais sont variées : « Wisdom » adopte un mid tempo presque lourd, qui dévoile très rapidement tout le talent du claviériste Albert Letecheur, véritable orfèvre mélodiste et rythmique du groupe, qui décédera hélas en 2004 suite à une longue maladie.
Le thème écologique était déjà bien présent dans le propos de Machiavel avec « In the reign of Queen Pollution », dont l’intro est toutefois un peu longue et peine à vraiment prendre place ! Le savoir-faire progressif et musical de Machiavel est emblématique dans « The jester », qui cumule des variations de rythmes, de sublimes interventions à la guitare et aux claviers, un chant très expressif, une petite touche jazzy, et tout cela en l’espace de quelque 5 minutes. Même maestria dans « Mr Street Fair », à l’allure plus symphonique, avec ce jeu rythmique de claviers qui renvoie au « Dreamer » de Supertramp.
Bien sûr, on n’échappe pas à la ballade de rigueur, avec un « Moments » tout en sobriété, tissé avec finesse par les claviers de Letecheur sur une simple guitare acoustique.
« Rock, sea and tree » bouclait l’édition initiale de l’album sans éclat particulier. Deux bonus tracks assez courts ont été entre-temps ajoutés, composés par Marc Ysaye et datant de 1974, intéressants car dénotant un peu par rapport aux 7 titres prog originaux et exécutés sans intervention de claviers. Le premier, « The birds are gone », est très funky et énergique, avec un excellent solo de Devaux. Le second, « I’m nowhere », rappelle furieusement le « Workshop of the Telescopes » du Blue Oÿster Cult dans ses premières mesures, mais s’en émancipe assez vite et vit sa propre vie, sans retentissement particulier.
Ce 2e album de Machiavel se révèle être un bon album du groupe, décisif dans son évolution, installant le line up avec Guccio et Devaux et dévoilant son identité propre et son talent progressif, avec un sens certain de la mélodie. Des morceaux tels que « The jester » ou « Mr. Street Fair », par exemple, sont complètement aboutis, cet album permettant alors à Machiavel de se manifester à juste titre sur la scène internationale. « Jester » vaut largement le détour et replonger dedans procurera un réel plaisir aux amateurs du groupe et de prog, Machiavel se positionnant dans sa première vie comme un véritable groupe prog, avant d’amorcer un changement de cap 2 ans plus tard avec « Urban games » et de le confirmer définitivement en 1980 avec l’album « New line », au titre évocateur et contenant le hit « Fly ».
Musiciens :
- Mario Guccio – chant
- Albert Letecheur – claviers
- Roland De Greef – basse
- Marc Ysaye – batterie et chant
- Jean-Paul Devaux – guitares
Liste des morceaux :
- Wisdom 6:02
- Sparkling jaws 7:07
- Moments 3:20
- In the reign of Queen Pollution 6:55
- The jester 5:28
- Mr. Street Fair 7:57
- I’m nowhere (bonus track) 2:24
Pays: BE
Esoteric Recordings ECLEC 2224
Sortie: 2010/10/25 (réédition, original 1977)