SOUL ENEMA – Thin Ice Crawling
Formé en 2001, Soul Enema affûte ses armes depuis lors, en passant par la réalisation d’un EP en 2003. Il aura fallu encore 6 autres années pour que ce groupe israélien accouche de ce premier album intitulé « Thin Ice Crawling ».
Et voilà un OVNI qui se transforme en claque quand vous lancez votre lecteur CD, surtout si vous appréciez le rock symphonico-prog-folk-métal combiné à des paroles chantées cédant parfois à une approche théâtralisée. Emmené par son leader, claviériste et principal compositeur Constantin Glantz, Soul Enema vous emporte dans un voyage musical enchanteur, combinant des influences symphonico-prog héritées des seventies à des incursions folk, jazzy, psychédéliques sur fond de hard métalleux. Glantz est un véritable orfèvre en matière de compositions, scotchant votre attention à l’écoute de ces 58 minutes de pur bonheur, de la première à la dernière seconde. Il y a dans chacun des morceaux une progression qui coule naturellement, enchaînant les breaks et changements de rythmes avec un art supérieur de l’arrangement.
Nous connaissons tous des titres tellement réussis que l’on imagine pas de meilleure version que l’originale, « Dancing with the Moonlit Knight » de Genesis ou « Bohemian raphsody » de Queen en font partie et aucune autre version de ces titres ne concurrence l’originale, tant cette dernière a capturé au maximum l’essence même à sa création. A contrario, d’excellentes compositions peuvent susciter d’autres versions tout aussi fortes sinon plus que la version originale, le Who ayant par exemple littéralement confisqué le « Summertime Blues » de Cochran, ou encore Hendrix le « All along the watchtower » de Dylan, pour en proposer des versions tellement personnelles qu’elles en ont acquis une nouvelle vie, une existence propre. Dans « Thin Ice Crawling », la progression naturelle de chaque titre se révèle être une telle réussite qu’on n’imagine pas de meilleur traitement pour chacun d’entre eux.
Les parties de claviers s’enchaînent aux parties de guitares avec une telle aisance et une telle justesse que tout coule de source. L’inspiration de Glantz dans son jeu de claviers rappelle celle que l’on trouvait chez les Tony Banks, Keith Emerson ou Rick Wakeman dans leurs meilleures années, tandis que Yevgeny Kushnir bascule de riffs métal et hard bien sentis aux arpèges acoustiques avec la même inspiration, ainsi que le démontre avec brio « Splinter ». La section rythmique est moderne et dynamique, le chant d’Irina Sherr possède une réelle personnalité, couvrant un registre diversifié, avec un timbre vocal qui pourrait résulter d’un croisement entre Dani Klein et Jessica Thierjung de l’excellent groupe allemand folk celtico-métal Lyriel. Les parties vocales sont riches et variées, théâtralisées du côté de Glantz qui intervient lui aussi au chant. Des colorations orientales, folk, classiques et quelques petites touches subtilement électro parsèment cet album dense, donnant l’impression d’y retrouver Stackridge, Phideaux ou Blackmore’s Night côtoyant Jethro Tull, Kamelot, Trans Siberian Orchestra ou Savatage dans un salon appartenant à Arjen Lukassen alias Ayreon, dont l’ombre plane sur ce « Thin Ice Crawling ».
Les 9 titres forment la trame d’un concept qui constitue le fil d’Ariane parmi les séquences de la vie d’un frère et d’une sœur qui vont sombrer dans des problématiques sociétales (drogue, fanatisme politique, prostitution, solidarité familiale, etc.) jusqu’à déboucher sur la mort de chacun d’eux. La conclusion est qu’il y aura toujours les mêmes pingouins rampant sur une fine couche de glace, jusqu’à ce que les fissures les entraînent vers le point de non-retour, d’où le titre de l’album. Chaque morceau est ainsi un chapitre, lequel peut par ailleurs s’appréhender individuellement et de façon indépendante par rapport aux autres. La musique habite les paroles, à moins que ce ne soit l’inverse, mais leur osmose participe de la réussite finale de cette œuvre.
Voici un album ne contenant aucune faiblesse, produisant une alchimie rare entre mélodies et rythmes variés, nourris par une inspiration de tous les instants, visitant plusieurs paysages rock tels que prog, métal ou folk. La symbiose entre les musiciens est réelle et magique dans cette musique majoritairement composée par Glantz, dont le nom est certainement à retenir. « Thin Ice Crawling » est un must absolu, produisant une rare constance dans la qualité musicale estampillant de son sceau les 9 titres de l’album, tous aussi forts les uns que les autres. Un top album de 2010, un top album du progressif tendance métal, un top album pour chaque mélomane qui se respecte, un propriétaire à vie de votre/vos lecteur(s) CD.
Musiciens :
- Irina Sherr – chant
- Yevgeny Kushnir – guitares
- Max Mann – basse
- Constantin Glantz – claviers et chant
- Oleg Szumsky – batterie
- Guest: Teddi Shriki – percussions
- Guest: Stas Gorodov – sax alto
- Guest: Michael Rosenfield – choeurs
- Guest: Valeria Kaplan – choeurs
Liste des morceaux :
- The Land Derailed 7:30
- The Last Night 8:41
- Quicksand Lies 5:28
- Crystal Territory 7:10
- Splinter 7:09
- Other Line 7:43
- Unholy Ghost 6:09
- 911 8:59
- Thin Ice Crawling 7:59
Pays: IS
Mals Records 354
Sortie: 2010/04/20