YOUNG, Neil & CRAZY HORSE – Greendale
Ce cd est une sorte de concept album dont le fil rouge s’appelle Greendale, « Vallée Verte », ville imaginaire, création de l’esprit de Neil Young, où vit la famille Green. La première plage, “Falling From Above”, affublée d’une musique imparable, est une invitation à la liberté et plaide pour plus d’amour et d’affection dans tous nos actes. Cela améliore le monde quoi qu’il arrive, malgré la propension de certains à pratiquer les guerres de religion. Y a-t-il moyen plus efficace de nous plonger dans l’actualité ? “Double E” a une consonance nettement plus rock, de même que “Devil’s Sidewalk”. Ces deux morceaux, enlevés sur un rythme très sixties, nous préparent à encaisser quelques vérités bien senties propres à l’auteur. Outre la résistance au changement, ce monde idyllique a sa contrepartie : la violence et le mensonge.
“Leave The Driving” nous rappelle que tout peut basculer : on trouve une arme sur vous et vous voilà entraîné dans une aventure qui vous dépasse. Jed Green, le cousin qui habite le village voisin, après avoir tué le policier, passera quelque temps en prison avec le diable ! Ni plus ni moins ! “Carmichael”, toujours sur un rythme folk rock, est une longue incantation qui nous rappelle que la mort est au bout du chemin, sur une musique répétitive, hypnotique et très recherchée sur le plan mélodique. Un moment fort du cd. “Bandit” est une balade basée sur un message d’espoir : « Un jour, tu trouveras ce que tu cherches ».
“Grandpa’s Interview” est une autre pièce maîtresse du cd : après une longue introduction instrumentale, ça raconte une évacuation forcée, avec les médias en toile de fond. Les conséquences du meurtre se répercutent sur toute la famille, qui doit assumer sa part de responsabilité supposée. Il faut s’en accommoder : les foules ne s’embarrassent guère de nuances ! “Bringin’ Down Dinner” est nettement plus prosaïque : quelqu’un veut nourrir les prisonniers mais se heurte au barrage établi par les médias !
L’attaque percutante de « Sun Green » convient bien à l’histoire qui nous est contée ici : la mort du grand-père libère les acteurs et délie les langues. Je ne sais pas pourquoi ce rythme lancinant me rappelle par moments « Green Onions » de Booker T. and The MGs. Même rythme incandescent, même envoûtement que l’on cherche à peine à dissimuler. On en oublie de focaliser son attention sur les paroles et on perd un peu le fil … « Hey mr clean, you’re dirty now ». Pas besoin d’avoir fréquenté l’ISTI pour comprendre …
« Be The Rain » rappelle au début Alice in Chains mais en beaucoup plus guilleret (ce n’est pas très difficile et là s’arrête la comparaison) et, sur un rythme très rock, sert de plaidoyer pour la nature et l’air frais de la vie. Mais cela se termine en cauchemar : le diable a empoisonné l’eau potable et la jeune fille, Sun Green, se retrouve habillée en tenue de combat avec des peintures guerrières sur le visage ! En filigrane, on voit la métaphore avec l’Amérique de 2003. Elle ne fait rien pour protéger le patrimoine environnemental, fait du profit en vendant des armes et fait la guerre partout où il y a de l’argent à tirer !
Le DVD, consacré au concert « live » de Vicar St., Dublin, Ireland, ne nous épargne rien : Neil Young prend tout son temps pour régler le micro, attacher son harmonica et éteindre une cigarette sans doute laissée là par un roadie distrait. Passionnant ! Quand il daigne se rappeler qu’il est « on stage », Neil Young nous distille quelques mots intimistes. Tellement intimistes que même le micro, parfois, il a peine à les comprendre ! Mais dès qu’il égrène les premières notes, la magie opère ! Il nous raconte l’histoire de Greendale sur le mode discret et on est là, scotché, en train d’écouter ce très long monologue sans pouvoir s’en détacher. Cela dure ainsi pendant plus d’une heure quarante, sans que l’attention faiblisse malgré sa voix assez monocorde. Il faut s’appeler Neil Young pour réussir pareille prouesse !
Bref, tant le CD que le DVD comportent des moments remarquables mais aussi des faiblesses criantes, dont une certaine monotonie lors des passages les plus longs (quatre titres font plus de neuf minutes !), mais dans l’ensemble, c’est un bon cru qui doit se mériter. Les paroles sont disponibles sur le site Internet de Neil Young et le livret donne les paroles de l’histoire racontée sur le DVD. Ce ne sont pas précisément de la musique ni des paroles faciles. En prix vert, avec un bon de 2,5 € offert par un hebdomadaire qui pique, cela vous coûtera 17,83 € pour le CD et le DVD. Dans le contexte actuel, c’est presque bon marché ! Un concert de Neil Young vous coûtera entre 70 et 90 €.
Pays: US
Reprise Records / Warner Music Group 9362-48533-2
Sortie: 2003/08/19