ANGE – Le bois travaille, même le dimanche
Un peu plus de deux ans après le très réussi « Souffleurs de vers« , le légendaire groupe Ange revient sur le devant de la scène. En cette année 2010, ils fêtent leur 40e anniversaire en grandes pompes avec une tournée qui a démarré au mois de janvier à l’Olympia et qui, comme de bien entendu, passera par notre Spirit of 66. La tournée a été baptisée 40e Rugissante, un nom particulièrement bien choisi, car notre cher Christian Décamps semble au sommet de sa forme. C’est principalement lui qui a composé ce nouvel opus, son fils Tristan et Caroline Crozat signant juste un titre.
L’objet en main, on constate le grand soin apporté au livret. Le design est signé Phil Umbdenstock. La pochette représente un Pinocchio redevenant arbre sous l’effet de sa méditation. Une branche inspire l’avenir.
Une fois encore Christian use de son don de poète jouant sur les mots. C’est un don, c’est sûr. L’album continue la voie tracée par « Souffleurs de vers ». C’est celle d’un souffle nouveau et d’une implication plus grande pour notre environnement. Environnement, le mot est lâché. Il se penche sur l’état de notre Terre. Les hommes veulent voler (« Des papillons, des cerfs volants »). Résultat, ils polluent et se crashent avec pour conséquences sang, morts, et un bon mal de crâne pour le pilote qui joue à crash crash. Notre barde se transforme en Ché, regard « persan », pour un « Hors-la-loi » plus dur. Le monde se cherche son Guevara, hors-la-loi des temps modernes.
Pour le morceau titulaire, long épique de plus de douze minutes, Christian s’en donne à coeur joie avec les mots. Moitié chanté, récité plutôt, par lui-même, Caroline et Tristan. Ensuite c’est une véritable explosion sonore qui chasse l’homme de la forêt nous dévoilant une guitare verbeuse, des claviers intenses, une section rythmique heavy. Le livret nous montre un arbre en forme de main. Serait-ce la main tendue que la nature tend à l’humain ? La saisira-t-il ?
Sus à la désinformation, aux mensonges qui n’ont pour but que de nous manipuler. La guitare est cinglante pour « Sous le nez de Pinocchio ». Le rythme est lourd (de sens). Marrant ce Pinocchio qui ressemble à… Chirac ! Finalement, notre poète se demande si la solution n’est pas la vie en autarcie. La mélancolie baigne les paroles alors que la rage habite la musique. Le choix est difficile comme le démontre « Jamais seul ». Outils indispensables à l’humanoïde que nous sommes, l’oeil et l’ouïe, dont on se sert par exemple pour faire l’amour (un exemple parmi d’autres…), nous offre un final éblouissant, un solo mirifique, des choeurs impressionnants. Frissons garantis !
« Clown blanc » oppose les extrêmes dans une ambiance de haute tension. « Dames et dominos », c’est un peu le jeu de l’amour, avec ou sans joker, avec ou sans règles. Mélodie simple et mélancolique. « Les collines roses », c’est le titre écrit par Caroline Crozat et Tristan Décamps. C’est plutôt un plaidoyer anti-OGM, pour le respect de la nature. Les choeurs se montrent une nouvelle fois imposants et l’ambiance finale n’est pas loin du fameux « Atom Heart Mother » de Pink Floyd.
Avec « Ultime atome (Anatomie d’un conte à rebours) », Christian se replonge dans son passé : la péniche sur son lacrymal, l’apprenti sorcier, ce qui lui fait tourner la tête, le capitaine coeur de miel, au-delà du délire, le couteau dans la plaie. Bref, il revisite ses propres classiques. L’album se termine avec une critique de la pub qui nous envahit et détruit les rêves de nos enfants. « A l’ombre des pictogrammes », le Père Noël est mort. Lentement et mélancoliquement, nous sommes entraînés vers un final aux arrangements captivants. Encore les frissons !
En résumé, « Le bois travaille, même le dimanche » est un des albums indispensables de Ange, un album qui devrait même séduire ceux qui auraient quitté le navire trop tôt, et même ceux qui n’avaient jamais sauté sur l’arche durant ces 40 années, lesquelles font de ce groupe un dinosaure du monde musical rock. En se penchant sur notre planète, ils en auront au moins sauvé un !
Pays: FR
Art Disto ART 401661
Sortie: 2010/01/25