COCKER, Jarvis – Jarvis
Originaire de Sheffield, Jarvis Cocker est le leader de Pulp. Sans avoir officiellement dissout le groupe, il l’a mis entre parenthèses. Il n’existe plus vraiment et Jarvis Cocker, qui a eu un enfant et vit maintenant à Paris, commence une carrière solo dont le premier album s’appelle tout simplement « Jarvis ».
Si l’on compare ce qu’il faisait avant avec le contenu de cet album, on peut dire que son esprit caustique et incisif sont intacts. Il exprime de la même manière ses positions dans le domaine social. Lorsqu’ils se retrouvent ensemble sur un plateau de télévision pour l’interview, ses prises de position très tranchées et empreintes d’un humour mordant font pourtant parfois rire Richard Hawley, un ancien de Pulp. On se rappelle que ce dernier a aussi réalisé un album solo intitulé (« Coles Corner« ).
Outre le guitariste / chanteur / compositeur, il s’est entouré entre autres de Mark Webber, qui joue de la guitare, de Steve Mackey, le bassiste, et de Candida Doyle, la claviériste, tous ex-membres de Pulp. Le changement n’est donc pas flagrant puisque ce sont à peu près les mêmes têtes qu’avant.
Sur cet album, quelques morceaux méritent une mention spéciale. « Don’t Let Him Waste Your Time » est le premier de ceux-ci et c’est le plus connu, celui qu’il interprète volontiers sur les plateaux de télévision. C’est assez flagrant, « Black Magic » rappelle « Crimson and Clover », un hit des Américains Tommy James & The Shondells en 1968, en plein rock psychédélique.
« I Will Kill Again » est un titre qu’il interprète en toute décontraction dans le style crooner de Richard Hawley, l’un de ses guitaristes, originaire de Sheffield comme lui. « Baby’s Coming Back To Me » est aussi un titre mélancolique au rythme très lent, avec une petite touche de xylophone, au contraire de « Fat Children », un des rares titres énervés de l’album qui parle de certains aspects de la paternité.
« From A To I » poursuit le trip dans la mélancolie sur une très belle mélodie soutenue par la guitare. La voix si spéciale de Jarvis y est reconnaissable entre mille. « Disney Time » est un morceau dont la mélodie est aussi agréable et le climat nostalgique au point d’en devenir triste. Les cordes ajoutent encore à cette impression avec des orchestrations fort bien réalisées. Pas vraiment un marrant, Jarvis.
« Tonite », qui parle de drogue, de sexe et d’ennui, conviendrait parfaitement pour une danse à la fin d’une soirée, quand ne subsistent que quelques couples enlacés sur la piste. On pense à l’ambiance de « End Of The Party » de The English Beat. Persévérant dans cette atmosphere peu joyeuse, « Big Julie » commence par des phrases énoncées par une voix féminine et débouche sur la description d’un personnage qui malgré ce qu’elle a vécu jusqu’à présent ose envisager l’espoir d’un meilleur futur. Le ton reste pourtant à la tristesse et frise même le désespoir. C’est un grand moment de l’album.
« Quantum Theory » est un très beau morceau mélancolique expérimental qui se déroule dans une ambiance éthérée et précède un très long silence, avant que « Running The World », un titre caché qui était seulement disponible sur le Net avant d’être intégré à cet album, ne réveille les auditeurs comme s’il réveillait leurs consciences, en leur assénant des paroles au vitriol. Un autre grand moment que l’on doit malheureusement attendre beaucoup trop longtemps !
Cet album est constitué d’éléments disparates dont le point commun est le climat mélancolique, qui oscille même parfois entre tristesse et désespoir. N’était-ce cette très longue interruption avant le titre caché – quelle manie ! – ce serait le sommet incontestable de l’album. C‘est néanmoins un très bon début pour une nouvelle carrière. Cela tombe bien, Jarvis Cocker vient à l’Ancienne Belgique le 24 janvier 2007.
Pays: GB
Rough Trade RTRADCD340
Sortie: 2006/11/13