HARTLEY BAND, Keef – Halfbreed
Les rééditions se succèdent pour Keef Hartley. Il est dommage qu’elles ne s’effectuent pas dans l’ordre chronologique de leur réalisation originelle. C’est ainsi qu’après avoir commenté les troisième et quatrième albums, « The Time Is Near… » et « Overdog », nous repassons au tout premier, « Halfbreed », sorti en 1969. Pour une biographie succincte de Keef Hartley, je renvoie le lecteur à l’album « The Time Is Near… ».
En cette année 1968, Keef Hartley vient de se faire viré par John Mayall, de tout temps grand spécialiste de ce genre d’opération. Rapidement, il trouve l’opportunité de monter son propre groupe. Si le recrutement des musiciens est aisé, le choix du chanteur se révèle plus délicat. Après plusieurs essais insatisfaisants qui n’interrompent pourtant pas le processus de réalisation de l’album, Miller Anderson est engagé par petite annonce. Bien qu’il se reconnaisse lui-même plutôt comme un guitariste capable de chanter, il intègre surtout la bande pour ses capacités vocales. Arrivé sur le tard, celui qui deviendra l’âme et le véritable moteur du groupe ne collabore vraiment ici que pour les parties vocales qu’il a retravaillées et mises à sa sauce. Le merveilleux guitariste qui domine ici s’appelle James Cruickshank, rebaptisé Spit James par son leader qui trouvait son nom un rien ridicule. Sans contestation, son jeu ne l’est pas. Ne le ratez pas, car il ne s’éternisera pas.
A l’écoute, « Halfbreed » apparaît globalement comme un bon album. Il s’inscrit dans la ligne des productions typiques du « British Blues » de l’époque. Les Bluesbreakers de John Mayall, Fleetwood Mac, Chicken Shak, Savoy Brown évoluent dans le même monde. Une des grandes forces du Keef Hartley Band réside déjà dans la personnalité de Miller Anderson, qui n’étale pourtant encore ici qu’une facette de ses talents.
Le premier titre est découpé en trois parties. « Sacked » est un gag. Il s’agit en fait d’une simple communication téléphonique signifiant à l’ami Keef qu’il est « saqué ». L’émotion (?) se traduit dans le thème suivant, puis « The Halfbreed » démarre. Il alterne de longs solos de guitares, une ponctuation par les cuivres, un solo d’orgue. Le chant est absent.
« Born to Die » est un long « Blues » traînant, classique du genre. Il est dominé par de longs et intenses solos de guitares, entrecoupés d’interventions au chant et soutenu par l’orgue. Le duo basse et batterie est idéal.
Plus rapide et « Rhythm & Blues », « Sinnin’ for You » voit l’arrivée des cuivres et de la flûte, mais reste prétexte au travail à la guitare. Il est à noter que, parmi le duo de trompettiste, on retrouve Harry Beckett, récemment associé à The Wrong Object (voir chronique « Platform One »).
« Leavin’ Trunk » constitue le sommet absolu de cet album. Le rythme est lourd, le chant est poignant, les solos croisés de guitares procurent des frissons et les épaisses touches d’orgue sont divines.
Suit « Just to Cry ». Ce titre, moins graisseux et plus axé sur le chant, est tout aussi réussi. Pour la première fois, Miller Anderson ne force pas sa voix dont il montre toute la délicatesse et la pureté. Les guitares utilisent la distorsion, l’orgue reste idéal dans un rôle de soutien et les cuivres adoucissent encore le propos.
« Too Much Thinking » retrouvent des contours plus « Rhythm & Blues ». Les cuivres affirment leur présence et Henry Lowther part dans un joli solo de violon.
Directement accrocheur, « Think It Over / Too Much to Take » séduit par sa puissance et sa hargne. L’utilisation de la distorsion est constante, les guitares sont énormes et offensives, le chant est forcé au maximum et la rythmique est stupéfiante d’efficacité. Le bassiste Gary Thain est un atout incontestable dans cet ensemble.
Sorti en simple, « Leave It ‘Til the Morning » est agréable, mais plus édulcoré. Les cuivres jouent un rôle majeur derrière Miller Anderson, dont le chant rappelle celui de son homonyme de Jethro Tull. La guitare est moins présente et étonnamment légère.
En conclusion, cet album ne pourra que plaire aux amateurs de « British Blues ». La présence d’albums du Keef Hartley Band dans votre discothèque vous fera même plus que probablement mettre à l’écart d’autres artistes plus célèbres du genre, … parfois toujours en activité actuellement.
Les titres (50’48) :
- « Sacked introducing Heart and Flowers / Confusion Theme / The Halfbreed » (7’56)
- « Born to Die » (10’01)
- « Sinnin’ for You » (5’53)
- « Leavin’ Trunk » (5’57)
- « Just to Cry » (6’21)
- « Too Much Thinking » (5’32)
- « Think It Over / Too Much to Take » (5’37)
- « Leave It ‘Til the Morning » (*) (3’27)
(*) bonus
Les participants :
- Miller Anderson : Chant & Guitares
- Peter « Dino » Dines : Orgue & Clavecin
- James « Spit James » Cruickshank : Guitares
- Gary Thain : Basse
- Keef Hartley : Batterie
+ - Henry Lowther : Trompette & Violon
- Harry Beckett : Trompette
- Lynn Dobson : Saxophone Ténor & Flûte
- Chris Mercer : Saxophone Ténor
Pays: GB
Esoteric Recordings ELEC2050
Sortie: 2008 (réédition, original 1969)