LAST RESORT (The) – You’ll never take us
2009 : tout le monde écoute la Star Academy ou MTV en pensant que porter des Converse à 40 euros et une ceinture à clou de chez Gucci, c’est être rock. 2009 : les groupes rock les plus dangereux du circuit son les BB Brunes et Amy Winehouse, qui font peur aux adorateurs de Tokio Hotel, bien tranquilles derrière de petits accords de guitare bien mièvres. Dans tout ce petit jardin bien rangé et bien poli, il y a un coin éloigné où on entend des beuglements et des accords brutaux qui semblent issus d’une autre époque. Un truc qui sème le malaise, un truc qu’on appelle du… punk. « Ah », dit l’attaché de presse de MTV, « du punk? Green Day, quoi ». Non, Monsieur : du punk, du vrai, du tatoué.
Avec The Last Resort, les petits jeunes qui ne connaissent que Green Day ou Offspring comme symboles du punk vont pouvoir découvrir ce qu’est un vieux de la vieille en matière de punk authentique. Et plus précisément de oï, le versant le plus primitif et le plus grossier de la montagne punk, avec ses hymnes de bar et ses ambiances de baston à la sortie des stades de foot. Le oï, genre confidentiel, a néanmoins eu ses porte-paroles avec Sham 69, Cockney Rejects ou les 4 Skins. Eh oui, tout cela nous rappelle l’époque Thatcher, la violence urbaine, les grèves de mineurs, les banlieues livrées au chômage et à la glandouille, avec le pub et le foot comme seul point de repère. Les Anglais sont des sauvages, mais ils ont du style.
The Last Resort accumule sur ses seules épaules ce lourd héritage. Ce groupe de vieux toujours fringants a eu une courte existence entre 1980 et 1982. Il devait enregistrer un disque qui ne verra jamais le jour, à l’époque tout du moins. Car près de trente ans plus tard, le membre fondateur Roi Pearce (chant) s’est entouré du guitariste Keith Hillyer, du batteur Chris Jones et du bassiste J.J. Kaos pour enfin livrer au monde moderne ce « You’ll never take us », un petit brûlot punk oï de 14 titres balancés en plein bas-ventre en moins de 45 minutes.
Ce qui impressionne chez The Last Resort, c’est que les types jouent comme s’ils étaient restés en 1982. Eh les mecs, le grunge, le garage ‘n’ roll revival, ça ne vous dit rien? Non, apparemment, ils s’en foutent, ils s’en prennent toujours à Margaret Thatcher et aux émeutes de Brixton en 81. Blousons bombers, boules à Z, traces de combats de rue (le chanteur a un œil crevé), les types en imposent. Leur message, c’est le oï, la bagarre, l’anarchie, la défense acharnée de la mémoire de Sid Vicious. Entre Anti-Nowhere League et The Exploited, The Last Resort est la dernière grande offensive du punk old-school tel qu’on l’a connu au début des années 80.
Les mômes, vous n’avez pas connu cette époque-là et vous ne la connaîtrez jamais, et en somme, c’est bien dommage. A vous, on vous réserve la révolte en carton-pâte, l’émeute répétée en studio, le scandale lancé par des agences publicitaires, bref la révolution enrobée de feutrine et soigneusement encadrée. Seule alternative pour échapper à ce carcan étouffant, un bon disque de punk oï à l’ancienne signé The Last Resort. On n’espère qu’une seule chose : la réouverture prochaine du Magasin 4, seul susceptible d’accueillir sur scène cette bande de mauvais garçons insortables mais ô combien salutaires.
Pays: GB
I Scream 87.787.02
Sortie: 2009/05/08