OBERST, Conor – Conor Oberst
Né en Omaha, il fut un jeune prodige qui, dès l’âge de 14 ans, s’est mis à la composition de textes intelligents mais parfois hermétiques. Même s’il n’a pas dû comme lui défricher des terres inconnues pour créer un genre et sans avoir l’aura de son illustre prédécesseur, on peut dire de Conor Oberst qu’il adopte la démarche de Bob Dylan avec son analyse pointue de la société actuelle à travers le prisme de ses observations et de son expérience. Pour réaliser cet album, il s’est retiré au Mexique, dans un endroit montagneux propice à la création artistique avec son Mystic Valley Band, ce qui dénote un souci constant d’authenticité et une volonté de faire quelque chose de différent, quel que soit le prix à payer.
Le résultat est là : il sort un premier album solo qui vaut au moins celui de son groupe Bright Eyes, « Cassadaga », sorti en 2007. Cette fois, il s’est entouré de Nik Freitas à la guitare, Taylor Hollingsworth à la guitare, Macey Taylor à la guitare basse, Nate Walcott (Bright Eyes) aux claviers et à la trompette et Jason Boesel (Evergreen, Bright Eyes, Rilo Kiley) à la batterie pour mener à bien son entreprise non dénuée de risques. Il y aborde ses thèmes de prédilection.
Sur « Cape Cañaveral », introduit par les fantastiques percussions de Jason Boesel, on ressent très fort son attachement à la terre des ancêtres, comme celui des Indiens d’Amérique, des écologistes avant l’heure. Il y met l’accent sur la comparaison entre la beauté du paysage et la nécessité de la technologie moderne. Elle est acceptable si elle apporte quelque chose pour l’homme. Le très beau et très rythmé « Sausalito » aborde le thème de la solitude. Conor Oberst ne supporte pas l’idée que quelqu’un puisse être livré à lui-même. C’est une véritable obsession chez lui. Mais paradoxalement, il y aborde aussi le voyage et le besoin d’évasion sur un bateau où on s’endort grâce à la régularité du ressac et où on se réveille le matin avec le ciel bleu comme vue unique. Ce paradoxe fait partie de ses contradictions.
« Get-Well-Cards » est une ballade qui parle de la vie insouciante en prenant comme exemple le facteur qui doit distribuer le courrier mais qui se prélasse sur la plage. La très sombre et très belle ballade « Lenders In The Temple », le meilleur morceau de l’album, aborde les rapports entre l’argent et la religion à travers l’exemple des plus démunis, les enfants. « Harry Callahan » traite de la solitude et de la mort en parlant de l’amour qui se transmet après le départ pour un long voyage. Rien de cela ne se perd quand on a quelqu’un. Toujours cette obsession de la solitude et le besoin de croire que l’amour laisse une trace après la mort.
« I Don’t Want To Die (In The Hospital) » est une chanson qu’il a écrite après avoir rencontré un malade de 75 ans. Il dit notamment : « I don’t give a damn what the doctors say/I don’t want to spend another lonesome day/I don’t want to die in the hospital/You got to take me back outside ». « Je ne crois pas un mot de ce que disent les médecins/Je ne veux pas passer seul un jour de plus/Je ne veux pas mourir à l’hôpital/Tu dois me faire sortir ». Sa voix est littéralement paniquée.
La ballade « Eagle On A Pole », un aigle sur un poteau, est une image de cauchemar puisée sur les lieux où il a fait l’album. Voir ces indiens pieds nus dans la neige sous le regard d’un aigle l’a beaucoup frappé et on voit apparaître la notion de fatalisme chez lui. Ce qui est fait est fait, on n’y revient pas. Sur « NYC – Gone Gone », un morceau tonique pour une fois, comme si une fête avait eu lieu pour fêter un événement particulier, il se rappelle la vie à New York et ses amis lui manquent, même s’il y trouve la vie peu intéressante. On fait la connaissance de deux autres notions importantes chez lui : l’absurdité de la vie quotidienne et le besoin d’appartenance à un groupe d’amis.
A travers ses textes, on découvre par petites touches sa personnalité profonde et ses préoccupations universelles, contrairement à celles de Richard Ashcroft, beaucoup plus tourné vers l’introspection. Sur « Moab », il y a une certaine ressemblance avec Tom Petty sur le plan vocal pour dire que le départ d’un être cher peut être soigné sur la route. L’évasion curative, en quelque sorte. Toujours le contraste paradoxal entre cette peur de la solitude et ce besoin d’évasion ! Sur « Valle Místico (Ruben’s Song) », une courte transition, quelqu’un souffle plusieurs fois dans une conque, une coquille de mollusque servant de trompe au dieu de la mer. « Souled Out!!! » est une sorte de fête d’adieu et il se rend compte qu’il ne comprendra pas tout de la vie des gens et de leur philosophie. « Milk Thistle » est un morceau final triste qui parle de rajeunissement au contact des gens d’autres contrées, avec d’autres mœurs. La richesse de la différence semble être le maître-mot, ici. Mais on retombe dans la réalité et ça déprime un peu. Il faudra du temps pour revenir sur terre. Mais au paradis, il s’ennuierait comme un bébé qui pleure au fond d’un puits… L’innocence de l’enfance aussi l’obsède.
Très bon album d’un nouveau Lloyd Cole. Petit détail hors contexte mais qui a son importance pour tenter de mieux cerner sa personnalité : il a donné un concert pour soutenir Barack Obama. La guerre perpétuelle, il n’aime pas ça.
Pays: US
Wichita Recordings / V2 Webb175CD
Sortie: 2008/08/02