SINCABEZA – Edit sur passage avant fin ou montée d’instrument
Le trio bordelais Sincabeza est un groupe atypique presque impossible à classer. La belle affaire ! Les genres se mélangent, les rythmes changent, les instruments se coltinent et s’esbaudissent dans la joie et le bonheur de se défier en jouant ensemble prime sur le résultat. C’est à qui sera le plus déroutant. On imagine aisément qu’il ne faut pas chercher là la mélodie qui va cartonner dans les charts. Cet album instrumental enregistré par Miguel Constantino (Passe Montagne) n’est d’ailleurs pas fait pour ça. Appelons ça du noisy math rock. Un peu comme Torpid, dont on se demande ce qu’il devient.
Le trio ne dispose pas de grands moyens. Sur son blog, il explique les difficultés rencontrées lors de la dernière tournée anglaise. C’est presque un miracle quand le groupe arrive à destination au moment voulu et pourtant il assure. Les trois compères s’appellent Philippe Rey, qui joue de la guitare et s’occupe des claviers, Eric Camara, qui joue de la guitare basse et des claviers, et David Loquier, qui s’occupe de la batterie, des percussions et du glockenspiel, et ils n’engendrent pas la mélancolie. Il est vrai que la musique guérit de tout.
Il suffit de jeter un coup d’oeil sur les titres de l’album pour être édifié. « Sucre ma bête » entame l’album sur un rythme syncopé complètement hors norme et le trio s’en donne à coeur joie. Il y a à la fois du jazz, de la musique world et de l’improvisation noisy dans ce morceau faussement désuet et très structuré. Quant à « Dimanchemartin », c’est une improvisation sur un thème musical choisi avec soin et c’est tout sauf du n’importe quoi. C’est même tout un programme savamment agencé et joué avec une aisance déconcertante. De nouveau, le groupe mélange les styles et les rythmes pour mieux surprendre, tout en suivant les règles du genre.
Le troisième morceau s’intitule « 04 ». On s’en serait douté, le trio ne sait rien faire comme tout le monde mais ce n’est jamais gratuit. « Je ne sais plus faire les divisions… » de l’album précédent trouve son pendant avec « …ni les équations » sur le présent album. C’est de la fausse déstructuration saccadée établie par la volonté de la rythmique et ce caractère répétitif devient hypnotique mais à chaque répétition très marquée correspond un changement de rythme qui brouille les pistes. Déroutant et brillant !
On se dirige ainsi vers « Sirosport », un morceau caractérisé par le même souci de briser le rythme dès qu’il devient patent. On en éprouve même une impression de procédé mécanique mais à chaque fois, le trio redémarre dans un autre sens. Sans être une musique pour intellos, elle demande plusieurs écoutes pour livrer sa substance. « Bandit manchot » est tout aussi compliqué. Ici, ce sont les riffs de guitare combinés au rythme trépidant de la batterie qui marquent le tempo, quand vient enfin la basse, peu mise en évidence sauf sur ce morceau qui ne manque pourtant pas de redondances avec les précédents.
« Non, rien » n’a en effet pas grand-chose à offrir en un laps de temps si court.
Et puis il y a un titre écrit en néerlandais : « Waar het om gaat », en hommage à un groupe néerlandais avec qui le groupe est parti en tournée. C’est un morceau, très bien construit qui fait plus de sept minutes et se termine dans une débauche de bruit et de fureur. Après un blanc de trois minutes, on a droit à un titre bonus dont les instruments évoquent la Chine, le pays à la mode. C’est sur ce bonus qu’on entend les premières paroles, tout à la fin.
Bon album qui devrait plaire aux amateurs de math rock, de post rock et de rock expérimental.
Pays: FR
Distile Records 004 / Mandaï Distribution
Sortie: 2008/02/01
