GABRIEL, Peter – Scratch My Back
Huit ans déjà ! Huit ans depuis la sortie de l’excellent « Up« et enfin Peter Gabriel nous sort un album ! Bien sûr on a eu droit entre-temps au véritable bijou qu’est le DVD « Growing Up Tour« , mais cela remonte déjà à sept ans ! Un délai habituel pour les fans du maître de Bath depuis la sortie de son troisième album. Mais seulement voilà, peut-on vraiment parler d’un nouvel album ? Le principe de cette nouvelle galette est de reprendre des morceaux d’autres artistes. Pas nouveau comme concept, Peter, d’autres grands s’y sont déjà essayé. David Bowie avec « PinUps » ou Patti Smith et son « Twelve » (magnifique d’ailleurs !) pour ne citer qu’eux. Mais Peter Gabriel ne fait jamais rien comme les autres. Le principe est différent ! Sur « Scratch My Back », Peter chante et est accompagné par un orchestre classique : le London Scratch Orchestra, et un pianiste : Tom Cawley. Pas de guitare, de batterie ou de basse. La production est due à un vieux collaborateur (celui de son premier album), Bob Ezrin (producteur entre autres de « The Wall »), et la plupart des arrangements sont de John Metcalfe de Durutti Column.
Vous trouverez toutes les opinions à propos de ce nouvel opus sur la toile, certains trouvant formidables ces versions personnelles complètement revisitées, d’autres, déçus, auraient largement préféré un album de nouvelles compositions de Peter. Je dois bien avouer qu’à la première écoute je n’étais pas profondément enthousiasmé, la lenteur des interprétations donnant me semblait-il un petit côté tristounet à l’ensemble. Bof ! Me dis-je donc en moi-même (et en allemand, car je connaissais les deux langues !). Trêve de plaisanterie, comme souvent avec maître Gabriel, la première écoute n’offre qu’une impression très superficielle de l’album, tant le produit est travaillé avec finesse et perfectionnisme, on entre dedans petit à petit.
Peter nous offre une alternance de reprises de vétérans, de géants du rock, et de petits jeunes. Parlons d’abord de ces derniers, les versions de sir Gabriel ont déjà le mérite de faire découvrir (tout du moins à des incultes tels que moi) des artistes qui lui plaisent. Elbow, avec le très beau « Mirrorball », Peter a déclaré lors d’une interview diffusée sur Classic 21 que chanter ce titre lui avait rappelé l’époque où il chantait avec Genesis et en particulier « Carpet Crawl », même si le rapport ne saute pas aux oreilles, on peut parler de compliment. En tout cas, vous pouvez écouter Elbow, ce groupe mérite d’être connu, merci Peter. Bon Iver avec « Flume », jeune groupe américain emmené par Justin Vernon. Magnetic Fields avec « The Book Of Love » et puis la jeune chanteuse américaine d’origine moscovite Regina Spektor et le très doux « Après Moi ». Je me suis amusé à écouter les originaux, tous valent le coup (Peter a évidemment bon goût). Dans tous les cas, les versions de « Scratch My Back » respectent, voire transcendent ces chansons.
D’autres titres repris ici sont l’œuvre de groupes relativement jeunes, mais ayant largement pignon sur rue. Arcade Fire d’abord dont Peter nous joue l’excellent « My Body Is A Cage », très prenant, mais orchestration un peu lourde par instants. Radiohead ensuite (et pour clôturer l’album) avec « Street Spirit (Fade Out) », là je sais pas vous, mais j’ai un peu de mal (même après moult écoutes) ! Les arpèges de guitare manquent cruellement et les arrangements sont un peu mous.
Terminons par les anciens. « Heroes » de David Bowie donne le ton en ouverture, beaucoup plus doux que l’original, trop pensais-je au départ, mais à force de l’écouter on fini par vraiment apprécier. Un tout autre morceau que celui de David, mais franchement cette version tient la route ! Un autre titre que Brian Eno a coécrit : « Listening Wind » tiré du grand « Remain In Light » des Talkingheads (considéré à juste titre par sir Gabriel comme un des meilleurs albums des années 80). On est tout à fait dans l’esprit de l’original qui aborde un thème proche de « San Jacinto », une réussite ! « The Power Of The Heart », chanson récente de Lou Reed, que ce dernier joue avec Laurie Anderson qui avait déjà travaillé avec Peter Gabriel, notamment sur « Excellent Birds » (figurant sur « So »). Là aussi, Peter est tout à fait dans l’esprit du morceau de départ, son chant donnant même plus d’émotion que le phrasé de Lou.
Terminons par les deux chansons les plus proches de leur modèle original : « I Think It’s Going To Rain Today » arrangé par l’auteur en personne, Randy Newman, et le mélancolique « Philadelphia » de Neil Young (qui illustre la scène de l’enterrement dans le film du même nom). Qu’en dire? Cela n’apporte pas grand-chose, si ce n’est que c’est amusant d’entendre cela chanté par Peter. Notons que tous les artistes repris ici ont reçu une invitation pour reprendre un titre de Peter sur la réplique prévue à ce disque, « I’ll Scratch Yours », qui devrait être à nouveau produit par Bob Ezrin.
Voilà, il me faut noter ce que j’ai du mal à considérer comme un nouvel album de Peter Gabriel. Cette note n’a pas de grande importance dans l’absolu, mais je l’ai donnée sans tenir compte du reste de l’œuvre de Peter, en considérant l’album pour lui-même, pas vraiment le plus indispensable de l’artiste, mais un bel exercice de style, que je trouve bien réussi (affaire de goût).
Reste juste à espérer que ce jeu auquel l’artiste s’est livré ne l’ait pas empêché d’écrire et qu’il ne faudra pas encore attendre des années avant de voir sortir un nouvel opus du maître. Rassurons-nous en pensant que deux ans seulement avant « Up », à l’occasion du passage au nouveau millénaire, Peter avait sorti « Ovo », autre exercice considéré comme hors discographie. Alors…
Pays: GB
Realworld PGCD12
Sortie: 2010/02/15
A part « Heroes » de David Bowie, je n’aime pas du tout cet album trop classique. Ressemblant à de la musique de film de seconde zone…