ROYAL DAN (The) – A Tribute to the Genius of Steely Dan
Après deux hommages à Jimi Hendrix (« Voodoo Crossing » et « Gypsy Blood »), un autre à John Coltrane (« A Giant Steps in Fusion Guitar »), à Miles Davis (« Fusion for Miles : A Guitar Tribute – A Bitchin’ Brew »), au Mahavishnu Orchestra (« Vision of an Inner Mounting Apocalypse : A Fusion Guitar»), Jeff Richman, à la fois producteur, arrangeur et guitariste remet le couvert avec Steely Dan, formation un peu oubliée de nos jours.
En 1971, Donald Fagen (Compositions, claviers et chant) et Walter Becker (Compositions, basse et guitares) fondent Steely Dan, avec Jeff « Shunk » Baxter (Guitares, Pedal Steel), Denny Dias (Guitares), Jim Hodder (Batterie) et David Palmer (Vocaux). Le producteur Gary Katz les rejoint rapidement et fera toujours partie intégrante du « son » Steely Dan. Leur musique élégante, limpide et sans défaut, se fonde principalement sur un « Rock » propre et aéré, « Californien », parfois « Latin », abordé à la manière du « Jazz ».
Dans les premiers temps, la notion de groupe fait encore illusion. Mais le désir des deux leaders de s’axer sur le travail de studio et leur peu d’envie de se produire en concert éloignent progressivement les autres, déjà mis à l’écart dans le travail de composition et de réalisation. Par exemple, en restant toujours membre de Steely Dan, Jeff « Shunk » Baxter tourne avec Doobie Brothers et finit par les rejoindre définitivement. A chaque nouvel album, l’utilisation de musiciens de sessions, recrutés parmi la crème de l’époque, devient de plus en plus importante et atteint un sommet avec l’album « Gaucho » en 1980. Je me souviens d’ailleurs, qu’à l’époque, Mark Knopfler, invité pour jouer uniquement un solo sur « Time out of Mind », racontait la difficulté qu’il avait eu à satisfaire les « Maîtres » et le temps qu’il y avait passé. Cette évolution, même si le résultat final reste toujours impressionnant, donne en fin de compte une sensation bizarre de surproduction, loin du caractère gai et chatoyant de leur premier album, « Can’t Buy a Thrill », en 1972. En fin de compte, en 1981, les deux compères mettent leur groupe en veilleuse et ne lui redonneront vie qu’au début de ce nouveau siècle. Entre-temps, Walter Becker et Donald Fagen travailleront uniquement au gré de leurs rares envies, en s’appuyant à l’occasion l’un sur l’autre. Ainsi, en 1993, Walter Becker produira l’album « Kamakiriad » de Donald Fagen, y tiendra également la basse et jouera les solos de guitare ; en 1994, pour l’album « 11 tracks of Wack » de Walter Becker, Donald Fagen se retrouvera à la production et aux claviers.
Chaque album publié par Steely Dan, ou par ses deux membres en solo, se vendra par millions.
Voici les titres, tous composés par Walter Becker et Donald Fagen (58’29) :
- « Peg » (6’35)
- « Bodhisattva » (4’33)
- « Home at Last » (6’08)
- « Aja » (7’20)
- « Pretzel Logic » (6’04)
- « Josie » (6’14)
- « Dirty Work » (5’34)
- « The Fez » (5’11)
- « FM » (5’56)
- « Hey Nineteen » (4’49)
A l’origine sur les albums ci-dessous :
- « Can’t Buy a Thrill » (1972) : 7
- « Countdown to Ecstasy » (1973) : 2
- « Pretzel Logic » (1974) : 5
- « The Royal Scam » (1976) : 8
- « Aja » (1977) : 1, 3, 4, 6
- « Gaucho » (1980) : 10
+ - Une composition pour le film « FM » (1978) : 9
De la grande époque, seul « Katy Lied » (1975), pourtant du même cru que les autres, n’est pas représenté. Les récents « Two Against Nature » (2000) et « Everything Must Go » (2003) sont également absents.
Tous les musiciens présents ici sont loin d’être des débutants. Ils ont une longue carrière derrière eux, parfois même impressionnante, que ce soit en solo, en groupe ou comme musicien de sessions. A eux tous, ils cumulent des participations dépassant largement le millier d’albums. Les voici :
- Jeff Richman : Guitares rythmiques (solo sur 6)
- Peter Wolf : Claviers
- Jimmy Haslip : Basse
- Vinnie Colaiuta : Batterie
- Ernie Watts (*) : Saxophone
+ - Robben Ford : Guitare solo (1)
- Steve Morse : Guitare solo (2)
- Jay Graydon (*) : Guitare solo (3)
- Al Di Meola : Guitare solo (4)
- Steve Lukather : Guitare solo (5)
- Mike Stern : Guitare solo (7)
- Jimmy Herring : Guitare solo (8)
- Frank Gambale : Guitare solo (9)
- Elliott Randall (*): Guitare solo (10)
(*) ont travaillé avec Steely Dan
A l’écoute, outre la mise en avant plus systématique des guitares, l’autre caractéristique majeure reste l’absence totale de vocaux, un des éléments essentiels de Steely Dan. Le résultat en est une couleur encore plus nettement « Jazz » qu’à l’origine, accentuée par le jeu de la plupart des musiciens présents. Par contre, la production apparaît ici plus naturelle et plus spontanée. Le choix des titres proposés ne mérite aucune critique objective. D’ailleurs, la richesse du répertoire de base n’aurait pu l’admettre.
Automatiquement et sans réelle surprise, chaque guitariste amène son style, son approche et ses sonorités directement reconnaissables. Le groupe qui les accompagne représente tout simplement l’idéal dont on peut rêver. Le saxophoniste Ernie Watts et le batteur Vinnie Colaiuta ressortent plus particulièrement.
Parmi les titres les plus marquants et dans un ordre tout personnel, on peut citer :
D’abord, « Pretzel Logic » où la prestation de Steve Lukather, principalement guitariste de Toto, est magistrale du début à la fin. Tout à la fois variée, dynamique, flamboyante et sans le moindre essoufflement, elle confirme l’aisance du musicien dans l’univers du « Jazz-Rock » musclé. En outre, elle montre bien le lien originel existant entre Toto et Steely Dan, avec lequel David Paich et Jeff Porcaro ont oeuvré en sessions.
Dans le langoureux « Home at Last », très « Jazzy », le travail apparaît très collégial avec un excellent Jay Graydon qui rappelle souvent John Scofield. Les parties de saxophones et de claviers sont splendides.
« Aja » permet de retrouver à la guitare acoustique le sublime Al Di Meola (Return to Forever, McLaughlin/Di Meola/De Lucia, …) et son style « Jazz-Rock-Latino ». Tout est coulé et d’une grande finesse. Le batteur multi capé Vinnie Colaiuta et le vétéran Ernie Watts montrent également tout leur savoir-faire.
« Josie » est mené par la formation de base avec un Jeff Richman impeccable en solo. Jimmy Haslip (Yellowjackets, Ginno Vannelli, …) et Vinnie Colaiuta (Jing Chi, Sting, John McLaughlin, Frank Zappa, …) assurent une rythmique saccadée, bien carrée.
Sans surprise, « The Fez » sonne plus « Californien » dans la droite ligne de son soliste Jimmy Herring (Jazz Is Dead, T Lavitz).
Elliott Randall (ex-Asia également) travailla pour Steely Dan dans « Can’t Buy a Thrill », « Kathy Lied » et « The Royal Scam ». Dans « Hey Nineteen », tout empreint de mesure et de sagesse, il respecte bien la tradition de ses concepteurs et partage ici la vedette avec les claviers.
« Pegg », « Bodhisattva », « Dirty Work » et « FM » allient leurs grandes qualités intrinsèques à celles de leur brillant soliste respectif.
La musique est chose vivante. Elle n’est pas qu’un monument que l’on visite avec respect. Cet album le prouve en revitalisant le répertoire d’un groupe à l’amplitude historique probablement moins grande qu’il n’y paraissait à l’époque. Un bon moment !
Pays: US
Mascot Records M 7189 2
Sortie: 2006/05/12