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HARTLEY BAND, Keef – The Time Is Near…

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Grâce à cette réédition, Esoteric Recordings nous permet de redécouvrir un artiste tombé dans l’oubli depuis bien longtemps. Lorsque sort son troisième album, « The Time Is Near… », en 1970, Keef Hartley jouit déjà d’une belle réputation.

Keef Hartley est né en 1944 à Preston dans le Lancashire. En 1962, il arrive à Liverpool et remplace Ringo Starr dans Rory Storme & The Hurricanes. Il migre ensuite vers Londres et intègre les Artwoods, où évolue Jon Lord, futur Deep Purple. Trois ans plus tard, en 1967, il succède à Mick Fleetwood (futur Fleetwood Mac) chez John Mayall. Il y croise une belle brochette de talents, dont John McVie (futur Fleetwood Mac), Mick Taylor (futur Rolling Stones), Andy Fraser (futur Free), Dick Heckstall Smith (futur Colosseum), Henry Lowther (futur Jack Bruce Band), … Viré, il monte alors, sur le conseil de son ex-patron, sa propre formation, le Keef Hartley Band, fin 1968. Bien qu’il lui en ait tenu rigueur au départ, ce fait ne l’empêchera pas de le rejoindre par la suite, en 1971 d’abord, en 1972 ensuite, à la fin de son aventure en solo. La même année, il travaille encore avec Vinegar Joe, avant de collaborer plus régulièrement avec Michael Chapman dès 1973. Il retrouve ensuite son ex-compère Miller Anderson au sein de Dog Soldier en 1975, puis suit Stan Webb & Chicken Shack en 1977. Il se met alors à l’écart et sombre dans un oubli quasi total. Il est à noter qu’il était aussi à l’affiche du festival de Woodstock, sans apparaître dans le film.

L’histoire du Keef Hartley Band se déroulera de 1968 à 1972. Il publiera huit albums, en comptant le « Best of ». Pour l’anecdote, plusieurs de ses pochettes donneront l’impression d’une formation originaire du sud des Etats-Unis et préfigurent certains côtés typiques du « Southern Rock ». De plus, la silhouette de Keef Hartley lui-même rappelle celle des frères Van Zant, Ronnie (Lynyrd Skynyrd) et Donnie (38 Special). Pour ce qui est de la composition du groupe, elle fluctuera beaucoup. En tout cas, l’élément majeur en sera toujours Miller Anderson, l’âme du groupe, guitariste et chanteur, responsable de la plupart des compostions. Malgré de forts liens d’amitié avec son leader, sa situation au sein d’un groupe qui ne sera jamais le sien amènera de nombreuses tensions. Quant au bassiste Gary Thain, il reste le seul à avoir vécu l’épopée de bout en bout. Par la suite, il va connaître la célébrité au sein de Uriah Heep jusqu’à son décès en 1975, victime de son penchant pour la drogue et, ce qui n’arrangera rien, d’une violente électrocution.

Les deux premiers albums, « Halfbreed » en 1969 et « Battle of North West Six » en 1970, avaient rencontré un succès estimable. Dans ce domaine, « The Time Is Near… » les dépassera et restera la meilleure vente du Keef Hartley Band jusqu’à son split final.

A l’époque, le groupe est en cours de restructuration, ce qui s’observe déjà à la lecture des participants à l’enregistrement. Le fait majeur est représenté par le départ du saxophoniste Jim Jewell et du trompettiste Henry Lowther, tracassé par des problèmes extérieurs au groupe. Par la suite, ce dernier se spécialisera dans un travail de musicien de sessions où il travaillera avec les plus grands noms du milieu. Les claviers sont tenus, en attendant l’arrivée de Mick Weaver, par Stuart Wicks, un Road Manager.

A l’écoute, cet album se révèle excellent. « British Blues », « Rhythm & Blues » et « Jazz » s’y marient avec bonheur. Miller Anderson impressionne de la première à la dernière minute, tant par le niveau de ses compositions, que par son travail aux guitares et au chant. Aux vocaux, il rappelle les meilleurs interprètes de « Soul » et de « Rhythm & blues ». Aux guitares, il roule pour l’ensemble, sans rechercher l’avant-plan à tout prix. Il faut d’ailleurs attendre le deuxième morceau pour qu’il se lance en solo. Et alors, il fait frissonner, même s’il ne brille jamais par une originalité particulière ; il reste dans la ligne classique des guitaristes de « British Blues » de l’époque. Les souffleurs jouent également un rôle prépondérant, prenant à l’occasion la main en solo et donnant une coloration plus « Jazz » à l’ensemble. A la basse, Gary Thain fait merveille. Son jeu est riche et pointu, ses lignes idéales. Sa prestation dans le Keef Hartley Band m’apparaît maintenant supérieure à ce qu’il a pu faire par la suite avec Uriah Heep. En fait, le « Blues » lui colle à la peau. Quant au leader, il maintient toujours l’intérêt grâce à la variété de son jeu plutôt cossu.

« Morning Rain » peut être considéré comme une agréable mise en bouche. Les intonations de Miller Anderson au chant rappellent beaucoup Paul Rodgers (Free, Bad Company, The firm, … Queen). Entre parenthèses, il faut savoir, qu’après son départ de chez Mayall, il semble que, durant une courte période, Keith Hartley ait monté un quatuor avec Gary Thain et les deux futurs Free, Paul Rodgers et Paul Kossoff.

Dans « From the Window », la marque de Chicago Transit Authority, une référence indiscutable à l’époque, est très marquante. La section de cuivre n’y est pas pour rien.

« The Time Is Near… » est une pièce d’anthologie. Tout y est impeccablement réalisé. Dans un premier temps, la section de cuivre garde une ligne très marquée par Chicago Transit Authority. Le chant de Miller Anderson s’y intègre d’ailleurs à la perfection, dans le même moule « Jazz » et « Rhythm & Blues ». Par la suite, le même s’engage dans un magnifique long solo typiquement « Blues » qu’il marque d’atmosphères multiples. Keef Hartley et Gary Thain suivent, prolixes et inspirés. Le stagiaire-remplaçant Stuart Wicks met aussi une idéale couverture d’orgue. Dave Caswell et sa trompette prennent un court relai en solo. Miller Anderson reprend alors le chant, comme il l’avait commencé.

Avec « You Can’t Take It with You », le niveau de qualité et d’intensité se maintient. La marque de Chicago n’est pas abandonnée grâce au chant et à la section de cuivres. Lyle Jenkins produit ici un remarquable solo de saxophone.

« Premonition » poursuit, mais exclut le chant et privilégie une succession de solos : respectivement trompette, saxophone et guitare ; tout cela sur une ligne rythmique idéale dans laquelle chaque soliste se réinstalle par après.

« Another Time Another Place » aborde une facette plus « Folk » de Miller Anderson. Il chante tout en légèreté, s’accompagnant à la guitare acoustique. Comme autre intervenant, seul le trompettiste intervient sur la fin.

Autre belle pièce, « Change » est plus apparenté au Jethro Tull des débuts, avec Mick Abrahams et Ian Anderson. La voix et les intonations de Miller s’accordent à celles de Ian.

En conclusion, il faut bien avouer que la musique de Keef Hartley Band n’a pas pris une ride. Cette réédition ravira les amateurs jeunes ou vieux de bon « British blues » et de bons instrumentistes du genre. Evidemment, les plus anciens remettront tout cela dans le contexte d’une époque incroyablement dynamique et créative qui n’a plus rien à voir avec celle que nous vivons actuellement et sur laquelle il n’y a pas lieu ici de s’étendre.

Les titres (35’09) :

  1. « Morning Rain » (M. Anderson) (3’02)
  2. « From the Window » (M. Anderson) (3’29)
  3. « The Time Is Near » (M. Anderson) (10’12)
  4. « You Can’t Take It with You » (M. Anderson) (7’22)
  5. « Premonition » (D. Caswell) (4’26)
  6. « Another Time, Another Place » (M. Anderson) (2’37)
  7. « Change » (M. Anderson) (4’01)

Les participants :

  • Miller Anderson : Guitares & Chant
  • Gary Thain : Basse
  • Keef Hartley : Batterie & Percussions
  • Dave Caswell : Trompette, Bugle, Euphonium & Piano électrique (2, 3, 4, 5, 6)
  • Lyle Jenkins : Saxophone Ténor & Baryton & Flûte (2, 3, 4, 5)
  • Henry Lowther : Trompette, Bugle & Piano (1, 7)
  • Stuart Wicks : Piano & Orgue (2, 3)
  • Jim Jewell : Saxophone Ténor (1, 7)
  • Del Roll : Percussions (7)

Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC 2047
Sortie: 2008/03/17 (réédition, original 1970)

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