POWER, Cat – Jukebox
Nous avions laissé Cat Power en 2005 avec l’album « The Greatest« , mi-figue mi-raisin avec quelques morceaux de bravoure. La revoilà en 2008 avec un des premiers albums de l’année, enregistré au célèbre studio Hit Factory de Miami, ville natale de Chan Marshall, avec Stuart Sikes aux manettes, vainqueur d’un Grammy pour l’album de Loretta Lynn « Van Lear Rose ».
On retrouve ici la contribution du Dirty Delta Blues Band, de même qu’une légende du clavier Spooner Oldham, ainsi que le percussioniste Larry Mc Donald et les guitaristes Matt Sweeney et Mabon « Teenie » Hodges.
En 2000, Chan Marshall avait déjà sorti un album de reprises « The Cover Records », et tout comme ce dernier, « Jukebox » n’est pas constitué que de reprises. Sur les douze titres, deux sont des chansons originales: une ode à Bob Dylan « Song to Bobby », et « Metal Heart » qui figurait à l’état de squelette sur « Moon Pix » sorti en 1998. En avril 2007, elle déclarait au magazine Mojo que « Jukebox » pouvait se rapprocher du travail social, « en ressuscitant de vielles chansons pour des jeunes gens qui veulent entendre des morceaux qui ont du sens ». De fait la plupart des chansons ressuscitées s’adressent plus à des connaisseurs qu’au grand public, comme la reprise de James Brown « Lost Someone » datant de 1961, un des grands moments de cet album. « New York » qui ouvre l’album est éloigné de l’original de Frank Sinatra, laissant de côté l’esprit music hall en donnant un traitement très soul à ce standard qui glisse sans blanc vers le second titre « Ramblin’ Woman » (travestissement du titre « Ramblin’ Man » de Hank Williams).
En trois ans, beaucoup d’eau est passée sous les ponts et beaucoup de muses chantantes (comme Alela Diane) sont apparues comme autant de concurrentes. Chan Marshall a déjà plus de dix ans de carrière derrière elle, et une voix irremplaçable qui joue sur différents registres, très sexuelle, voire hermaphrodite (les intonations masculines sur « Metal heart »), pleine de cassures. Elle est un peu cette copine plus grande que nous qui provoquait notre admiration sur les bancs de la fac et sur laquelle on a flashé. L’album excelle particulièrement sur la trilogie qui clôt l’album, un traitement fidèle de chansons d’amours perdues d’icônes féminines: « Don’t Explain » de Billie Holiday, « Woman Left Lonely » de Janis Joplin et « Blue » de Joni Mitchell avec des arrangements s’accordant au son brut et chaud de l’album sans dévier de l’esprit des originaux. De la country (« Silver Stallion ») en passant par le groove sudiste de « Aretha, Sing One for Me » et le Mississipi folk-blues de « Lord, Help the Poor and Needy », la panoplie de genres que Chan Marshall peut accommoder démontre un parcours étincelant dans le monde étrange de la culture populaire.
Pays: US
Matador Records 744861079422
Sortie: 2008/01/21