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NATIONAL HEAD BAND – Albert 1

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Esoteric Recordings, le label des groupes prog-jazz-fusion oubliés, vient d’ajouter à son catalogue, un album bien intéressant, recherché par les amateurs du genre et qui pourtant n’a connu qu’un succès très confidentiel à sa sortie en 1971 (Warner Bros). Cet album s’intitule : « Albert 1 Presenting National Head Band ».

Comme bon nombre d’entre vous, j’ignorais jusqu’à l’existence de cette oeuvre et de ce groupe. Tous les deux sont à ranger dans l’immense rayon des (injustement) oubliés de l’histoire du rock (et de la musique en général), et ce probablement uniquement faute de marketing correct.

Un ami m’ayant fait il y a quelques années découvrir le fantastique « Nantucket Sleighride » de Mountain, et à qui je demandais : « comment se fait-il qu’un aussi bon groupe ait eu aussi peu de succès ? », m’a répondu : « parce qu’il ne figurait pas sur le premier film de Woodstock ». Cette judicieuse réponse fut confirmée un peu plus tard dans l’émission de classiques de Marc Ysaye consacrée au premier grand festival rock de l’histoire.

Mais revenons-en au National Head Band, groupe formé par Jan Schelhaas, musicien né à Liverpool et bien connu de l’école de Canterbury puisqu’il fera partie de Caravan et jouera avec Camel (notamment sur l’excellent album « Nude »), après être passé par le groupe de Gary Moore. Il a également joué avec Thin Lizzy. Jan tient les claviers et assure l’écriture des titres, partageant la composition avec Neil Ford, excellent guitariste d’influence blues (alors que Jan adore la soul music) et qui assure également le rôle de chanteur principal (si je ne me trompe, n’ayant trouvé aucune information à ce sujet, autre que le « vocals » inscrit sur la couverture du disque). La section rythmique est assurée par Dave Paul, basse et chant, musicien de tendance folk, et Lee Kerslake, batterie et chant, qui deviendra ensuite le batteur d’Uriah Heep.

Alors, puisque le disque est peu connu, jouons aux jeux des comparaisons, avec un claviériste amateur de soul, un guitariste bluesman, un bassiste folk et un batteur qui va faire partie d’un groupe de hard, on doit s’attendre à un beau patchwork ! Et c’est le cas !!!
Sur « Got no time », les claviers sont jazz, la voix est aiguë, la batterie affutée, ça swingue ! À mi-chemin entre du Canterbury et Led Zeppelin. « You » se pose quelque part comme la suite du premier morceau, le refrain « got no time to talk to you » y est même repris, mais le ton change, c’est acoustique, avec des chœurs, un peu comme si le groupe avait voulu faire une suite à « Got no time » avec… Crosby, Stills, Nash & Young ! « Too much country water » est un titre qui correspond bien à notre climat, et à celui des îles britanniques. Cela sonne pourtant un peu West Coast, entre Grateful Dead et les Doobie Brothers (époque Tommy Johnston). C’est une excellente chanson qui aurait pu figurer sur « The Captain and Me ».

Avec « Lead me back », question influence je vais être d’une banalité crasse, tant ces géants ont influencé de monde, mais ça sonne Beatles à pleines oreilles ! On se croirait sur « Abbey Road » (mes propos sont confirmés par John Wright sur le livret du disque, et par un ami à qui j’ai fait écouter l’album, sans lui dire quoique ce soit de mes impressions !). Très beau morceau qui aurait pu avoir été écrite et chantée par Paul McCartney. Il paraît que l’influence Beatles vient de Lee Kerslake. « Listen to the music » nous fait retraverser l’atlantique et retourner chez les Doobies, et pas uniquement à cause du titre, vraiment de la bonne West Coast, mais venant du sud-est de l’Angleterre !

« Ilsington Farm » est plus country, avec des chœurs et des claviers très Beatles (à nouveau), le titre qui personnellement m’émeut le moins. Sur « Try to reach you », on est de nouveau plus proche de ce qui se faisait outre-atlantique qu’outre-manche. Neil Ford nous offre même un solo de bottle-neck. « Brand new world » est la chanson courte typique des années ’70 façon Donovan ou Don Mac Lean, intro à la guitare folk, bonne grosse ligne de basse, voix douce et bon gros solo de guitare électrique. Architecture bien classique, mais bien foutu ! « Mister Jesus », qui clôture cette belle promenade, nous ramène en Angleterre. Une intro Canterburyenne, batterie très soutenue, ensuite des accords cadencés aussi pourpres que ceux de John Lord (histoire d’acclimater Lee Kerslake à Uriah Heep ?). Ensuite, la chanson vire à nouveau très Beatles, mais cette fois tendance George Harrison (quoique le solo sonne plutôt « Let it be »). Au fond, « Mister Jesus » n’est pas loin de « My Sweet Lord ». En tout cas, une bien belle façon de clôturer un magnifique album fait de courtes plages ayant chacune une identité bien marquée.

Voilà, que dire de plus, un bien bel album qui pour parodier Rod Stewart eût pu s’appeler « Atlantic Crossing, go and return ». A propos de parodie, parlons plutôt d’influences, ces gars-là n’ont copié personne, l’album est sorti en 1971. Ils étaient simplement en phase avec leur époque. Pour un coup d’essai, c’était un coup de maître, malheureusement classé sans suite. Plouf ! Projet coulé dans l’océan quelque part entre le Kent et la Californie. Dommage !

Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC2074
Sortie: 2008/08/25 (réédition, original 1971)

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