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SIGUR ROS – Med sud i eyrum vid spilum endalaust

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Originaire d’Islande, Sigur Rós est un groupe surprenant pour nos oreilles habituées à une musique encore largement basée sur le rock anglo-saxon. Entre rock progressif et expérimental, Sigur Rós étonne à chaque album. Cette fois encore, à une exception près, le groupe interprète ses morceaux en islandais, histoire de placer un obstacle supplémentaire entre lui et son public et de ne lui faire aucune concession. Et pourtant, partout où il passe, il obtient un franc succès et commence à compter dans le paysage rock, habitué il est vrai, et depuis longtemps, aux excentricités de toutes sortes.

On se souvient de ses derniers albums dont l’excellent « Hvarf / Heim », sorti en 2007 et le non moins excellent « Takk », sorti fin 2005. Pourtant, sur « með suð í eyrum við spilum endalaust », le groupe parvient encore à surprendre. D’inspiration classique, proche de Sibélius ou de Grieg, l’album s’articule autour de plusieurs sentiments contradictoires et fait le tour, par petites touches successives, d’une très riche palette d’émotions allant de la joie à la tristesse, pour ne pas dire au désespoir.

Accrocheur, primesautier, joyeux, sautillant, torride, « gobbledigook », avec des harmonies vocales fantastiques et un rythme irrésistible, est sans doute le morceau destiné aux media dans le but d’attirer l’attention sur l’album. Il faut les voir mettre le feu simplement en tapant des mains et avec leurs percussions tribales et retrouver la fonction première de la musique pour en extraire la quintessence. « inní mér syngur vitleysingur », tout aussi sautillant et festif, est un autre morceau de bravoure mais beaucoup plus élaboré et moins immédiat. C’est la voix principale qui y tient la vedette avec les cuivres, joués tout en retenue. Plus aérien, « góðan daginn » est un morceau intemporel, majestueux même et il comporte une belle mélodie et des harmonies vocales à tomber par terre. Il fait honneur au rock tout court, sans distinction de genre.

« við spilum endalaust » part en beauté sur un rythme mid tempo. De nouveau, la voix et les harmonies vocales comptent pour beaucoup dans l’excellence et l’ampleur de ce morceau d’anthologie. L’apport des autres musiciens n’est pas négligeable et c’est cette cohérence interne qui rend perplexe. Il faut une unité totale de vue pour en arriver là et c’est en partie ce qui fait son charme. « festival » est un morceau très lent et très sophistiqué, presque une musique d’église qui élève l’âme et qui fait honneur au sens de la composition de son auteur. Un break se déclenche environ à la moitié du morceau pour accélérer les échanges et terminer à l’unisson dans une débauche d’instruments et dans une joie sans partage.

Véritable festival de piano, « með suð í eyrum » joue aussi la carte de la joie mais une joie tempérée par des événements tragiques, semble-t-il ; le morceau sert ainsi de charnière entre les deux parties de l’album et s’exprime par symboles pour bien marquer la différence de ton : les battements de tambour suggèrent une dramatisation du propos et laissent augurer d’un dénouement moins heureux. « ára bátur » débute en douceur et semble annoncer des événements de nature à glacer le sang, pour en arriver à une musique très sombre. La voix plaintive accentue encore la perception des effluves du drame sur cette musique à caractère presque funèbre.

« illgresi » semble avoir retrouvé l’apaisement et la sérénité mais reste empreint d’une grande tristesse et s’égrène sans passion, comme prostré face à un destin funeste. Très lent, « fljótavík » est à peine animé par le chant aigu et plaintif, comme en proie à l’incompréhension et au découragement. Les cordes donnent à ce morceau un caractère majestueux et triste. « straumnes », sombre et très lent, majestueux et qui semble lourd de menace, sert d’ultime transition avant la fin de l’album. « all alright » débute en douceur et préfigure un état de disponibilité totale mais si le piano tente comme il peut d’égayer l’atmosphère, le chant lui reste sombre et désespéré et termine l’album dans un recueillement teinté d’espoir.

La photo de couverture rappelle de loin celle de « Houses of the Holy » (Led Zeppelin) mais ici, ce sont des adultes qui s’enfuient en courant vers l’horizon dans le plus simple appareil pour une destination inconnue, ajoutant encore un peu de mystère à l’aspect énigmatique de cet album de très grande qualité, jubilatoire ou triste selon les circonstances. Sans comprendre les paroles, on est obligé de se perdre en conjectures et chacun croira y déceler un sens différent et l’interprétera à sa manière. C’est ce qui fait la richesse de cet album.

Pays: IS
Virgin 228 7282
Sortie: 2008/06/23

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