CHARDEAU – Hors portée : Highlight
Très éclectique, Chardeau est un chanteur et claviériste français, auteur d’une musique ambitieuse concrétisée par l’album « Hors portée », conçu en deux ambiances complémentaires, dont une instrumentale. Musicalement, ce sont des morceaux sophistiqués, aux textes imagés et surprenants, influencés par des styles divers allant du rock à la pop en passant par la techno et le jazz. Ecrit de façon plus élégante : « Un concept de mélange de chanson au moyen de langages multimedia via le rock et le jazz improvisé ».
Chardeau voue une grande admiration au rock progressif (Yes, Magma, Genesis) et au jazz-rock fusion des seventies (The Mahavishnu Orchestra) mais aussi aux maîtres de la musique classique (Ludwig van Beethoven, Claude Debussy), du jazz (Duke Ellington, Count Basie, Keith Jarrett, Miles Davis, Joe Zawinul) ou de la musique exotique (Ravi Shankar, Riyuchi Sakamoto).
Se procurer le concours de l’américain Jerry Goodman, violoniste de The Mahavishnu Orchestra, est la concrétisation d’un rêve mais d’autres musiciens méritent d’être mentionnés : le bassiste Bernard Paganotti (Paga Group, Magma, Francis Cabrel), le guitariste Basile Leroux (Michel Jonasz, Jean-Jacques Goldman, Eddy Mitchell), les jazzmen Bertrand Lajudie (Paga Group), François Laizeau (L’orchestre national de jazz) et Claude Salmieri (Paga Group, STS, Weidorje).
Nanti d’un tel casting, le violoniste Richard Aubert (Komintern, Atoll) a produit et arrangé une musique actuelle de haute volée. Elle se caractérise, on l’a compris, par le décloisonnement des genres et une ambition à la hauteur du line-up, mais aussi par un souci constant de varier le ton et le climat de l’album pour en faire un magma détonant. Sur le plan vocal, c’est une explosion créatrice.
Le chanteur joue avec les mots sur « La route », un titre élaboré plutôt jazzy introduit avec beaucoup de bonheur par le piano. « Cycles 1 » justifie la définition « mélange de chanson par des langages multimedia », alors que « Trafic nocturne intro » fait penser, essentiellement par l’utilisation de la flûte, à Jethro Tull. « Trafic intense » se divise en trois parties (« Introduction », « Questions » et « Ballet ») et évoque plutôt les grands espaces, cauchemar de l’agoraphobe. La guitare y tient une place prépondérante.
« Mac Maudit Chéri » est un titre sautillant qui joue sur les mots et même sur les lettres. Sur le plan instrumental, la guitare, les percussions et le sitar tiennent le haut du pavé. Le Mahavishnu Orchestra n’est pas loin. Le piano jette un éclairage nouveau sur « Pacific Sud », où les jeux de mots foisonnent. Ce morceau met aussi en valeur le violon, joué de main de maître. « Caoutchouc » est beaucoup plus rock et tourne autour des moyens de contraception. Suivez le regard de l’auteur. C’est son côté sex and drugs and rock and roll. Les batteries tiennent bien leur rôle de catalyseur rythmique.
« Cycles 2 » sert de courte transition au violon. « Si … tard » est un morceau jazz drivé par un saxophone qui laisse libre cours à la créativité. Sur « Tard », un morceau assez doux accompagné à la guitare acoustique, le chant fait l’inventaire humoristico – hédonique des moyens de se procurer du plaisir. Cocasse ! La guitare speedée prend le relais pendant les débordements sonores et le chant se fait plus agressif. Voici un exemple de texte très clair pour lutter contre le blues et le stress : « Tard … pétard … ça ne peut pas faire de mal … un plaisir oriental ». Chacun jugera à sa manière de l’opportunité et de la pertinence de ce passage. Everybody says « high ». Non, ce n’est pas exactement comme dans Bowie. Il ne faut pas confondre « high » et « hi ».
Très doux, ponctué par le violon, « Mortelle mort » est un exercice de style sur le passage de vie à trépas. « Quel enfer, quel délice, le paradis a ses vices », nous dit-on. Voilà qui est de nature à réduire la crainte de la mort et à la transformer en un flottement inoffensif, avec un violon déjanté pour terminer le morceau. « Galaxies alternatives final » est une autre courte transition dominée par la guitare et le violon dont le dialogue fluide est brillant.
La partie chantée de « Le cinglé des galaxies » est pleine d’inventivité et le violon qui l’accompagne est sublime, ni plus ni moins. La guitare électrique prend la relève pour un refrain tonitruant mais tout rentre dans l’ordre et le chant reprend de plus belle, accompagné cette fois par une guitare moins emphatique. Le crescendo final fait la part belle à la guitare et à la basse. « Déambule / Cycles 3 » est une débauche de bruitages et de perceptions sensorielles dénaturées. « Cycles » est une nouvelle transition avant la fin du voyage.
« Home rythm » est un court morceau marqué par les percussions qui introduit la pièce maîtresse, « Home », un très long morceau élaboré marqué dans sa première partie, « Hope », par l’évocation de sonorités orientales, où le violon se taille la part du lion. Jazzy dans sa facture, il recèle aussi des accents indiens offerts par les instruments de percussions et soulignés par la voix et les choeurs. Sur « Resolution », le violon se fait cajoleur comme pour mieux marquer son territoire, avant de se laisser conduire par le rythme des percussions, pour reprendre l’ascendant tout à la fin. « Joy » lui succède et le chant, parfois peu compréhensible, devient pourtant le centre d’intérêt sur un rythme très rock qui rappelle par moments le groupe français Trust. Enfin, sur « Sanctuary », après l’introduction très douce du violon et le réplique du piano, on relève un passage que ne renierait pas Brian Eno. Le piano et le violon se disputent ensuite la vedette jusqu’à la fin.
En version instrumentale, l’album porte la référence LR0502. C’est un très agréable complément à la musique fouillée de « Highlight ». Il en reprend les thèmes principaux vus par un autre bout de la lorgnette. Sur « Introverture », le piano et la flûte introduisent de la fraîcheur dans le climat général, plombé immédiatement après par « Mort alternative », morceau doux amer qui navigue dans le low key sous l’impulsion du violon et des chœurs. « Cyberwaltz » est de facture très classique et beaucoup plus enjoué. Plus loin, « Mac Gigue » évoque clairement et successivement Riyuchi Sakamoto et Ravi Shankar, tandis que, tout en contraste, « Data Pulsions Web Mix » est on ne peut plus techno. « Mes nuits instrumentales » est un mélange de musique acoustique et de ronflements. Curieux ! Voilà pour les particularités essentielles de ce deuxième CD.
En résumé, ces albums excellents, défiant toute classification formelle et prenant quelques libertés avec l’orthographe, française ou anglaise, forment un tout indissociable pour l’amateur de fusion mais aussi pour le mélomane curieux avide de nouveauté.
Titres de « Highlight » :
- « La route »
- « Cycles 1 »
- « Trafic nocturne intro »
- « Trafic intense »
- « Mac Maudit Chéri »
- « Pacific Sud »
- « Caoutchouc »
- « Cycles 2 »
- « Si … tard »
- « Tard »
- « Mortelle mort »
- « Galaxies alternatives final »
- « Le cinglé des galaxies »
- « Déambule / Cycles 3 »
- « Cycles »
- « Home rythm »
- « Home »
Titres de « Sélection Instrumental » :
- « Introverture »
- « Mort alternative »
- « Galaxies alternatives »
- « Pacific piano/violon »
- « Cyberwaltz »
- « Cycle 1 »
- « Si tard »
- « Tard instrumental »
- « Déambule »
- « Route alternative »
- « Cyberspace Data »
- « Ouverture AnII »
- « Préambule »
- « Trafic nocturne »
- « Très tard / Cycle 2 »
- « Mac Gigue »
- « Data Pulsions Web Mix »
- « Cycle 3 »
- « Home rythm »
- « Home »
- « Mes nuits instrumentales »
- « Cycles »
Pays: CA
L Records / Musea Records LR0501
Sortie: 2005/10