DIRTY PRETTY THINGS – Romance At Short Notice
Considéré comme le punk des Libertines alors que Pete Doherty était considéré comme le poète, Carl Barât, qui a mûri, prouve que lui aussi sait se plonger dans la douceur et la poésie quand c’est nécessaire, sans perdre de son mordant. Quand Pete a été arrêté pour chapardage chez son ex-ami, il avait avoué être jaloux. Comme il le connaissait mieux que personne, on commence à mieux comprendre.
Sur « Romance at Short Notice », Carl Barât a décidé de prendre des risques. Inconscient ou courageux, au lieu de vivre sur les acquis de sa réputation d’ancien membre des Libertines et d’encaisser les dividendes de son premier album, « Waterloo To Anywhere », sorti en 2006, il choisit la voie difficile et s’engage dans les chemins aventureux de l’expérimentation pour tenter d’être reconnu comme un compositeur de talent. Le besoin de reconnaissance est un moteur décisif chez beaucoup d’artistes. Demandez à Dave Grohl ce qu’il en pense…
La réussite n’est pas totale sur cet album très anglais mais l’album des Dirty Pretty Things, avec ses faiblesses, promet des lendemains qui chantent. A part « Buzzards & Crows », qui a quelque chose de Ray Davies, « Kicks or Consumption », où il ressasse ses erreurs de jeunesse sur un rythme proche du hip hop, et « Chinese Dogs », un morceau incisif et rapide qui rappelle les sixties, un hit potentiel, trois titres qui rappellent le style du premier album et sont d’ailleurs excellents, la plupart des autres titres sont des ballades ou des titres plus risqués pour leur image.
« Hippy’s Song » contient une critique explicite, virulente et acerbe des hippies qui par leur attitude passive, leurs outrances et leur mollesse ont juste réussi à engendrer des fascistes prêts à tout détruire alors que la mesure devrait être reine. « Plastik Hearts » est une réflexion sur la vie en Angleterre, entre désir d’évasion et nécessité d’agir. Et une question : « Apprenons-nous de nos erreurs ? » Dans le même ordre d’idée, « Tired of England » contient l’apologie de l’Angleterre actuelle, avec des défauts et des couleurs qui soudent ses habitants, avec des manières anciennes d’agir mais des idées nouvelles. C’est une fine observation digne de Ray Davies.
« Come Closer » est le premier morceau qui prouve la tendresse et la fragilité de son auteur. On n’est pas très loin des Fab Four, ici. « Les rêves nous habitent mais l’ennui nous guette ». Le groupe enchaîne avec « Faultlines », une autre ballade nostalgique où il s’étonne de ne pouvoir changer les choses alors que le rêve existe. On rêve, on papote mais rien ne change. « Best Face » est un morceau très rapide qui fait la part belle aux guitares et est un exemple de la versatilité du groupe et de son aptitude à toucher à tous les genres, suivi par « Truth Begins », un morceau d’anthologie qui montre de nouveau la fragilité qui se cache derrière la violence.
Sirupeux et relevé par une section de cordes dont les arrangements ont été réalisés par Audrey Riley, qui joue en outre divinement bien du violoncelle, « The North » est un parfait morceau casse-gueule pour un groupe comme celui-ci. Pourtant, on se laisse séduire et on applaudit. On peut difficilement casser son image autant que de cette manière. Après « Blood on my Shoes », un morceau assez insignifiant, et un « blanc » de près de quatre minutes, l’album comporte quelques cris et des bruits de conversations qui durent six ou sept secondes.
Cet album qui prend des risques est une réflexion sur la fragilité donnée par l’éducation et la violence qu’elle engendre par réaction, sur les mérites et la nécessité du rêve à condition qu’il soit suivi d’action. C’est cette dualité qui constitue le clou de cet album et sa clé de compréhension. Par extension, c’est une remise en cause de notre société occidentale qui a tous les atouts en main ; sa frilosité et ses palabres l’empêchent d’agir et font le nid de l’autoritarisme. Inattendu et prometteur.
Pays: GB
Mercury Records / Vertigo Records / Universal 1772859
Sortie: 2008/07/04