DYKES, Omar Kent & VAUGHAN, Jimmie – On the Jimmy Reed Highway
Nous voilà en présence d’une belle rencontre ! Deux artistes reconnus, dans la cinquantaine bien entamée, qui n’ont plus grand-chose à prouver, s’associent pour ressusciter une des figures majeures du « Blues » et du « Rhythm & Blues » américains, Jimmy Reed. Quelle bonne idée !
Né en 1950 dans le Mississippi, Texan d’adoption, Omar Kent Dykes s’est fait un nom en tant que leader de Omar & the Howlers, formation de « Blues-Rock Texan » active depuis 1977.
Né en 1951, pur Texan, Jimmie Vaughan est réputé tant pour sa participation aux Fabulous Thunderbirds, qu’il a fondé en 1975 avec Kim Wilson ici présent, qu’aux divers projets qui l’ont vu associer à son frère cadet Stevie Ray, mort en 1990.
Chanteur, guitariste et harmoniciste, Jimmy Reed était né en 1925 dans l’état du Mississippi. Il produisait une musique naturellement évidente, sans fioriture, soutenue par un rythme indolent et obsédant, agrémentée de mordantes attaques instrumentales et complétée par un chant poignant. Sa femme Mary Lee Davis et son ami d’enfance, le guitariste Eddie Taylor, ancien accompagnateur d’Elmore James et de Muddy Waters, resteront durant des années ses plus fidèles compagnons. Epileptique, ravagé par l’alcool, il décèdera en 1976. Ces deux problèmes cumulés avaient fini par l’isoler tout en tarissant son inspiration. Sa période la plus féconde fut celle de ses plus importants succès ; elle se situe entre 1955 et 1963.
Les titres :
- « Jimmy Reed Highway » (Dykes/Callif) (4’05)
- « Baby What You Want Me to Do / Bright Lights Big City » (Reed) (5’10)
- « Big Boss Man » (Smith/Dixon) (3’11)
- « Good Lover » (Reed) (3’08)
- « Caress Me Baby » (Reed) (5’09)
- « Aw Shucks, Hush your Mouth » (Reed) (4’02)
- « You Upset my Mind » (Reed) (3’17)
- « I’ll Change my Style » (Parker/Villa) (3’46)
- « Bad Boy » (Taylor) (4’02)
- « Baby, What’s Wrong » (Reed) (3’16)
- « Hush Hush » (Reed) (3’02)
- « You Made Me Lough » (Dykes/Callif) (3’50)
Les interprètes :
- Omar Kent Dykes : Vocaux & Guitares (10, 12)
- Jimmie Vaughan : Guitares (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11) & Vocaux (2, 6)
- Derek O’Brien : Guitares (2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12) & Production
- Lou Ann Barton : Vocaux (1, 4, 5, 7)
- Delbert McClinton : Vocaux (11) & Harmonica (11)
- Kim Wilson : Harmonica (2, 3, 4, 7)
- James Cotton : Harmonica (5)
- Gary Primich : Harmonica (10, 12)
- Ronnie James : Basse (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11)
- Barry Bihm : Basse (10, 12)
- Wes Starr : Batterie (1, 2, 3, 6, 7,8, 9, 11)
- George Rains : Batterie (4, 5)
- Jay Moeller : Batterie (10)
- Jake Dykes : Batterie (12)
A l’écoute, ce CD séduit directement. Les titres sélectionnés vont du bon à l’excellent. L’esprit de Jimmy Reed est respecté et reproduit par des artistes de valeur, se connaissant souvent et, en tout cas, issus du même vivier.
La rythmique de base évolue en trio (batterie, basse, guitare). Si ce n’est dans le chef du remarquable batteur Wes Starr, elle ne paie peut-être pas de mine au niveau de l’inventivité, mais sa force réside justement dans cette simplicité efficace. Par contre, à chaque intervention, quel qu’en soit l’utilisateur et quel que soit le titre interprété, l’harmonica produit un effet bœuf immédiat. Au niveau du chant, derrière la voix principale, la seconde apparaît en général légèrement en retrait, et, dans tous les cas, dans un registre opposé. Au pire, elle apporte un plus ; au mieux, elle frôle l’indispensable. Pour ce qui est des deux leaders, Jimmie Vaughan garde un jeu propre et sobre, toujours efficace, et Omar Dykes utilise à plein régime sa voix épaisse et rocailleuse, dans la même veine que Captain Beefheart.
« Jimmy Reed Highway » constitue la mise en route idéale. A la seconde voix, Lou Ann Barton attire déjà l’attention.
Le niveau de qualité et d’intensité des huit plages suivantes est stupéfiant :
« Baby What You Want Me To Do / Bright Lights Big City » réussit tout à la fois : composition attirante, rythme de « walking bass » classique à Jimmy Reed, envolée d’harmonica, chants évoluant de bout en bout en parallèle. « Big Boss Man » intègre les mêmes ingrédients, sans le double chant.
Sur un rythme du même cru que les deux précédents, « Good Lover » constitue le sommet absolu de cette galette grâce surtout à ces deux chanteurs évoluant en leader et se relayant l’un l’autre. Lou Ann Barton est fantastique. Quelle voix ! Dans un registre vocal proche de Bonnie Raitt, elle ferait presque passer sa consœur pour médiocre. Omar Dykes en profite pour accentuer les caractéristiques habituelles de sa voix. Jimmie Vaughan manœuvre en solo du début à la fin. Frissonnant !
Plus langoureux, « Caress Me Baby » reprend les mêmes chanteurs, en intégrant l’harmoniciste James Cotton, collaborateur des plus grands, dont Muddy Waters et Johnny Winter.
Autre diamant brut, « Aw Shucks, Hush Your Mouth » met bien Jimmie Vaughan à l’honneur, tant à la guitare solo qu’au second chant. Le jeu de cymbales du batteur est remarquable.
L’excellent « You Upset my Mind » retrouve Lou Ann Barton dans un rôle notable, mais moins en avant. Le solo d’harmonica est merveilleux.
« I’ll Change my Style » du duo Parker/Villa apparaît plus démodé. Omar Dykes y chante plus en « crooner ».
Plus conventionnelle, la composition du guitariste de Jimmy Reed n’en reste pas moins intéressante par la prestation à la guitare et les trémolos dans le chant.
A l’opposé et sans bien en comprendre la raison, « Baby, What’s Wrong », auquel Jimmie Vaughan ne participe pas, et « Hush Hush » apparaissent un cran en-dessous.
A nouveau sans Jimmy Vaughan, « You Made Me Laugh » termine l’album en beauté dans la tradition de Omar & the Howlers et de Jimmy Reed.
En conclustion, cet enregistrement constitue un moment de pur plaisir dont il serait ridicule de se priver, ainsi qu’un retour aux sources bienvenu.
Pays: US
Ruf Records 1122
Sortie: 2007/08/27