HEAVEN – Brass Rock 1
Le dimanche 30 août 1970, le festival de l’Ile de Wight entre dans sa cinquième et dernière journée. L’affiche de cette troisième édition est exceptionnelle et restera dans les annales.
Durant ces quatre premiers jours, le public a déjà vu défiler quelques belles pointures, pas toutes encore au sommet de leur popularité : Supertramp, Gilberto Gil, Joni Mitchell, Miles Davis, Ten Years After, Chicago, E.L.P., Procol Harum, Family, The Doors, Cactus, The Who, Sly & The Family Stone, … Pour cette dernière date, il pourra suivre Good News, Kris Kristofferson, Ralph McTell, Heaven, Free, Donovan, Pentangle, Moody Blues, Jethro Tull, Jimi Hendrix, Joan Baez, Léonard Cohen, Richie Havens et Hawkwind. Rien que cela !
Heaven, quatrième nom de la liste de cette journée, s’est constitué en 1969, à Gosport, près de Portsmouth, face à l’île de Wight. Cette année-là, il s’était produit en ouverture du festival avec quelques ensembles de la région. Sa prestation remarquée lui avait permis d’être à l’affiche l’année suivante. Ce 30 août 1970 sera donc important pour lui.
Pourtant, contrairement aux nonante pourcents de groupes et d’artistes présents sur scène qui resteront dans l’histoire, Heaven disparaîtra des mémoires malgré un indéniable potentiel de talent, à nouveau confirmé lors de cette édition. Elle avait d’ailleurs débouché sur l’enregistrement d’un premier album pour une compagnie sérieuse et d’envergure, C.B.S., qui semblait vraiment y croire. Son manque de succès commercial amènera une rapide dislocation du groupe, incapable de rebondir. Il est à noter que la remarquable section de cuivre présente sur cet enregistrement n’était déjà plus celle d’origine.
A l’écoute, la musique de Heaven se situe dans la droite ligne de Chicago, alors au sommet de son génie créateur. Elle ne peut cacher l’influence majeure de cet ensemble américain, déjà auteur de deux chefs-d’œuvre, « Chicago Transit Authority » et « Chicago II ». Pour le reste, on peut aussi citer Electric Flag, plus Blues, Blood, Sweat & Tears, plus Jazz, Frank Zappa et Captain Beefheart, pour un côté parfois plus fou, et son chanteur-beugleur.
A l’intérieur du groupe, chacun est capable de jouer plusieurs instruments, ce qui donne une richesse indiscutable à l’ensemble. Comme dans Chicago, le rôle de la section de cuivres et bois est primordiale et d’une qualité impressionnante. Elle est présente à chaque instant, articule avec art, ponctue avec force et accompagne avec puissance. Les envolées de guitare en solo sont souvent longues, bien tournées et du même cru que celles de Terry Kath. La seconde guitare (électrique ou acoustique) joue en rythmique, adoucit le propos et réussit idéalement les liaisons avec le gros de la section de cuivres. La basse est épaisse et bien appuyée. Les percussions sont riches, abondantes, soutenues par un batteur nerveux et amateur de prouesses techniques. Le chant principal est partagé suivant les titres entre les deux guitaristes. L’un chante comme un clone de Captain Beefheart et l’autre possède une jolie voix plus légère, plus classique et, en définitive, plus banale. En fait, le point faible se situe au niveau des compositions. Si certaines tiennent bien la route, d’autres apparaissent plus faiblardes et cassent par moment la dynamique générale.
En conclusion, Heaven ne mérite certainement pas l’oubli ; son ouvrage non plus. Il est regrettable que le gant ait été si vite jeté. Cependant, il est clair, qu’à l’époque, le succès et le génie de Chicago ne pouvaient qu’étouffer une formation encore mal positionnée, moins personnelle et un cran en-dessous au niveau de certaines de ses compositions. Il n’empêche que l’écoute de cette réédition reste un vrai plaisir, particulièrement pour ceux qui ont connu l’époque et ses couleurs.
Les titres (58’21) :
- « Things I Should’ve Been » (Eddi Harnett)(6’19)
- « This Time Tomorrow » (Eddi Harnett/Terry Scott Jnr)(5’14)
- « Never Say Die » (Eddi Harnett)(3’57)
- « Come Back » (Eddi Harnett)(5’24)
- « Song for Chaos » (John James Gordon)(7’41)
- « Morning Coffee (A Theme to a Film) » (Heaven)(4’58)
- « Number One (Last Request) » (Heaven/Rikki Farr)(4’58)
- « Number Two (Down at the Mission) » (Heaven)(5’40)
- « Dawning » (Rikki Farr)(5’13)
- « Got to Get Away » (Eddi Harnett)(8’53)
Le groupe :
- Terry Scott Jnr : Chant, Guitares & Piano
- Eddi Harnett : Chant & Guitares
- John James Gordon : Basse, Violon & Vocaux
- Vic Glover : Batterie & Percussions
- Dave Gautrey : Trompette & Bugle
- Butch Hudson : Trompettes & Bugle
- Ray King : Saxophones, Flûtes & Clarinette
- Derek Sommerville : Saxophones, Flûte & Trombone
- David Horler : Trombone & Piano
Pays: GB
Esoteric Recordings ECLEC2030
Sortie: 2008/01/21 (réédition, original 1971)