MOUNTAIN – Crossroader – An Anthology 1969-1974
La fondation officielle de Mountain remonte à 1969. Elle fait suite à l’enregistrement la même année du premier album solo du guitariste et chanteur Leslie West (né en 1945), « Mountain », auquel participait le claviériste Steve Knight, le batteur Norman D. Smart et, surtout, le multi-instrumentiste et producteur Felix Pappalardi. Plus âgé, né en 1939, ce dernier bénéficie déjà d’une solide réputation grâce en particulier à son travail avec Cream (« Disraeli Gears », « Wheels of Fire », « Goodbye »). C’est cette formation qui se produit au Festival de Woodstock. Peu de temps après, la batterie change de main avec l’arrivée du Canadien Corky Laing, né en 1948.
Admirateur de Cream et de Jack Bruce plus spécialement, Pappalardi s’en inspirera beaucoup, orientant le quatuor dans une direction similaire. Grâce aux talents de ses membres, aux bonnes ventes de l’album de West et à la prestation remarquée à Woodstock, la réputation du groupe explose et les tournées s’enchaînent. L’inspiration est au rendez-vous, confirmée par deux albums excellents, « Mountain Climbing ! » (1970) et « Nantucket Slighride » (1971). Ils ne seront jamais égalés. Complété par des enregistrements en concert, le troisième, « Flowers or Evil » (1971) témoigne du peu de matériel neuf disponible.
En 1972, le groupe implose, épuisé par le rythme effréné des tournées et les abus de drogues. Atteint en prime de problèmes d’audition, Pappalardi n’assure plus. Il s’effondre littéralement et décide de reprendre son métier de producteur. West et Laing s’associent alors avec Jack Bruce. Le nouveau trio reprend alors sur un même rythme, jusqu’à ce que le bassiste, épuisé et malade, obligé de terminer seul le second album « Whatever Turns You On », ne les plaque à l’été 1973 et retourne en ses terres écossaises.
Dès la fin août 1973, Mountain se reforme dans la précipitation avec West et Pappalardi, de retour, sans Laing dans un premier temps, définitivement sans Knight. Un nouvel album enregistré en concert tient le public en haleine jusqu’à la sortie d’un album studio qui s’avère globalement décevant, « Avalanche ». En 1974, le groupe splitte une seconde fois.
La machine sera relancée à l’occasion bien plus tard par West et Laing, mais sans Pappalardi, abattu d’une balle de revolver par sa collaboratrice et épouse Gail Collins en 1983. Celle-ci avait co-écrit plusieurs titres avec son mari et participé à la conception de la pochette des deux premiers albums.
L’intérêt de cette compilation en deux CDs, l’un studio, l’autre public, est réel. Sans conteste, elle correspond au meilleur de la carrière du groupe. Chaque album publié à l’époque est représenté en fonction de sa qualité.
Les atouts de Mountain sont nombreux. En tête viennent la qualité des compositions, surtout celles du duo Pappalardi/Collins, plus riches et travaillées, et la capacité du premier à les arranger et à les produire impeccablement.
Ensuite, West possède une vraie personnalité. Son jeu de guitare allie dextérité technique, puissance et agressivité, mêlant Rock et Blues. Aussi à l’aise dans le riff assassin que dans l’envolée en solo et à la guitare slide, il assure une bonne part du spectacle. En studio, les traits sont dominés. En scène, ils sont accentués avec de nombreuses improvisations parfois instinctives, démesurées et tirées en longueur, comme le public l’appréciait à l’époque. Quant à sa voix, elle est éraillée, criarde et poussée sans grâce ni finesse. Elle colle parfaitement à la lourdeur naturelle d’un homme qui dépasse largement le quintal.
Au contraire, celle de Pappalardi est délicate, pleine de couleurs et de nuances, à la recherche de l’effet. Que ce soit en tant qu’instrumentiste, chanteur ou compositeur, Jack Bruce l’impressionne et lui sert de modèle. Il vient d’ailleurs de collaborer avec lui pour l’album « Songs for a Tailor », dont Mountain a repris un titre avec succès, « Theme from an Imaginary Western ». Multi-instrumentiste en studio, notre homme se contente en général de la basse en scène. Moins spectaculaire que son collègue écossais, il n’en reste pas moins d’une efficacité remarquable.
De son côté, Laing fait partie des meilleurs batteurs de Rock. Tout comme Keith Moon (Who), il est capable de cabrioles techniques et d’accélérations impressionnantes, qui ne lui font pourtant jamais perdre le fil du morceau. Knight arrondit les angles et enrobe. Il amène surtout une atmosphère et une amplitude. Présent pour un temps très bref, deux musiciens de valeur sont recrutés. Ils sont au début d’une belle carrière en tant que musiciens de sessions. Discret mais efficace, léger, propre, un brin Jazzy, Bob Mann tente parfois de croiser le fer avec son leader du moment. Quant à Allan Schwarzberg, il montre qu’il peut faire du Corky Laing.
À l’écoute, l’auditeur se retrouve immédiatement plongé dans l’ambiance de l’époque. Quel plaisir ! Quelques exemples pour l’illustrer :
« Nantucket Sleighride » reste le titre le plus sophistiqué, le plus fin de l’ensemble du répertoire du groupe. Composé et chanté par Pappalardi, il devrait même plaire aux amateurs de Progressif. Le chant est sublime, le rythme lent, les guitares allégées, les nappes de claviers idéales, les percussions spectaculaires, … La version en concert montre à quel point le groupe pouvait déborder de ses lignes sans jamais lasser.
Autre merveille, « Travellin in the Dark » rappelle Wishbone Ash et « Argus ».
Chantée par le bassiste, « Crossroader » est une autre petite perle, où la guitare travaille beaucoup en solo et en slide.
Chantés par le guitariste, « Mississippi Queen », « Never My Life » et « Roll over Beethoven » témoignent du déferlement Rock & Roll dont le groupe était capable.
« Laird », « Taunta » et « King’s Chorale » sont d’agréables ballades.
Définitivement, Mountain reste une des meilleures et des plus originales formations dans le genre Rock & Blues.
CD1 – In the Studio (78’05) :
- « Mississippi Queen » (Laing/Rea/Pappalardi/West)(2’32)(A)
- « For Yasgur’s Farm » (Pappalardi/Collins)(3’24)(A)
- « Never in My Life » (Laing/Pappalardi/Collins/West)(3’52)(A)
- « Silver Paper » (Laing/Pappalardi/Collins/Gardos/West/Knight)(3’18)(A)
- « Theme from an Imaginary Western » (Bruce/Brown)(5’08)(A)
- « Laird » (Pappalardi/Collins)(4’37)(A)
- « Boys in the Band » (Pappalardi/Collins)(3’37)(A)
- « Taunta (Sammy’s Tune) » (Pappalardi)(1’00)(B)
- « Nantucket Sleighride (to Owen Coffin) » (Pappalardi/Collins)(5’52)(B)
- « The Animal Trainer and the Toad » (West/Palmer)(3’29)(B)
- « Don’t Look Around » (West/Pappalardi/Collins/Palmer)(3’45)(B)
- « You Can’t Get Away » (West/Collins/Laing)(3’26)(B)
- « Travellin’ in the Dark (to E.M.P.) » (Pappalardi/Collins)(4’26)(B)
- « Flowers of Evil » (West/Pappalardi/Rea)(4’55)(C)
- « Crossroader » (Pappalardi/Collins)(4’51)(C)
- « King’s Chorale » (Pappalardi)(1’04)(C)
- « One Last Cold Kiss » (Pappalardi/Collins)(3’53)(C)
- « Whole Lotta Shakin’ Goin’ On » (Williams)(5’06)(F)
- « Sister Justice » (Pappalardi/Collins/Day)(3’59)(F)
- « You Better Believe It » (West/Laing)(5’51)(F)
CD2 – Live in Concert (76’37) :
- « Dream Sequence : Guitar Solo (West)/ Roll Over Beethoven (Berry) / Dreams of Milk and Honey (West/Pappalardi/Ventura/Landsberg) / Variations (West/Pappalardi/Laing/Knight) / Swan Theme » (Pappalardi/Collins)(24’59)(C)
- « Long Red » (Pappalardi/Collins)(5’43)(D)
- « Waiting to Take You Away » (West)(4’46)(D)
- « Crossroader » (Pappalardi/Collins)(6’15)(D)
- « Blood of the Sun » (West/Pappalardi/Collins)(3’02)(E)
- « Nantucket Sleighride (to Owen Coffin) » (Pappalardi/Collins)(31’52)(E)
(A) « Mountain Climbing ! » (1970)
(B) « Nantucket Slighride » (1971)
(C) « Flowers of Evil » (1971)
(D) « Mountain Live – The Road Goes Ever On » (1972)
(E) « Twin Peaks » (1974)
(F) « Avalanche » (1974)
Les interprètes :
- Leslie West : Guitares & Chant
- Felix Pappalardi : Basse, Piano, Claviers, Guitare rythmique, Chant & Production
- Corky Laing : Batterie & Percussions (sauf E)
- Steve Knight : Claviers, Mellotron & Percussions (sauf E, F)
- Bob Mann : Guitares & Claviers (E)
- Allan Schwartzberg : Batterie (E)
Pays: US
Esoteric Recordings ELEC 22230
Sortie: 2010/10/25