TAYLOR, Robin – Isle Of Black
De père anglais, Robin Taylor est né en 1956 au Danemark. Après après avoir vu le Cream en concert, dès l’âge de 12 ans, il décide d’apprendre la guitare en autodidacte ; il a joué de la basse dans des groupes locaux dans les années septante parce que personne ne voulait en jouer ; en même temps, il a appris à manipuler les enregistreurs et à les utiliser pour en tirer des sonorités nouvelles. Robin Taylor a rencontré en 1988 le claviériste Jan Marsfeldt, qui l’a encouragé à jouer sa musique. Il a sorti son premier album en 1991 et a fondé Taylor’s Universe en 1993. De 1993 à 1998, il a sorti une musique de film et trois albums. En 1996, l’année de la création de son propre label, Marvel of Beauty, et en 1997, il a fait partie de Communio Musica, dirigé par le trompettiste Hugh Steinmetz. En 1998, il a rencontré le saxophoniste Karsten Vogel. Ces trois personnes, Jan Marsfeldt, Hugh Steinmetz et Karsten Vogel, chacun à sa manière, l’ont fait progresser dans sa recherche musicale. En 2000, il a fondé Taylor’s Free Universe.
La musique de Robin Taylor n’est pas du genre facile. C’est une musique d’avant-garde très complexe mais c’est le haut de gamme. Inspirée par la musique rock des années 60 et, quoi qu’il en dise, par le jazz, elle est pourtant considérée comme du prog rock. Il faut bien la classer quelque part mais ne vous y trompez pas : ça n’a rien à voir avec Genesis, Yes ou King Crimson, même si Robert Fripp est un de ses musiciens préférés. C’est normal pour quelqu’un qui est constamment à la recherche de nouvelles sonorités sans avoir appris la musique d’une façon orthodoxe. L’album « Isle of Black », le onzième, est un nouveau jalon posé dans son parcours. Il s’inscrit dans la continuité de ce qu’il a fait mais est différent.
Le premier morceau, « Confession », est un morceau bizarre qui débute en douceur par des bruitages et des bruits de conversation pour se propager petit à petit en un long monologue de l’orgue seulement interrompu par des bruits de voix presque inaudibles sous l’impulsion de percussions allant en s’accélérant avant de s’enrichir de couches successives d’instruments divers et de terminer sur un rythme répétitif simple et percutant. De structure complexe, « Johannesburg » est un titre plus calme qui ne va pas à l’encontre du premier. Il joue simplement sur la répétition des thèmes puis des sons, avec des variations subtiles et des arrangements bien dosés. Le jeu se métamorphose et se déstructure avec la voix douce de Louise Nipper en toile de fond. Celle-ci devient plus présente à mesure que le morceau s’étire et se transforme pour se terminer de façon abrupte sous l’effet des percussions.
Très énigmatique au début, « Swingers » est un morceau qui sombre dans un climat jazz très marqué par la grâce du saxophone de Karsten Vogel dont les improvisations laissent pantois. Il est bien accompagné par les élucubrations pianistiques de Robin Taylor, qui s’en donne à coeur joie. « Isle of Black » débute lui aussi en catimini mais il s’ébroue sous l’impulsion de l’orgue, qui dirige le débat et imprime un climat de tension troublé par les coups de boutoir d’une rythmique performante. C’est le moment que choisit le saxophone pour repartir dans une improvisation époustouflante de créativité. Bizarre, « Mind Archaeology » débute en force pour céder le témoin à une longue improvisation discrète au synthé qui fait penser à « Echoes », le fameux titre de l’album « Meddle » de Pink Floyd, agrémenté de fantaisies au saxophone qui rappellent le free jazz. Ce mélange détonant se poursuit pendant de longues minutes et permet au saxo de Karsten Vogel des interventions marquées du sceau de la classe et du talent sur fond d’orgue joué crescendo. La complicité des deux artistes est totale sur ce morceau d’anthologie.
« Izmit » est un titre bonus encore plus bizarroïde. Il démarre très discrètement mais se met en branle sur un thème répété à foison pendant que le synthé distille ses notes subtiles et que le thème rythmé revient inlassablement comme un leitmotiv. Naît alors un morceau primesautier qui renverse la tendance et met à mal l’équilibre du morceau. La voix apparaît alors toute menue, presque timide, pour mettre un peu de piment à ce morceau calme mais un autre thème apparaît, plus saccadé, plus marqué par des percussions irrégulières qui reflètent le déséquilibre ambiant. Les bruitages se font plus pressants, le rythme redevient régulier, le synthé se manifeste en continu mais de manière discrète pour accueillir le thème répétitif du début du morceau. On s’achemine ainsi avec sérénité vers la fin du morceau quand le synthé décide de brouiller les pistes mais en douceur et dans l’esprit de l’album.
Remarquable album d’un auteur peu connu sous nos latitudes. Cela n’enlève rien à ses mérites. Si vous aimez Erik Baron, Jon Hassell et Terry Riley, vous allez être comblé.
Pays: DK
Record Heaven / Transubstans Records Trans031
Sortie: 2008/05/30