IGGY AND THE STOOGES – Raw power
37 ans après sa parution, l’album « Raw power » des Stooges reste d’une influence considérable. Ce disque, qui doit être vu comme le premier album punk de l’histoire, précurseur immédiat de la vague de 1976-77, a pourtant été enfanté dans la douleur et a longtemps fait l’objet d’une polémique sur son mixage.
En 1972, Iggy Pop débarque à Londres, sur l’initiative de David Bowie qui est devenu son ami. Le but de Bowie est de remettre Iggy sur les rails en le présentant à son manager. Les Stooges se sont déjà désintégré une première fois et le line-up qui est remis en place fait intervenir un nouveau guitariste, James Williamson, alors que le guitariste historique Ron Asheton est replacé au rang de bassiste. De plus, l’enregistrement de ce troisième album se fait difficilement. Les Stooges sont défoncés, il y a des tensions entre le management, Iggy et Bowie au sujet du mixage de l’album et de l’interdiction faite aux Stooges de s’exprimer en concert. Alors que les Stooges sont retournés traîner en Californie, David Bowie travaille sur le mixage de « Raw power ». Intentionnellement ou non, il place tous les instruments et la voix sur une seule piste et hypertrophie la guitare et le chant au détriment de la rythmique.
En mai 1973, l’album « Raw power » est enfin en vente libre. Il est reçu très favorablement par la critique, même par le magazine Rolling Stone, qui vante le travail de Bowie. On en vient même à se demander si la presse ne tresse pas des lauriers à Bowie (qui vient de se révéler un producteur catastrophique) plutôt qu’aux Stooges (qui viennent d’enfanter un album de punk intemporel). Les plus fines épées de la profession reconnaissent enfin le génie des Stooges. Mais les Stooges eux-mêmes restent sur leur faim au sujet de cet album et continueront leur autodestruction, se séparant après une promotion minimale de leur album.
« Raw power », album séminal qui va bouleverser toute une génération de petites frappes, sera l’acte final de l’épopée des Stooges. Depuis, la polémique sur le mixage de Bowie a été quelque peu atténuée par la sortie en 1997 du propre mixage de « Raw power » fait par Iggy Pop, plus puissant que l’original. Et aujourd’hui sort une réédition de luxe du « Raw power » mixé par Bowie, assortie d’un disque bonus avec un live des Stooges de 1973 qui, miracle, est audible (ce qui n’a jamais été le cas des pirates des Stooges). L’affaire est finement jouée puisque ceux qui possèdent déjà les éditions précédentes seront quand même tentés de l’acheter et ceux qui ne connaissent pas « Raw power » doivent de toute façon l’acquérir car, quelle que soit sa version, l’album est OBLIGATOIRE dans toutes les discothèques. Le nouveau traitement fait à ce « Raw power » version Bowie restaure enfin les bandes, même si les défauts d’origine demeurent, ce qui n’est pas grave quand on pense à la signification de « Raw power ».
« Raw power » est un des plus beaux exemples d’agression sonore érigée en système. Aussi malfaisant de par la musique que par les paroles, il sème la panique rien que par les titres : « Search and destroy », « Penetration », « Your pretty face is going to hell », « Gimme Danger », « Raw Power » ou « Death trip », le dernier titre de l’album qui est tout un symbole. « Search and destroy » et « Raw power » sont les deux chansons les plus terrifiantes, véritables exercices de punk métallique. Les riffs foudroyants de la guitare servent un chant maniaque qui crache des paroles haineuses et provocantes. « Gimme danger » dégage une rage étouffée et désespérée, entrecoupée d’effets de guitares qui ressemblent à des violons. « Your pretty face is going to hell » prend des allures de rock ‘n’ roll passé dans un sas de contamination. C’est le troisième titre ultra-violent de cet album. « Penetration » est un authentique hymne à l’héroïne lancé dans une ambiance lascive et décadente. « Raw power » est sublime, avec son riff simple et vicieux enluminé d’une touche de piano de bastringue joué note à note, comme si un catcheur lobotomisé se mettait à Beethoven. James Williamson se hisse ici au rang des grands riffeurs de l’acabit des Keith Richards ou Dave Davies. « I need somebody » est un titre cool qui fait office de calme avant la tempête. Cette tempête achève le disque et s’habille d’épilepsie transgénique avec « Shake appeal » et « Death trip », sortes de messes vaudous hurlées à toute vitesse avant la descente de police.
Depuis, les Stooges reformés sont devenus la légende que l’on sait. Ils ont même survécu au récent décès de Ron Asheton, remplacé à nouveau par James Williamson, et Iggy Pop reste le sexagénaire le plus bestial sur scène qu’on ait pu voir. Après les rééditions de « The Stooges » et de « Funhouse », les deux premiers albums des Stooges, cette troisième réédition de grand style réhabilite une discographie d’époque courte mais décisive.
Pays: US
Columbia Legacy 88697686312
Sortie: 2010/04/13