CHAPMAN, Roger – One More Time for Peace
Voilà déjà bien longtemps déjà qu’un nouvel album de Roger Chapman ne constitue plus un événement incontournable pour la plupart. Pourtant, l’homme n’a jamais cessé d’enregistrer et tourne toujours régulièrement (voir concert), suivi par un public de fidèles, qui n’oublie pas son importante contribution à l’ « Histoire du Rock ».
Né à Leicester (Angleterre) en 1942, Roger Chapman est d’abord reconnu en tant que membre de Family, formation originale et inclassable active entre 1967 et 1973, mêlant adroitement « Progressif », « Rhythm & Blues » et « Psychédélisme ». Il en fut le moteur et le compositeur principal avec le guitariste Charlie Whitney. Arrivé trop tôt, évoluant dans un registre trop vaste, en proie à de constantes difficultés internes, marqué par une instabilité chronique de son personnel, il ne rencontra au moment même qu’un succès limité, largement en deçà des espérances. La séparation consommée, les deux mêmes remirent directement le couvert avec l’excellent Streetwalkers, au style plus direct, plus carré, (il faut absolument réécouter l’album « Streetwalkers » de 1975). En 1977, ils jetèrent le gant, débarqués par la déferlante « Punk ». Comme beaucoup d’autres artistes originaires des Iles, Roger Chapman se replia alors sur l’Allemagne, pays insensible à ce mouvement exclusivement britannique (quoiqu’on en dise), pour débuter alors une carrière solo qu’il poursuit depuis, avec une formation mouvante évoluant au gré de ses humeurs, The Shortlists, et incorporant systématiquement de bien beaux instrumentistes (Geoff Whitehorn, Mel Collins, Boz Burrell, Laurie Wisefield, Alvin Lee, Nicky Hopkins, …), parfois ex-Family et/ou Streetwalkers (Poli Palmer, John Wetton, Bob Tench, Jim Cregan, …).
Chanteur exceptionnel doté d’une voix caractéristique, gutturale et chevrotante, pleine de couleurs « Rhythm & Blues », « Blues », « Soul », « Gospel », « Rock », … il dégage une puissance étonnante et brutale que son physique de taureau renforce encore. A une époque, ses prestations scéniques étaient épiques et il valait parfois mieux ne pas se retrouver trop près de lui, son micro volant dans tous les sens et ses tambourins finissant perforer à force d’être violemment percutés. En pleine période psychédélique, cette hargne et cette démesure naturelle ont parfois éloigné un certain public.
Autant le dire d’emblée, « One More Time for Peace » ne véhicule pas du tout cette image surexcitée. Au contraire, il s’agit d’un album agréable et convivial, parfois franchement pépère, très Américain aux nombreux accents « Deep South », à la fois marqué par le « Blues » et les musiques du Sud, dont la « Country » et le « Gospel ». Dans cette tradition, Roger Chapman laisse aller sa voix devenue plus sèche et plus rauque avec le temps, permettant ainsi d’apprécier le ton plutôt que la force.
Comme Bill Wyman avec ses Rhythm Kings, J.J. Cale avec Eric Clapton ou le même Eric Clapton avec B.B. King, il est à l’âge où il peut se faire plaisir. Il est d’ailleurs soutenu par quelques amis de longue date et de belle carrure : Jim Cregan (Family, Rod Stewart, Steve Harley & Cockney Rebel), Micky Moody (Whitesnake), Max Middleton (Streetwalkers, Jeff Beck, Chris Rea), Henry Spinetti (Eric Clapton, Gerry Rafferty, George Harrison), Ian Gibbons (The Kinks, Ian Hunter, Dr Feelgood), Steve Simpson (Ronnie Lane, Frankie Miller), Bob tench (Jeff Beck Group, Streetwalkers, Van Morrison), … L’expérience de tous ces vieux professionnels capés transpire sur chaque titre ; tous sont marqués par une exceptionnelle mise en place.
Les titres (49’54) :
- « One More Time for Peace » (Roger Chapman) (4’05)
- « Heading Back to Storyville » (Roger Chapman) (6’23)
- « All Too Soon » (Roger Chapman) (5’08)
- « Oh Brother, Take Me ! » (Roger Chapman/Steve Simpson) (6’00)
- « Hell of a Lullaby » (Roger Chapman) (4’59)
- « All Night Paradise » (Roger Chapman) (3’35)
- « Naked Hearts » (Roger Chapman/Jim Cregan) (3’47)
- « Sweet Bird » (Roger Chapman) (3’49)
- « Devil Got a Son » (Roger Chapman) (4’38)
- « The Same Old Loving You » (Roger Chapman/Steve Simpson) (4’15)
- « Jerusalem » (Traditionnel arrangé par Roger Chapman/Jim Cregan) (3’14)
Les musiciens :
- Roger Chapman : Chant
- Steve Simpson : Guitares, Mandoline, Violon & Chœurs
- Micky Moody : Guitares & Dobro
- Jim Cregan : Guitares, Programmation & Chœurs
- Ian Gibbons : Orgue
- Henry Spinetti : Batterie
- Tim Harries : Basse
- Max Middleton : Piano
- Sonny Spider : Harmonica & Chœurs
+ - Roger Cotton : Orgue (1)
- Bobby Tench : Chœurs
Parmi ces onze titres, la perle s’appelle « Heading Back to Storyville ». Elle deviendra à coup sûr un classique dans son répertoire. Elle touche à la perfection. La mélodie, le chant traînant et tremblotant, l’équilibre entre les instruments posant tour à tour leur petite touche en font une réussite absolue. Comme ce sera le cas tout au long de l’album, la guitare « slide » est utilisée sans modération.
Belles pièces également, « All Too Soon » et « The Same Old Loving Feeling » rejoignent le Lynyrd Skynyrd de Ronnie Van Zant et des pièces comme « The Ballad of Curtis Lowe » ou « I’m a Country Boy ».
Au départ, « Oh Brother, Take Me !» prend le même chemin avant d’obliquer vers le « Gospel » et « Rhythm & Blues », tout aussi « Sudiste » en vérité.
Le saignant « Devil Got a Son », plus proche de Streetwalkers, alterne guitares et violon, intégrant quelques rythmes programmés.
Sans casser la baraque, le bavard »One More Time for Peace » et « Sweet Bird » sont servis par une mélodie entraînante.
Le reste ne manque pas de charme et se laisse simplement écouter.
En définitive, l’Anglais Roger Chapman confirme son côté « touche à tout », plongeant dans le « Deep South » de groupes « Blancs » américains, … eux-mêmes tout imprégnés de musiques « Noires ». Surprenant, mais plaisant !
Pays: GB
Mystic Records
Sortie: 2007/04/16