JAPAN – Tin Drum
Malgré des qualités incontestables, « Gentlemen Take Polaroids » donnait l’impression d’un groupe qui cherche encore sa voie. Avec « Tin Drum », le dernier album studio du groupe, rien de tout ça. Le style est bien affirmé, le rythme dynamique, l’enthousiasme présent ; le dépaysement se précise, on sait où on va. Exit la ressemblance vocale avec Bryan Ferry, même si une certaine préciosité subsiste. Alors que tout baigne, il faudra un incident majeur d’ordre privé pour mettre fin au groupe, d’où Rob Dean a déjà disparu.
L’apport de Steve Jansen est plus grand que sur l’album précédent et sa collaboration avec Mick Karn à la basse fretless est essentielle sur le plan rythmique. C’est toujours David Sylvian qui tient les rênes mais il laisse plus de champ libre à la créativité des autres membres de Japan. Après la séparation, ceux-ci continueront d’ailleurs à jouer ensemble à la moindre occasion.
Basé sur des percussions remarquables, « The Art Of Parties » affirme son caractère world bien trempé. Entre jazz, world music et ambient, « Talking Drum », toujours axé sur les percussions mais agrémenté de voix ou de bruits vocaux, semble inviter au voyage vers des contrées lointaines. « Ghosts » amène le contraste et glisse tout en douceur vers une musique raffinée de toute beauté, agrémentée par la voix de Sylvian et par des percussions et autres bruits exotiques savamment agencés. Du grand art ! C’est Japan à son meilleur.
« Canton » est un magnifique morceau descriptif qui rend bien l’ambiance des rues populaires d’une ville chinoise vue par les européens. Ici aussi, la structure et l’agencement des diverses composantes est parfaite et le dépaysement total. « Still Life In Mobile Homes » est plus jazzy même si le côté world est toujours bien présent, notamment grâce à la voix de Yuka Fujii. De nouveau, avec la combinaison des effets créés par les claviers programmés couplés aux percussions et à la ligne de basse, on atteint des sommets. La musique intemporelle de Japan n’a pas pris une ride.
« Visions Of China » fait aussi la joie des amateurs de percussions ; le caractère chinois de la musique s’affirme tout aussi clairement et la basse y tient une place essentielle. David Sylvian y module les intonations de sa voix au gré de l’évolution des phrases musicales. « Sons Of Pioneers » est différent dans la mesure où la basse est prépondérante, en tout cas au début, quand le morceau est exclusivement instrumental. De nouveau, le binôme Steve Jansen – Mick Karn est imparable. La voix un peu décalée de Sylvian apparaît ensuite, soulignée par les claviers et les bruitages électroniques. Japan a quelques décennies d’avance !
« Cantonese Boys » laisse la voix et les bruitages donner libre cours à leur exubérance et le rythme frétillant soutient parfaitement la dynamique amorcée au début de l’album. L’ambiance est franchement joyeuse et le portrait de Mao sur la cover photo est le parfait rabat-joie. La fin abrupte serait-elle le signal de la fin d’une époque ?
Cet album est le chef-d’œuvre de Japan et son dernier album studio. Le groupe va bientôt se séparer à la suite d’un événement d’ordre privé et ne sait pas encore qu’il a produit son chant du cygne.
Pays: GB
Virgin 0946 3 63061 2 4
Sortie: 2006/05/29 (réédition, original 1981)