LOST WORLD – Awakening of the Elements
De formation classique, le trio russe joue une musique progressive qui rappelle celle de Emerson, Lake and Palmer. Elle est ample, techniquement très au point et empreinte d’un feeling certain. Elle n’a pas le grain de folie qui poussait le trio anglais sous l’impulsion du flamboyant et spectaculaire Keith Emerson et le côté classique reste prépondérant mais c’est une musique de grande qualité. L’album possède une unité de ton et le groupe montre une cohésion parfaite tout au long de morceaux variés composés le plus souvent par Andrii Didorenko. Yuliya Basis traduit les paroles en anglais.
Formé en 1994, le trio russe comprend Vassily Soloviev (flûte, percussions), Andrii Didorenko (guitare acoustique, guitare électrique, guitare basse, violon acoustique, violon électrique) et Alexander Akimov (claviers, percussions, programmation, sound engineering).
« Awakening of the Elements » ouvre l’album sur une musique animée par la guitare électrique et les claviers. C’est une musique exubérante et colorée qui ne manque pas d’ampleur. On pense à « Pictures At An Exhibition », une œuvre de Moussorgsky orchestrée par Ravel. On en connaît surtout l’interprétation « live » qu’en ont faite ELP. A certains moments, quand la flûte intervient, la musique prend une allure qui évoque un peu Jethro Tull mais leur musique reste malgré tout personnelle.
Chaque musicien fait consciencieusement son travail sur « Infinity Street », qui évoque la musique de Jean-Sébastien Bach. La guitare acoustique y tient une place essentielle et la dextérité du violoniste Andrii Didorenko à la guitare est impressionnante. La guitare électrique intervient ensuite avec fracas et la musique change de cap pour devenir plus hard. L’alternance de forces contraires se déroule ainsi jusqu’à la fin du morceau.
Pour une fois, c’est Yuliya Basis qui tient les claviers sur « Simoom », qui débute par des bruitages aériens qui font penser à la musique ambient. Le violon tient la vedette cette fois, relayé par des claviers exubérants et soutenu par des percussions régulières et répétitives sans jamais tomber dans la routine. La guitare et le violon électrique dialoguent ensuite jusqu’à la fin du morceau.
« Over the Islands » lui succède sur un rythme rapide et saccadé, animé par des percussions et une guitare électrique au jeu nuancé. Les claviers prennent le relais jusqu’à la fin, bien aidés par une guitare électrique qui devient quelque peu tonitruante. « Scenery with a Guitar » commence tout en douceur mais avec des percussions à contretemps. L’orgue prend la relève et domine un paysage très coloré relevé en alternance par un jeu de guitare électrique très affûté et une guitare acoustique au propos varié et très doux.
« Schostoccata », une adaptation de l’« allegro molto » du 8e Quartette à Cordes de Schostakovich, est plus exubérant encore. Il est aussi beaucoup plus rapide et seul un virtuose de la guitare peut tirer son épingle du jeu, ce que fait très bien Andrii Didorenko. Après une accalmie de courte durée mise à profit par la guitare pour souffler un peu et par la flûte et la basse pour se mettre en valeur, le rythme endiablé reprend de plus belle et cette fois c’est le violon qui, d’abord joué pizzicato, est mis en évidence avec la guitare dans un dialogue décoiffant.
« States of Mind. Part I » repart au galop pour nous offrir un morceau de choix au violon. Seul un virtuose de la trempe de Andrii Didorenko peut exceller sur ce morceau choisi pour sa difficulté. La guitare donne une réplique tout aussi remarquable. Brillant ! De quoi remettre à leur place quelques guitaristes de “grands groupes” des sixties, dont on n’arrête pas de nous vanter les mérites alors que parfois, de leur propre aveu tardif, ils faisaient appel à des musiciens de studio, incapables qu’ils étaient de jouer leur partition.
« States of Mind. Part II » lui succède et la basse ouvre ce morceau beaucoup plus calme qui illustre un tout autre état d’esprit où le spleen est bien présent. De nouveau le violon se taille la part essentielle dans un solo d’anthologie. « States of Mind. Part III » débute par un violon enjoué et par une guitare taquine qui le titille avec brio pour le pousser dans ses derniers retranchements. De nouveau, Didorenko éclabousse l’ensemble de toute sa classe.
On a l’impression d’avoir déjà entendu « Paranoia Blues », remarquablement joué à la guitare électrique. Le temps pour la flûte de répondre sur un rythme saccadé et le morceau se termine. Le groupe enchaîne avec « Collision of the Elements », un morceau tourmenté qui met l’orgue en exergue. Les percussions et les bruitages l’animent en coordination avec la guitare, jouée avec dextérité comme le violon, du reste. Le morceau prend fin dans une débauche de sons divers mis en ordre par Alexander Akimov. Le set se termine ainsi par « Sky Wide Open », un morceau doux qui donne à la guitare une dernière occasion de se montrer à son avantage.
Voilà un album qui offre aux admirateurs de groupes comme Yes, ELP, Jethro Tull ou Genesis l’occasion de se remettre en mémoire le début des seventies. Pour les plus jeunes, ceux qui auront la patience d’écouter attentivement et plusieurs fois cet album, c’est l’occasion de découvrir le rock progressif à son meilleur niveau joué par des virtuoses. Une découverte !
Pays: RU
Musea Records FGBG 4695.AR
Sortie: 2006/12