JAPAN – Gentlemen Take Polaroids
Pour l’anecdote, il est permis de rapprocher la voix suave de Bryan Ferry de celle de David Sylvian sur le premier titre de l’album de Japan. La ressemblance de cette voix avec celle du premier album de Roxy Music est frappante. Il est permis aussi de se demander qui de David Sylvian ou de Nick Rhodes a créé ce look qui figure sur la cover photo. La similitude est incontestable et on peut penser que cette fois, la balance penche du côté de Sylvian. Ce n’est là qu’une digression, l’essentiel étant la musique mais cela démontre que même les plus grands se cherchent parfois pendant des années avant de trouver leur propre style et que personne ne peut totalement faire abstraction de ce qui existe.
On peut dire que David Sylvian a subi l’influence d’artistes majeurs comme Scott Walker, David Bowie et Bryan Ferry, avant d’adopter sa propre démarche expérimentale axée sur la musique mais aussi sur la photographie et le cinéma, notamment. David Sylvian, à qui on doit Japan, est synonyme d’avant-garde, d’esthétisme et de raffinement, voire de perfectionnisme. On ne s’étonnera pas de savoir qu’il a travaillé avec des gens comme Jon Hassell, Ryuichi Sakamoto, Bill Frisell, Holger Czukay (Can), Robert Fripp (King Crimson), …, tous connus pour leur esprit aventureux et leur refus de céder à la facilité. Mais Japan, c’est aussi Steve Jansen, le batteur, son frère, Richard Barbieri, toujours membre de Porcupine Tree, le claviériste, Rob Dean, le guitariste, dont c’est la dernière apparition au sein du groupe, et Mick Karn, le bassiste, saxophoniste et flûtiste. Il ne faudrait pas sous estimer leur rôle dans la qualité de l’album.
Le ton précieux que David Sylvian adopte sur « Gentlemen Take Polaroids » est relativement proche de ce que fait Roxy Music sur son premier CD mais c’est presque un incident de parcours. La situation est complètement différente et non figée sur « Swing », beaucoup plus expérimental et axé sur la rythmique, cette fois. On note aussi la présence du saxo. A la recherche d’un style personnel, Japan aborde avec bonheur différents genres.
Sur « Burning Bridges », ce sont les bruitages qui constituent le corps du morceau à travers des bruits familiers transformés et retravaillés. « My New Career » fait la part belle à la musique d’ambiance poétique qu’il développera plus tard dans ses travaux en solo mais le saxo y laisse une marque bien nette. « Methods Of Dance » est déjà beaucoup plus élaboré et on peut y déceler, outre des influences orientales, un style jazzy bien affirmé.
Mais le plus déroutant est « Ain’t That Peculiar », qui échappe à toute classification. Toujours un peu précieux au chant, il reçoit cette fois un coup de main appuyé de son frère à la batterie. Cela donne un mélange à la fois détonant et brillant. « Nightporter », tout aussi réussi, préfigure déjà les futurs chefs-d’oeuvre de sa carrière en solitaire comme « Every Colour You Are » ou « Surrender ». Quelle classe dans le style et quelle beauté dans la forme !
« Taking Islands In Africa » joue aussi sur les bruitages et introduit la world music dans son registre étendu. « The Experience Of Swimming » est plus axée sur les parties jouées au clavier. « The Width Of A Room » a une approche plus orientale et aura sans doute contribué au succès du groupe au Japon, notamment. « Taking Islands In Africa (Steve Nye Remix) » est une version remixée offerte en bonus.
Premier volet d’un triptyque, cet album est toujours d’actualité aujourd’hui et sa qualité est telle qu’il peut toujours être acheté.
Pays: GB
Virgin 0946 3 63057 2 1
Sortie: 2006/05/29 (réédition, original 1980)