WEST, BRUCE & LAING – Live ‘n’ Kickin’
Au printemps 1972, les Américains Leslie West et Corky Laing sont à la recherche de nouveaux partenaires suite au split de Mountain causé par le retrait du bassiste, multi-instrumentiste et producteur Felix Pappalardi, gêné par de gros problèmes d’ouïe et épuisé par les abus, habituels au sein du groupe. Initiateur de cette formation, Felix Pappalardi la voyait dans la ligne de Cream, qu’il avait produit dès « Disraeli Gears » en 1967. Déjà à cette époque, ses connexions avec Jack Bruce sont évidentes. Elles se confirment lorsqu’il produit son album solo, « Songs for a Tailor » en 1969. Présente sur cet album, « Theme from an Imaginary Western », une des plus belles compositions du duo Bruce/Brown, apparaît également sur la première publication de Mountain, l’excellent « Climbing ! » (1970). Celle-ci comprend un autre de leurs chevaux de bataille, le speedé « Mississippi Queen ». Leur participation à Woodstock, immortalisée, favorise leur succès naissant. Leur second opus, « Nantucket Sleighride » (1971), confirme la valeur et le succès d’un groupe capable tout à la fois de subtilité et de brutalité. Les deux virtuoses de l’instrument que sont West et Laing, aidé par le claviériste Steve Knight, assurent le spectacle alors que Pappalardi amène ses talents tout aussi imposants mais plus discrets. Sur les premiers albums, la mention « This record was made to be played loud » annonce la couleur. « Flowers of Evil » sort en 1971 et intègre une version démente du célèbre « Roll Over, Beethoven », de la dynamite sur scène. En 1972, leur quatrième album, « The Road Goes on Forever – Mountain Live », déçoit. Il montre un groupe qui perd l’inspiration et le sens des limites, s’aventurant dans des solos interminables.
Après la dissolution de Cream, l’Ecossais Jack Bruce ne souhaitait plus jamais revivre une telle expérience éprouvante. Lorsque Leslie West et Corky Laing, qui l’admirent, lui proposent de s’associer, il n’est pas très chaud, connaissant bien l’univers de Mountain et de ses excès. Il les a côtoyé lorsqu’ils étaient à la même affiche peu de temps auparavant et cela lui rappelle ce qu’il a vécu avec Cream. D’ailleurs, depuis cette époque, il s’est tourné vers le « Jazz » et le « Jazz-Rock » plus particulièrement. Il a même rejoint le Tony Williams Lifetime avec lequel il a enregistré « Turn It Over ». En outre, il a aussi travaillé avec Carla Bley et Paul Haines pour « Escalator over the Hill » où sa prestation avec John McLaughlin est impressionnante. Durant ces trois années, il publie également trois albums solos, à posséder absolument, « Things We Like », « Songs for a Tailor » et « Harmony Row », où il confirme son style très personnel fondé sur ses dons de compositeur, de chanteur, d’instrumentiste, d’orchestrateur et de leader. Au début de l’année 1972, il dissout son groupe par lassitude, de plus en plus excédé par son claviériste (et ancien patron) Graham Bond, déséquilibré par la drogue. Cette mouture du Jack Bruce Band qui comprenait Chris Spedding, John Marshall, Graham Bond et Art Themen restera pourtant une des meilleures. Cette nouvelle situation, une forte pression de son entourage et, plus particulièrement, de son manager Robert Stigwood attiré par l’aspect financier, son amitié pour Leslie West, … le font accepter la proposition.
Le trio connut une existence brève, mais intense. Fondé au printemps 1972 et directement actif, il implosa pourtant à la fin de l’année suivante, à bout de souffle, épuisé par les longues tournées aux Etats-Unis et en Europe, et les excès divers. Durant sa courte vie, deux albums en studio furent gravés, « Why Dontcha » (1972) et « Whatever Turn You On » (1973), bien accueillis de l’autre côté de l’Atlantique surtout. Sur scène, les Classiques de Cream et de Mountain restèrent les plus joués.
Lorsque sort « Live ’n’ Kickin’ » en 1974, West, Bruce & Laing appartient déjà au passé. Trop courte, malheureusement présentée sans bonus, cette réédition montre pourtant toute la puissance que pouvait dégager ce trio sur scène. Chaque titre donne l’occasion à chacun d’étaler toutes ses compétences techniques.
« Play with Fire » est un ancien titre des Rolling Stones datant de l’époque où ils rêvaient encore et signaient leurs compositions collégialement en utilisant le pseudonyme de Nanker Phelge. Ceux qui connaissent la version originale seront soufflés par celle-ci, qui pèse souvent des tonnes. Elle est chantée en force, par Jack Bruce à l’avant-plan. En dehors du thème de base, écrasant, comme chez Cream, on sent d’abord que les musiciens cherchent un bon positionnement avant de se lancer à fond dans l’improvisation. Ici, à ce jeu, Jack Bruce et Corky Laing s’en tirent le mieux, ce dernier prouvant qu’il est un des batteurs de Rock les plus riches et les plus spectaculaires.
« The Doctor » est un des fers de lance de West, Bruce & Laing, un Rock ‘n’ roll puissant chanté par Leslie West. Le long dialogue entre la basse et la guitare est sensationnel.
« Politician » est à classifier parmi les grands titres de Cream. Cette version est excellente. A trente ans, Jack Bruce reste à tout point de vue égal à lui-même. Leslie West garde son style plus lourd sans jamais faire regretter Eric Clapton. Le jeu voltigeur et plus Rock de Corky Laing n’a par contre rien à voir avec celui, plus marqué par le Jazz, de Ginger Baker.
« Powerhouse Sod » est un des titres phares de Jack Bruce sur scène depuis le début de la décennie. Il est ici prétexte à une longue exhibition à la basse, sans oublier l’excellente prestation au chant. Cette version plus rapide et plus extrême n’atteint pourtant pas l’intensité et la finesse de celle du Jack Bruce Band ou même du trio constitué de Jack Bruce, John Surman et Jon Hiseman (« Live at the BBC »).
En conclusion, si « Live ’n’ Kickin’ » constitue un bon témoignage de ce que fut West, Bruce & Laing sur scène, il faut malgré tout regretter que leur matériel original soit aussi peu représenté, particulièrement l’explosif « Why Dontcha » ou « Pleasure ».
Le groupe :
- Leslie West : Guitare & Chant
- Jack Bruce : Basse & Chant
- Corky Laing : Batterie
Les titres (37’29) :
- « Play with Fire » (Jagger/Richards/Watts/Wyman/Jones) (13’26)
- « The Doctor » (West/Bruce/Laing/Palmer) (7’45)
- « Politician » (Bruce/Brown) (5’40)
- « Powerhouse Sod » (Bruce/Brown) (10’36)
Pays: US
Esoteric Recordings ELEC2072
Sortie: 2008/08/26 (réédition, original 1974)