THIEVES’ KITCHEN – The water road
Amateurs de progressif, voici une œuvre de très grande qualité que nous propose Thieves’ Kitchen, groupe anglais d’Oxford, avec son quatrième album intitulé « The Water Road ». Thieves’ Kitchen évoque tout à la fois et entre autres Magenta, Yes, King Crimson, Genesis, Spock’s Beard, Frank Zappa, ELP, … Le line up du groupe est le même que celui pour l’album précédent, à l’exception d’un changement au niveau des claviers, puisque Wolfgang Kindl, membre depuis 1999, et qui en assurait les parties sur « Shibboleth » (2003), a quitté le groupe et a été remplacé par Thomas Johnson, précédemment dans Anglagard, rien de moins. Ce dernier a donné l’opportunité au groupe d’inviter Anna Holmgren, flûtiste et saxophoniste d’Anglagard, pour y jouer de la flûte. Deux autres invités sont aussi présents: Stina Pettersson qui officie au violoncelle, et Paul Beecham, aux saxophone soprano et hautbois. La chanteuse Amy Darby, quant à elle, introduit aussi de la clarinette et de l’harmonica. Cette variété instrumentale est servie par la crème des musiciens et dessert huit compositions de très haut vol qui contribuent à faire de cet album un must.
Alors que les deux premiers albums (« Head » et « Argot ») du groupe puisaient entre autres leur inspiration chez Genesis et que le troisième (« Shibboleth ») taquinait un jazz rock de qualité, « The Water Road » développe clairement une ligne progressive néo et symphonique plus personnelle, et l’arrivée de Thomas Johnson n’y est évidemment pas étrangère, qui a largement signé et co-signé avec Mercy et Darby l’album. Les passages folk et jazzy et même parfois fusion s’invitent aussi de temps en temps sur cet album. Par ailleurs, les jeux de Phil Mercy et Thomas Johnson se combinent de magistrale façon.
Huit morceaux pour une durée totale de plus de 73 minutes, Thieves’ Kitchen nous gâte. « The long fianchetto », qui dure quelques 21 minutes, ouvre l’album, avec une intro très délicate au piano (qui n’est pas sans rappeler « Gymnopédie » de Eric Satie), puis démarre calmement en proposant un crescendo subtil en 3 paliers, avant que la magnifique voix cristalline d’Amy Darby n’intervienne vers la 7e minute, et de quelle manière ! Les parties instrumentales ont bien sûr la part belle dans ce long morceau : la guitare de Phil Mercy est incisive sans être agressive, qu’elle soit électrique ou acoustique, la basse ronronne, la batterie ne peut être plus judicieusement jouée et les claviers sont tout simplement divins. Du pur bonheur au service d’une ligne mélodique fine et imparable.
« Returglas » est un instrumental de Johnson et Anglagard se rappelle à nous, discrètement. Amy Darby reprend le chant sur « Chameleon », aux intonations jazzy, et on ne peut s’empêcher de penser parfois à Elfonia, excellent groupe prog metal expérimental mexicain actuellement en veille, dans lequel officiait la fantastique chanteuse Marcela Bovio, maintenant dans Stream Of Passion et Dalai. Il y a même par moments quelques similitudes entre « Water road » et « The Sonic landscape » d’Elfonia, réalisé en 2005 et comprenant lui aussi un titre intitulé « Cameleon ». Amy Darby y introduit aussi le Theremin, un des plus anciens instruments de musique électronique (1919).
Le quatrième titre « Om tare » est plus fort et même musclé. La guitare de Phil Mercy se la joue par moments hard. Mention spéciale pour le groove de l’excellent bassiste Andy Bonham, dont l’une des influences est Gary Thain, extraordinaire bassiste de Uriah Heep dans les années ’70 (décédé en 1975, peu après une électrocution sur scène).
Les quatre autres compositions sont dans la même veine : complexes, mélodieuses, fouillées, sans aucun temps mort ou partie gratuite, laissant la part belle à l’instrumentation, laquelle est magnifiée par le splendide chant sans failles d’Amy Darby. « Tacenda for You » est un morceau plus calme et « When the Moon is in the River of Heaven » plus atmosphérique. « Paint », court titre de 2’35, précède la pièce finale « The water Road » qui clôture cette œuvre de bien belle manière, lancé par une intro superbe que flûte, violoncelle et hautbois se partagent et qui permet à Paul Beecham de montrer son savoir faire dans la pratique de ce dernier instrument.
Vous l’aurez compris, aucune composition n’est faible et chacune d’entre elles est parfaitement exploitée, avec un feeling et une virtuosité de haut niveau, nécessaire à l’exécution d’une telle musique. Une œuvre ambitieuse, dont l’accès n’est pas toujours facile, mais un incontournable de 2008, à coup sûr. Indispensable dans la collection de tout mélomane éclairé.
Musiciens :
- Phil Mercy – guitares et percussion
- Amy Darby – chant, harmonica, clarinette, theremin, percussion
- Thomas Johnson – claviers
- Andy Bonham – basse et guitare
- Mark Robotham – batterie
Invités - Anna Holmgren – flûte
- Stina Petterssen – violoncelle
- Paul Beecham – hautbois, saxophone soprano
Liste des morceaux :
- The long fianchetto (21’02)
- Returglas (4’13)
- Chameleon (9’01)
- Om tare (7’44)
- Tacenda for you (9’34)
- When the moon is in the river of heaven (7’47)
- Plaint (2’35)
- The water road (11’13)
Pays: GB
Thieves Kitchen TKCD004
Sortie: 2008/03/17