MORIARTY – Gee Whiz But This Is A Lonesome Town
Le groupe franco-américain Moriarty ne fait rien comme les autres. Pour la musique, c’est plutôt une qualité. Pour l’information, c’est plus discutable. En les entendant et plus encore en les voyant, on croirait revenir quelques décades en arrière. Heureusement, le groupe peut compter sur les qualités de sa chanteuse, même si son jeu de scène laisse à désirer. Mais sur le plan vocal, c’est quelqu’un et elle tire le groupe vers le haut. Elle n’a pas son pareil pour dramatiser une situation sans tomber dans la théâtralité.
L’album « Gee Whiz But This Is A Lonesome Town » est sorti en octobre de l’année dernière mais il vient de nous parvenir. Dès le début, avec « Jimmy », on voit qu’on a affaire à un groupe rétro. « Lovelinesse », avec son orthographe douteuse et sa coloration passéiste, est un truc déjanté qui brouille les pistes et il est bien difficile de situer le groupe, d’autant plus que « Private Lily » s’inscrit dans le registre folk mais en multipliant les clichés et dans ce qu’il a de plus ringard. Pourtant, on se surprend à l’écouter avec attention.
« Motel » est un titre folk à tendance blues mais indépendamment de leurs défauts apparents, tous ces titres sont très bien joués par un groupe qui s’inscrit parfaitement dans le style rétro. C‘est vrai sur scène aussi, semble-t-il, à en juger par les vidéos disponibles sur le net. On se croirait revenu dans les années cinquante. Mais l’essentiel n’est pas là. Ainsi, « Animals Can’t Laugh » est encore plus déroutant, notamment par les instruments utilisés dans un contexte inhabituel, dont l’accordéon. Et puis il y a cette voix prenante qui ne vous lâche plus. Rosemary Standley, retenez bien son nom.
Le groupe joue sur l’aspect dramatique et mystérieux qui lui donne un air sérieux. C’est particulièrement vrai sur « (…) », un court et remarquable morceau instrumental sans titre qu’il faut bien répertorier et qui sert de transition avec « Cottonflower », qui joue plus sur l’aspect jazzy. Ici, la voix prend un ton grave pour mieux décrire les péripéties dont il est question. Brillant, plus particulièrement dans le chef de la chanteuse, qui module ses intonations en fonction de la couleur sonore ambiante. Il s’en dégage une atmosphère mélancolique à laquelle on se laisse prendre sans résistance.
Toujours rétro, très folk américain, « Whiteman’s Ballad » est nettement plus enlevé et le dialogue entre la chanteuse et le chanteur est parfaitement mis au point, presque à la syllabe près. Après une accalmie passagère, les instruments acoustiques participent aussi à cette sorte de fête improvisée, terminée par la voix sensuelle et envoûtante de la diva. « Tagono-Ura » joue sur un registre plus feutré et de nouveau, c’est la voix féminine qui domine les débats par sa douceur et son sens de la mesure.
Plus jazzy, « Fireday » joue sur la qualité de la voix avant de céder le relais aux instruments, dont la contrebasse, qui se met à improviser pour que la fête soit complète et que le morceau se déroule paresseusement jusqu’à son terme. « Oshkosh Bend » joue plutôt sur les différents aspects du jeu de l’harmonica et de la guitare, qui évoquent parfois Al Wilson (Canned Heat). « Jaywalker (Song For Beryl) » est plus sombre au début mais suggère bientôt l’approche d’un dénouement pour se transformer en une fin joyeuse.
Album déroutant qui finit par imposer son climat de mystère dans un contexte temporel inusité. Très réussi.
Pays: US
Naïve Records / PiaS NV 812171
Sortie: 2007/10/09
