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MANIC STREET PREACHERS – Journal For Plague Lovers

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L’histoire des Manic Street Preachers est peu banale. Le groupe se forme à la fin des années 80 avec James Dean Bradfield au chant et à la guitare, Nicky Wire à la basse, Sean Moore à la batterie et Richey Edwards comme second guitariste (enfin, quand elle était branchée…). Ces quatre gallois révolutionnaires dans l’âme (dont les textes parfois à la limite du politiquement correct sont bourrés de références à des artistes aussi anarchistes qu’eux) sortent un premier album en 1992, largement influencé par Guns N’ Roses (certains riffs de « Generation Terrorists » doivent beaucoup à Slash et consorts).

Ils emprunteront un chemin plus personnel dès leur deuxième effort, « Gold Against The Soul » en 1993. C’est toutefois avec le cultissime « The Holy Bible », leur troisième album en autant d’années, qu’ils se hisseront au firmament des groupes influents de la musique indépendante britannique. Un album dont les textes sont en majeure partie écrits par l’instable et tourmenté Richey Edwards, genre de Sid Vicious de sa génération, jamais à court d’idées pour défrayer la chronique (son acte le plus dérangé aura été de se tailler « 4REAL » au cutter sur l’avant-bras lors d’une interview avec le NME). Extrêmement cultivé et lecteur assidu (jusqu’à six livres par semaine), il est la force créatrice du groupe à défaut d’être un musicien hors pair.

Cependant, quelques mois après la sortie de cet album, Richey Edwards disparaît sans laisser de trace, laissant le groupe dans l’embarras le plus total. Les musiciens décident finalement de continuer l’aventure en trio, laissant une porte ouverte au cas où il reviendrait (ils continuent à lui verser un quart des royalties). C’est curieusement à partir de ce moment qu’ils obtiendront un succès commercial conséquent, alternant toutefois l’excellent (« Everything Must Go » en 1996, le live « Leaving The 20th Century » en 2000), le très bon (« This Is My Truth, Tell Me Yours » en 1998) et le décevant (« Know Your Enemy » en 2001). Ils commencent à retrouver un peu de crédibilité aux yeux de la critique avec « Lifeblood«  en 2004 mais c’est surtout avec l’excellent « Send Away The Tigers«  que le groupe retrouve ses sensations en 2007.

Quelques semaines après la disparition de Richey Edwards, un carnet de notes est retrouvé, contenant plusieurs textes de titres non enregistrés. Certains se retrouveront sur « Everything Must Go », mais la plupart dormiront au fond d’un tiroir pendant plusieurs années, le groupe ne trouvant pas le courage de les utiliser. En tout cas jusqu’à aujourd’hui, vu que les trois musiciens ont estimé qu’il était désormais temps de rendre hommage à leur confrère disparu. Ce carnet de notes sera donc la base de ce qui allait devenir le neuvième album du groupe, « Journal For Plague Lovers ». Un album qui aurait pu s’appeler The Holy Bible MK2? Pas sûr…

Pourtant, plusieurs points sont identiques, à commencer par la pochette, qui représente une peinture controversée de Jenny Saville. On retrouve le même nombre de plages (13) et la première d’entre elle débute par le sample d’un film. Mais une fois que les instruments s’enclenchent, on ne découvre pas tout à fait un nouveau « Yes ». Quoi que. Malgré les apparences, « Peeled Apples » est bien un nouveau titre des Manic Street Preachers qui, en quinze ans, ont évolué. Et c’est bien ici que réside l’intérêt de cet album. Voir comment trois musiciens peuvent mettre en musique des textes écrits par un quatrième alors que cette personne n’est plus là pour en expliquer les subtilités.

C’est à partir de la deuxième plage, « Jackie Collins Existential Time », que l’on commence à sentir la direction de l’album, tout comme la patte de Steve Albini, le co-producteur de l’album aux côtés du fidèle Dave Eringa. « Me And Stephen Hawking » est du classique Manics, avec son break qui succède aux riffs de guitares saccadées. « This Joke Sport Severed » est une petite merveille de sensibilité où la voix de James Dean Bradfield se révèle magnifique, alors que les violons achèvent de rendre le titre irrésistible.

Les guitares reprennent le dessus sur la plage titulaire, « Journal For Plague Lovers », souvenirs du passage de Richey Edwards dans une institution de désintoxication. Le même thème est utilisé pour « She Bathed Herself In A Bath Of Bleach », autre référence à un séjour en milieu hospitalier en 1994, et où le son métal grungy crasseux de Steve Albini prend tout son sens (dans la lignée du « In Utero » de Nirvana qu’il a aussi produit, et qui est un des albums favoris des Manics).

A l’écoute de « Facing Page: Top Left », on se rend vraiment compte que l’on n’écoute pas The Holy Bible 2. En effet, on est en présence d’un morceau qui respire plutôt la sérénité, alors qu’en 1994, on sentait clairement la rage et l’esprit révolutionnaire. « Marlon J.D. » et son beat sorti tout droit d’une boîte à rythme, fait référence à un film de Marlon Brando (« Reflections In A Golden Eye ») et ici aussi, la voix de James Dean Bradfield est particulièrement inspirée. Par contre, « Doors Closing Slowly » passe un peu plus inaperçu. Heureusement, « All Is Vanity » remet les choses à leur place, grâce à son atmosphère plus vindicative.

Les paroles de « Pretension/Repulsion » tournent autour d’une peinture de Jean Auguste Dominique Ingres (La Grande Odalisque) datant du XIXe siècle avec une question à la clé: Où s’arrête la beauté? / Où commence la laideur? Aucun single ne sera extrait de l’album, mais s’il fallait en choisir un, ce serait sans hésiter « Virginia State Of Mind », dont le refrain poppy est un petit délice. L’album se clôture par « William’s Last Words », chanté par Nicky Wire, sans doute le Manic le plus proche de Richey. En effet, James Dean Bradfield ne se sentait pas capable de poser sa voix avec des paroles lourdes de sens et troublantes de réalité. Reste malgré tout encore un titre, « Bag Lady », le morceau caché qui est peut-être, avec « Peeled Apples », celui qui ressemble le plus à une chute de « The Holy Bible ».

Ce neuvième album des Manic Street Preachers va sans doute décontenancer ceux qui les ont découverts grâce aux hit singles. Par contre, il va ravir les fans de la première heure qui risquent même de verser une petite larme. On ne pouvait imaginer plus bel hommage envers un personnage aussi mystique que Richey Edwards…

Pays: GB
Sony Music 88697520582
Sortie: 2009/05/18

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