TELLIER, Sébastien – Sexuality
Le moins que l’on puisse dire c’est que Sébastien Tellier a réussi à se faire une petite place dans le sommaire des journaux français. Pensez donc, un Français sélectionné pour l’Eurovision et qui a choisi de chanter « Divine » extrait de son dernier album « Sexuality ». Jusqu’ici tout va bien, mais le problème est que la chanson est chantée en anglais et que, malgré les protestations d’un député UMP outré par ce blasphème à la francophonie qui exige qu’il quitte le fameux concours, notre Sébastien tient bon et s’y refuse. Bravo Seb, tiens le coup.
Mais revenons à l’objet du délit… « Sexuality » : avec un titre aussi basique, on a le droit de se poser toutes sortes de questions : pour qui nous prend-il, pour des ados attardés ? Des vierges quadragénaires ? Car Sexuality est avant tout un objet avec sa pochette délicieusement rétro, érotico-kitsch à mi-chemin entre les dessins de Terry Gilliam à l’époque où il concevait les animations délirantes des films des Monty Python et les affiches de films érotiques des années 70. Le logo du titre utilise des couleurs de peep-show.
Musicalement ça suinte et ça râle, les synthés jouent à broute-minou dans une ambiance calquée sur Giorgio Moroder, l’artisan du son disco du début des années 80. Pourtant Sébastien Tellier n’a rien d’un playboy, il a plutôt un petit air malsain à la gros dégueulasse qui échappe à tout formatage, un sacré ovni dans le champ musical actuel. Il a embarqué dans son aventure Guy-Manuel de Homem-Christo (une des têtes de Daft Punk) qui officiait déjà aux manettes de son dernier opus « Sessions ».
« Roche » est un fantasme sonore sur les filles en bikini qui introduit l’album sur un son de moteur de hors-bord sur lequel vient se greffer un rythme en boucle, et un thème joué au piano en arrière-plan. Les mauvaises langues diront qu’il y a une certaine ressemblance avec Mylène Farmer et ils n’auront pas tout à fait tort. « Kilometer » démarre par un gros riff de synthé des années 80 bien gras bien lourd, sur lequel vient se greffer des râles très sexy, façon Donna Summer dans son single Love to Love you Baby.
« Look » est la chanson de la séduction latine évoquant sur un rythme plutôt down-tempo, une manière de draguer sérieuse. « Divine » se veut un hommage délirant aux Beach Boys et aux Juicy Fruits de « Phantom of the Paradise ». Et pourquoi pas Brotherhood of Love et leur single « Save you kisses for me » tant qu’on y est ! « Pomme » (quel titre !) est de loin le plus chaud, le plus torride des morceaux de l’album, digne de figurer dans le Guinness book des chansons pour faire l’amour. « Une heure » est selon le dossier de presse un morceau qui montre l’admiration du chanteur pour les bisexuels, où la guitare est traitée de manière très étrange.
« Sexual Sportswear » est le pilier sonore de l’album, une pure merveille instrumentale où sont conviés tous les chantres de la musique disco-érotique (y compris Jean-Michel Jarre) dans une partouze sonore plutôt sombre qui rappelle le thème central de la bande originale de Scarface. Sur « Manty », sorte de Rondo Veneziano épicé, le chanteur en italien s’imagine en train de faire l’amour sur un voilier au large de l’Italie. « L’amour et la violence » clôt l’album magnifiquement, en faisant écho à l’œuvre entière de Sébastien Tellier, qui le résume ainsi : « C’est le titre somme qui montre que le reste de l’album est un gros fantasme où je cherche l’intensité dans le superficiel ».
On le voit : chaque titre évoque quelque chose d’abominable et donne raison à ses détracteurs, en même temps on nage en plein second degré musical, et les fans en auront pour leur compte. Sébastien Tellier a réussi une prouesse qui donne une belle leçon aux piètres pilleurs de sons des discothèques.
Pays: FR
Record Makers REC 43-01
Sortie: 2008/02/25