EGG – The Polite Force
Après un premier album (voir chronique) produit en 1970, Egg s’était rapidement attelé à la réalisation d’un second. Celui-ci voit le jour dans des conditions stressantes, leur compagnie discographique ayant émis, peu de temps avant sa sortie prévue au début de l’année suivante, son désir de ne pas le publier. En fait, il est clair que le succès public n’est pas au rendez-vous, même si le potentiel du groupe n’est pas discutable. En septembre 1971, Egg s’intègre dans une nouvelle formation élargie, Ottawa Music Company, qui comprend Chris Cutler, parmi d’autres. Elle fonctionne en parallèle du trio et ne renforce donc pas son existence en tant que tel. Fin de l’année suivante, les deux groupes splittent. Dave Stewart rejoint alors Steve Hillage et son fantastique Khan. Ils tourneront beaucoup et produiront un album Space Rock adorable, « Space Shanty ». Mont Campbell retourne aux études. Clive Brooks entre dans Groundhogs, qui s’était retrouvé quelques fois à la même affiche que Egg ou Ottawa Music Company.
L’écoute de « The Polite Force » permet de constater une évolution certaine dans la musique du trio. Les influences en provenance de Nice et Keith Emerson se sont réduites, tout comme les apports de la Musique Classique. Elles cèdent la place à des orientations plus systématiquement Jazz et Avant-Gardiste. En fait, Egg a acquis une certaine maturité et même pris un peu d’avance par rapport à Soft Machine et sa nouvelle évolution musicale imposée par le duo Mike Ratledge et Hugh Hopper, après les départs successifs et un peu forcé de Robert Wyatt et Elton Dean. En tout cas, l’écoute attentive et parallèle des enregistrements respectifs de ses deux groupes révèle que les plus jeunes ne sont plus de simples suiveurs de leurs aînés.
Composition bien tournée, « A Visit to Newport Hospital » alterne les climats. Lourde et triste dans son introduction et sa conclusion, elle s’aère dans sa partie principale. Les claviers sont omniprésents et évoluent toujours à l’avant plan. Le chant est léger et discret.
« Contrasong » voit l’arrivée d’une section rythmique bien pointue, presque dominante. Elle comprend quelques noms déjà réputés dans le monde du Jazz rénovateur anglais, dont un certain Henry Lowther qui travaille à la même époque avec Jack Bruce, tant sur disque qu’en concert. Les claviers sont plus discrets. Le chant, saccadé, est plus nerveux et typique des années 1960. La basse reste toujours souple et les cymbales sont abondamment utilisées. L’ensemble rappelle le Graham Bond Organization.
« Boilk » durait une minute sur le premier album. Il n’avait ni queue ni tête. En neuf minutes, il n’en a guère plus, mais affiche une liberté et une envie constante de nouvelles voies. C’est un fatras de sons divers, improvisés, étranges, d’une autre galaxie.
La pièce suivante s’étalait à l’origine sur toute la seconde face. Son découpage annoncé intrigue dans le sens où il ne correspond jamais à la réalité entendue.
« Part One » apparaît comme la partie la plus métissée. Elle est dominée par les claviers, à la fois proche du style de Canterbury, de Keith Emerson et de Igor Stravinski. Le batteur réussit une prestation remarquable, digne de John Marshall.
« Part Two » conserve cette trajectoire dans ses deux premières minutes avant d’entrer dans une nouvelle phase Avant-gardiste, confuse et distordue, qui ouvre alors la voie à une dimension joyeuse, plus mélodique. On sent une certaine parenté avec Colosseum et Greenslade.
Dans un premier temps, « Part Three » poursuit simplement la manœuvre. A nouveau, il faut attendre plusieurs minutes avant de sentir un repositionnement important. De nouvelles distorsions interviennent alors, le jeu des claviers s’alourdit fortement et le batteur se lance dans de flamboyants débordements.
Avec « Part Four », le rythme général s’accélère encore. Les claviers et les percussions sont en démonstration.
En conclusion, Egg fait partie d’une époque où la musique était dans un mouvement permanent de créativité, de dynamisme et de recherches aventureuses. Les nouveautés techniques accentuaient cette ambiance générale de folie. Cette réédition est à prendre comme un document historique intéressant, révélateur d’une époque. Les plus âgés devraient s’y replonger avec plaisir ; les plus jeunes devraient peut-être essayer de s’y ouvrir. En tout cas, les amateurs de sonorités obsolètes seront ravis.
Les titres (42’51) :
- « A Visit to Newport Hospital » (8’25)
- « Contrasong » (4’21)
- « Boilk » (9’23)
- « Long Piece No. 3 – Part One » (5’08)
- « Long Piece No. 3 – Part Two » (7’38)
- « Long Piece No. 3 – Part Three » (5’03)
- « Long Piece No. 3 – Part Four » (2’51)
Le groupe :
- Dave Stewart : Piano, Orgue
- Mont Campbell : Basse, Chant (1, 2), Orgue (4), Piano (4) & Bugle (5)
- Clive Brooks : Batterie
+ - Henry Lowther : Trompette (2)
- Mike Davis : Trompette (2)
- Bob Downes : Saxophone Tenor (2)
- Tony Roberts : Saxophone Tenor (2)
Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC2036
Sortie: 2008/02/25 (réédition, original 1971)
