HEBDEN, Kieran & REID, Steve – Tongues
Tongues est la troisième collaboration entre Kieran Hebden (connu pour son travail avec Four Tet) et le batteur de jazz Steve Reid qui a collaboré avec un large éventail de célébrités – Miles Davis, Archie Shepp, James Brown, Dionne Warwick et Sun Ra.
Steve Reid a débuté sa carrière au début des années 60, à l’âge de 17 ans, en tant que musicien de session pour la Tamla Motown puis comme batteur attitré de l’Apollo Theatre à Harlem, sous la direction de Quincy Jones. C’est un long voyage en Afrique, durant lequel il jouera notamment avec Fela Kuti, qui a définitivement ouvert les oreilles de ce musicien précoce. Influencé autant par les rythmes africains que par les « pas de géant » de Coltrane, Steve Reid a conduit sa carrière de musicien avec une rigueur et une ouverture d’esprit dignes des plus grands.
Question ouverture d’esprit, l’anglais Kieran Hebden n’est pas en reste. Au sein de Fridge, son groupe de lycée qu’il a formé en 1995 avec Adem Ilhan et Sam Jeffers, c’est vers un post-rock teinté d’electronica que ses premières expérimentations se dirigent. Insatiable, ce musicien hors normes s’est rapidement créé un alias, Four Tet, pour publier sa propre musique. A coup de collages, de samples trafiqués et de beats sérieusement malmenés, Four Tet s’est imposé en quelques albums comme l’un des électroniciens les plus aventureux de ces dernières années.
A priori ces deux musiciens n’auraient jamais dû se rencontrer et encore moins jouer ensemble tant leur univers musicaux paraissent au premier abord irréconciliable.
Le son du duo est défini dans une large mesure par l’inclination de Reid à capturer la musique comme elle se produit pour la première fois. Cette spontanéité est annoncée dans le livret : l’album est à l’état brut, sans overdubs ni editing.
Ce qui rend cette expérience unique est le fait que chaque artiste emprunte le style de l’autre. Reid veille à faire la musique qui élargit sa créativité. Hebden est un bon Géo Trouvetou connu pour fouiller dans les styles que d’autres ont évités comme le free jazz de Reid avec les instruments électroniques qui sont peu conventionnels pour ce genre.
Dans cette partition, Steve Reid joue un rôle d’accompagnateur plutôt que d’acteur, démontrant une incroyable maîtrise rythmique sur des expérimentations de contractions électroniques lumineuses et de cloches accentuées et déformées.
Les arrangements sont géniaux et explorent des territoires sonores très divers. Sur « The sun never sets » on entend un son de cassette en rewind. On a aussi quelque fois l’impression de la musique traditionnelle africaine.
Certains peuvent critiquer l’aspect trop jam-session ou sous-développé, mais en réalité, les dix compositions (qui comprennent une intrigante version du standard du jazz « Greensleeves ») sont des exemples de la créativité élargie interagissant entre deux musiciens exceptionnellement doués, et totalement différents.
Pays: GB
Domino WIGCD189P
Sortie: 2007/03/19