WINTER, Johnny – Highway 61 Revisited
Né au Texas en 1944, Johnny Winter est issu d’une famille de musiciens où l’apprentissage d’un instrument s’impose. À cinq ans, il débute la clarinette, passe vite à l’ukulélé et, deux ans plus tard, à la guitare. Il se passionne très tôt pour le Blues originel. Albinos comme son frère cadet Edgar avec lequel il sera souvent associé sur scène et sur disque, il grandit isolé par ce handicap et le compense par un goût immodéré pour la musique.
Dès le début des années soixante, il tente sa chance dans le milieu du Blues. En 1962, à Chicago, il se lie d’amitié et joue avec le guitariste Mike Bloomfield, fondateur de l’Electric Flag, inconnu à l’époque. La même année, éméché et poussé par son frère, il rejoint B. B. King sur scène. Forcé, peu enthousiaste au départ, celui-ci est impressionné au final par sa dextérité à la guitare et son sens du Blues.
Au fil du temps, son activité augmente et sa technique s’affine encore. S’il accompagne différents artistes de seconde zone et de styles divers sur disque et sur scène, il commence à se faire un petit nom en solo. Il tourne beaucoup et enregistre quelques titres sur de petits labels.
En 1968, sa carrière prend une autre ampleur, grâce particulièrement au guitariste Mike Bloomfield devenu célèbre. Il le place sous le feu des projecteurs, clamant partout sa valeur, notamment lors d’interviews. Il joue avec lui et l’invite même à participer à l’une de ses célèbres « Jam Session » avec le claviériste Al Kooper. Repéré, il signe un contrat avec le label Columbia. « Johnny Winter » et « Second Winter » sont rapidement publiés. D’autres suivront à grande vitesse.
Fin 1969, l’arrivée du guitariste Rick Derringer, adepte d’un Rock bien trempé, muscle davantage encore son Blues énergique qui finit par virer en pur Rock & Roll. L’intérêt croissant du public se transforme alors en triomphe. Débordé par l’engouement général, la folie des tournées ininterrompues et les abus divers, il craque en 1971 et disparaît un temps pour se soigner et survivre.
En 1973, guéri de ses addictions, il repart plus serein. Même si le Rock reste bien présent dans son répertoire et son style, il devient plus posé sur scène, ce qui lui permet d’assainir son jeu.
À partir de 1977, il entame un retour aux sources. Durant trois ans, il travaille avec Muddy Waters dont il relance la carrière.
Par la suite, moins exposé aux médias, il réduit le nombre de ses enregistrements et de ses tournées. Les ventes s’en ressentent, mais il vit mieux et commence aussi à engranger les distinctions.
Enregistré en public, ce CD le montre dans ces nouvelles dispositions. Bizarrement, les informations sur la date d’enregistrement de ce concert et le lieu des débats ne sont pas reprises. Sans être catégorique, au vu de la composition du trio et des titres interprétés, nous sommes probablement en 1983, lors de la tournée américaine. Par contre, la photo de notre homme paraît postérieure. Très gênant !
Pour ce qui est de la prestation en elle-même, elle est au top. Si la formule du trio ne lui convient pas mieux qu’une autre, elle lui permet à coup sûr de mener les débats à sa guise. Le duo qui l’entoure, efficace et dévoué, ne lui fait jamais de l’ombre, mais sait mettre le turbo. Bien que dingue des cymbales, Bobby T. Torello réussit la performance de ne jamais fatiguer.
Au contraire de son frère, Johnny Winter n’a jamais été un chanteur exceptionnel, mais compense par du tonus et des tripes. Par contre, à la guitare, il reste un des tout grands. Sa technique à la guitare acoustique, électrique ou slide, la précision de son jeu, son aisance dans le riff ravageur ou le solo ciselé sont sidérantes.
Le répertoire sélectionné comprend de nombreux incontournables. Même lorsqu’ils convainquent moins, leur interprétation n’est jamais plate ou banale.
Parmi les grandes réussites, il faut d’abord citer « She Moves Me Man », avec sa fantastique démonstration à la guitare slide. Ensuite, il y a « Jumpin’ Jack Flash », interprété à la manière des grands solistes des années septante, et « Johnny B. Goode », stupéfiant par le déferlement de riffs et de notes. Tous deux sont magnifiquement revigorés.
Seule composition de Johnny Winter, « Stranger » étonne aussi. Le chant est posé, meilleur que jamais, et la guitare rappelle sans cesse Jimi Hendrix.
Trois titres tiennent bien leur rang, mais sans surprendre, dans le créneau du Blues-Rock classique : « Hideaway » de Freddie King, l’un des précurseurs Noirs du genre le plus apprécié du public Blanc, « Killing Floor » de Howlin’ Wolf et « E.Z. Rider ».
« Highway 61 Revisited » déçoit un brin : l’intérêt ne se situe plus au niveau de la composition elle-même, mais dans la démonstration, certes éblouissante, à la guitare slide.
En conclusion, ce CD constitue un bon témoignage du talent de Johnny Winter, en public particulièrement. Malheureusement, l’incertitude sur l’origine de la prestation gênera, à raison, les amateurs pointilleux et soupçonneux.
Les titres (78’40) :
- « Hideaway » (Freddy King/Sonny Thompson)(9’39)
- « Killing Floor » (Chester Burnett)(4’49)
- « E.Z. Rider » (Taj Mahal)(5’13)
- « Catfish Blues » (Muddy Waters)(7’47)
- « One Step at a Time » (Johnny Winter)(6’15)
- « Johnny B. Goode » (Chuck Berry)(5’40)
- « Stranger » (Johnny Winter)(6’36)
- « Highway 61 Revisited » (Bob Dylan)(7’32)
- « She Moves Me Man » (Muddy Waters)(10’21)
- « Jumpin’ Jack Flash » (Mick Jagger/Keith Richards)(5’20)
- « It’s All over Now» (Bobby Womack/Shirley Jean Womack)(5’05)
- « The Crawl » (Willie Mitchell)(4’23)
Les interprètes :
- Johnny Winter : Guitare & Chant
- Jon Paris : Basse & Harmonica
- Bobby T Torello : Batterie
Pays: US
Blues Boulevard Records 250272
Sortie: 2010/09/03