SLEEPY JACKSON (The) – Personality: One Was A Spider, One Was A Bird
Le leader incontestable du collectif australien de Perth, The Sleepy Jackson, s’appelle Luke Steele. C’est un personnage déroutant et difficile à cerner. Chanteur, compositeur, il joue aussi de la guitare sur cet album. Faisant suite au premier opus intitulé « Lovers » (2003), il a composé une œuvre en 14 chapitres avec le précieux concours du 20/20 Orchestra. Il rappelle surtout par la voix, moins par la musique, un groupe longtemps disparu de la circulation : Scritti Politti. De son chanteur Green Gartside, il a la préciosité et la faculté de composer de très bons titres. Son principal défaut est d’en faire parfois trop.
On compare volontiers Luke Steele à Brian Wilson (The Beach Boys) pour le grain de folie, le goût de la perfection et l’intransigeance vis-à-vis de ses musiciens. Capable du meilleur, il nous le réserve sur cet album très agréable. En dehors des orchestrations pompeuses et de son goût pour le discours ampoulé, c’est plein de fraîcheur et la tonalité générale est celle du raffinement et de la créativité.
« You Needed More » débute en douceur et ne fait pas exception à la règle : les orchestrations sont un peu emphatiques mais les harmonies vocales donnent le change. De tout cela résulte au total un morceau agréable à écouter. De style country, « Devil Was In My Yard » est plus enjoué. Les instruments acoustiques donnent une impression de sérénité et la mélodie est plus qu’agréable. Certains reprocheront à ce morceau son maniérisme indiscutable.
Très doux, agrémenté d’harmonies vocales de toute beauté, « God Lead Your Soul » comporte aussi une mélodie très agréable et ressemble un peu à un gospel mais les orchestrations sont de nature à tempérer cette excellente impression. « Work Alone » rappelle 10 CC, arrive à point nommé avec ses harmonies vocales très étudiées et accentue la bonne tenue générale du cadre musical, alors que « God Knows », qui rappelle George Harrison, poursuit dans la voie de la douceur et d’un certain raffinement teinté de préciosité.
Entre funk, soul et disco, « I Understand What You Want But I Just Don’t Agree » est sans doute le titre le plus versatile de ce CD. C’est en tout cas le meilleur. On ne s’en lasse pas. Les parties vocales sont absolument parfaites et tous les musiciens se montrent à la hauteur de cette brillante composition. Autre point fort de cet album, « Miles Away » se glisse dans cet ensemble feutré avec beaucoup de discrétion et apporte sa part de mélancolie avec beaucoup de délicatesse. Par un ton différent et un climat plus enjoué, « Higher Than Hell » marque un break avec une partie importante de ce qui suit.
« Play A Little Bit For Love » rappelle les productions américaines des eighties mais les harmonies vocales sont superbes. « Don’t Say » ramène inlassablement le propos à des proportions terrestres et distille sa mélodie imparable et ses arrangements soigneusement choisis. On a une impression de déjà entendu mais ce n’est qu’illusion : les voix rappellent sans doute les Beach Boys mais ça se borne à ça. De nouveau, « You Won’t Bring People Down In My Town » est plus pompeux et les orchestrations ne manquent pas d’ampleur mais cela dessert le morceau plutôt que le contraire.
La voix de Luke Steele surplombe « Dream On » et lui donne une consistance inattendue, pour s’égarer ensuite dans des arrangements bourrés d’emphase. L’inspiration de l’auteur se perd ainsi dans les méandres sinueux d’une idée déviée de son but initial, de sorte que dans la foulée, « How Was I Supposed To Know » est moins réussi et que ses orchestrations pompeuses le font ressembler à de la variété.
Cet album se décompose en deux parties pas tellement faciles à distinguer : l’une frise le génie avec ses compositions de toute beauté, ses harmonies vocales majestueuses et sa production absolument impeccable ; l’autre, plus pompeuse, avec ses orchestrations pleines d’emphase, laisse plus à désirer et ressemble davantage à de la variété de bonne qualité. Il faut prendre Luke Steele comme il est, perfectionniste, mystique, précieux et stylé, avec son habileté hors du commun pour trouver de merveilleuses mélodies et ses idées de grandeur. C’est sans doute le fruit de son travail et de sa vie de reclus solitaire. L’un dans l’autre, il nous offre ce que la musique pop a de meilleur et on voudrait que tous les albums produits sur la planète Terre aient cette qualité globale. Les petits chefs-d’œuvre que sont « I Understand What You Want But I Just Don’t Agree », « Miles Away » et « Don’t Say » sortent nettement du lot.
Pays: AU
EMI 0946 3 65833 2 7
Sortie: 2006/08/21