DAVIES, Ray – See my friends
Ray Davies, on ne présente plus. L’homme est connu d’Europe jusqu’en Terre Adélie en passant par la Mongolie intérieure pour avoir été le fondateur, l’animateur et le penseur des Kinks, groupe qu’il faut placer sur le podium de l’histoire du rock anglais des Sixties avec les Beatles et les Rolling Stones, au besoin en poussant les Who du coude pour leur chiper la troisième place. Les Kinks étaient un groupe d’une classe incroyable qui ont aligné durant la seconde moitié des années 60 à peu près autant de hits que les Beatles et les Stones. Les frères Ray et Dave Davies s’étaient même payé le luxe de jeter les premières graines du hard rock avec leur « You really got me » en 1964. Mais loin de passer pour des électriciens primaires, les Kinks s’étaient aussi livrés à l’écriture de chansons admirablement bien pensées, véritables descriptions critiques de la société anglaise de l’époque. Et lorsque tous leurs camarades, Beatles, Stones, Who, Pretty Things, Animals et Yardbirds s’étaient aventurés dans le psychédélisme en 1967-68, les Kinks avaient brillé avec leur chef-d’œuvre (méconnu) « Arthur or the decline and fall of the British Empire ».
Les années ont passé et les Kinks ont continué de faire des albums dans les années 70, 80 et 90 jusqu’à ce que Ray Davies se décide à mettre fin à son groupe pour voler de ses propres ailes. Depuis, Monsieur Davies est devenu une véritable institution, à placer aux côtés de David Bowie, Bryan Ferry, Rod Stewart ou Elton John dans l’aristocratie des artistes rock anglais. Que devait encore faire Ray Davies pour prouver qu’il appartenait définitivement à ce Panthéon des dieux rock ? Concocter un album rétrospectif passant en revue ses plus belles chansons, par exemple. C’est l’objet de ce « See my friends », album de reprises des chansons de Ray Davies par lui-même, avec le concours d’une foule de musiciens invités.
Le concept est en effet assez simple, chacune des 16 chansons de l’album est interprétée par Ray Davies en duo avec une autre star. Là où Ray Davies ne déçoit pas, c’est en prévoyant les titres immortels des Kinks que tout fan a à l’esprit : « You really got me », « All day and all of the night », « Lola », « Victoria », « Tired of waiting for you », « Till the end of the day », « Dead end street » « Waterloo sunset » ou « See my friends ». Ces chansons sont jouées avec le concours, respectivement, de Metallica (ça cogne !), Billy Corgan (des Smashing Pumpkins), Paloma Faith, Mando Diao, Gary Lightbody, le regretté Alex Chilton, Amy McDonald, Jackson Browne et Spoon.
Là où l’album pèche par contre un peu, c’est avec la résurrection de titres oubliés en provenance d’albums oubliés, comme « Better things » (extrait de l’album « Give the people what they want » de 1981), « Celluloid heroes » (de « Everybody’s in show biz », 1972) ou « This is where I belong » (face B d’un single de l’époque « Face to face » en 1966). Sur ces titres, Ray Davies a invité de gros calibres, à savoir Bruce Springsteen, Bon Jovi et Frank Black, dont aucun ne parvient à mettre suffisamment de sel dans l’interprétation pour faire décoller ces morceaux.
L’album « See my friends » reste néanmoins recommandé, en raison du bon choix dans la succession des titres (les trucs ennuyeux passent en premier et laissent la place aux choses excitantes, ce qui est toujours mieux que l’inverse) et du pouvoir évocateur toujours irrésistible des chansons des Kinks. Mentionnons pour finir deux grands moments, la version très originale de « All day and all of the night » complètement revisitée par Billy Corgan et Ray Davies, ainsi que le final « Moments », un inédit sur lequel Arno vient dialoguer en français avec Ray Davies qui lui répond en anglais. Espérons que cet album n’est pas le chant du cygne de Ray Davies se tournant vers la nostalgie et le passé de sa longue carrière, et qu’il nous réserve encore de nouvelles bonnes idées pour l’avenir.
Pays: GB
Universal 2757283
Sortie: 2010/11/01