TITUS GROAN – Titus Groan
« Titus Groan », le livre, formait la première partie de l’imaginative et envoûtante trilogie « Gormenghast » de Mervin Peake, l’un des fleurons de la littérature fantastique anglaise d’après-guerre. Titus Groan, le groupe, arrive vingt ans plus tard et restitue musicalement un peu de l’atmosphère gothique du livre en ajoutant sa touche de progressif anglais. Titus Groan signe un contrat avec le label Dawn début 1970 et se retrouve dans la même écurie que d’autres petits groupes du même genre comme Demon Fuzz, Comus ou Heron. Mais Dawn a aussi parmi ses poulains le groupe Mungo Jerry qui va connaître un énorme succès avec sa chanson « In the summertime ». Tous les efforts sont donc portés sur Mungo Jerry et Titus Groan participe modestement à plusieurs festivals londoniens avec Comus ou Demon Fuzz, les autres laissés pour compte du label Dawn.
Titus Groan sort en même temps un album et un EP de trois titres d’inspiration folk ou R’n B, les cinq titres de l’album exploitant quant à eux un aspect plus progressif. Les titres sont très puissants instrumentalement, la guitare et l’orgue de Stuart Cowell se combinant parfaitement avec les cuivres de Tony Priestland, créant ou du moins suggérant la texture médiévale en vogue sur les premiers Jethro Tull (en un peu moins lourd), tandis que John Lee et Jim Toomey assurent une rythmique impeccable à la basse et à la batterie, particulièrement sur le fabuleux « Hall of the bright carvings », le plat de résistance. Tirant ce titre du premier chapitre du livre qui inspira leur nom, Titus Groan nous y montre son inspiration la plus fidèle dans le genre ambitieux et composition multiple. Le thème répété ajoute une continuité lorsque le morceau part dans une ambiance qui lance au passage un autre titre référence à Peake, « The burning ». La suite ne déçoit pas non plus, Lee et Priestland nous offrant des contrastes sur « It can’t change » et « Fuchsia » tandis que « It’s all up with us » est une création collective. L’accueil dans la presse est plutôt bon et le New Musical Express considère le groupe comme prometteur.
La presse avait d’ailleurs raison de remarquer les prouesses en concert de Titus Groan. Le label Dawn entreprend alors un ambitieux projet pour promouvoir ses petits protégés. Du 3 au 26 novembre 1970, Demon Fuzz, Heron, Comus et Titus Groan jouent dans dix salles, y compris le Marquee, avec le prix du billet fixé à un penny. Appelé sans surprise « A penny concert », c’est une promotion ambitieuse non seulement du point de vue fiscal mais également du point de vue musical puisqu’on peut y entendre une vaste palette de styles comme l’afro-rock de Demon Fuzz, le folk de Heron et le rock imaginatif et varié de Comus et Titus Groan.
Le projet collectif prend officiellement fin le 3 janvier 1971, avec un concert des quatre groupes sur Radio One. Malheureusement, c’est pour marquer la fin de cette atmosphère plus que coopérative. Des quatre, Heron est le seul à pouvoir maintenir un certain profil, mais les trois autres disparaissent corps et biens. Titus Groan est donc retombé à zéro en dépit de son potentiel musical évident. Des quatre membres, Jim Tooney traînera dans plusieurs petits groupes avant d’aller écraser les peaux dans un des combos de Larry Wallis après les Pink Fairies, tandis que les autres se retrouveront malheureusement cantonnés dans de petites activités de studio.
Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 2226
Sortie: 2010/10/26 (réédition, original 1970)