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MOERLEN’S GONG, Pierre – Pentanine

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Né à Colmar (Alsace) en 1952, Pierre Moerlen est malheureusement décédé en mai 2005. Il avait une belle carrière derrière lui.

Dès son plus jeune âge, ses parents, musiciens et professeurs de musique, le baignent dans leur monde. Son père lui apprend le piano avant qu’il n’entre au Conservatoire de Strasbourg où il étudie la batterie et les percussions classiques.

En 1973, par hasard, il intègre Gong qui vient de finaliser l’album « Flying Teapot ». A l’époque, si la formation flirte toujours avec le monde doux-dingue de l’Australien Daevid Allen, elle évolue déjà progressivement vers quelque chose de plus structuré et organisé. La pression des nouveaux venus y accentue encore le mouvement. En 1974, l’album « You » constitue l’incontestable sommet de la version « Space Rock » de Gong qui comprend principalement Daevid Allen et Gilli Smyth, Steve Hillage, Pierre Moerlen, Mike Howlett, Didier Malherbe et Tim Blake. Pourtant, cette formation splitte rapidement. En 1975, la plupart de ses membres, dont Pierre Moerlen, participent au premier album solo de Steve Hillage, l’excellent « Fish Rising », qui poursuit en fait la voie musicale de « You ».

Après un cours passage dans les Percussions de Strasbourg, il reconstitue Gong avec le saxophoniste et flûtiste Didier Malherbe, à l’initiative du label « Virgin » et de son patron, Richard Branson. En 1975 sort « Shamal », produit par le percussionniste Nick Mason de Pink Floyd. Si cet album de transition est réussi et se fonde sur la précédente alchimie musicale de Gong, il file maintenant allègrement vers le « Jazz-Rock ». Seulement, Mike Howlett et Steve Hillage ont déjà les idées bien ailleurs et s’en vont rapidement. En 1977, Didier Malherbe fera de même après « Gazeuse ! », qui concrétise complètement la direction « Jazz-Rock ». L’album se révèle aéré et très percussif, avec l’éblouissant guitariste Allan Holdsworth. Cette voie est poursuivie par l’excellent et mésestimé « Expresso II », qui comprend la perle « Heavy Tune » avec un Mick Taylor (ex-Rolling Stones) fantastique à la guitare lead, soutenu par Allan Holdsworth à la guitare rythmique, le bassiste Hansford Rowe et les trois percussionnistes (Mireille Bauer, Benoît et Pierre Moerlen). Cette formation verra également la participation de Bon Lozaga et du violoniste de Curved Air, Darryl Way.

A l’occasion d’un changement de label en 1978, Pierre Moerlen n’utilisera plus désormais que la dénomination de Pierre Moerlen’s Gong. Il publie alors « Downwind », plus fluide et moins « Jazz-Rock », toujours très rythmé et percussif, mélodique et frais grâce l’utilisation du xylophone et du vibraphone. Quelques invités prestigieux collaborent à cet album. En effet, Mike Oldfield, Mick Taylor, Steve Winwood et Didier Lockwood complètent la formation composée des frères Moerlen, Hansford Rowe, François Causse et le guitariste Ross Record. « Live », « Time Is the Key » et « Leave It Open » suivent rapidement avant que leur label ne les laisse tomber en 1980, dans le grand mouvement lié à l’onde de choc « Punk ».

En 1986, il remonte le groupe dans la foulée de la formation suédoise Tribute qu’il avait intégrée l’année précédente. « Breakthrough » et « Second Wind » restent deux albums intéressants bien que peu connus du public et donc, peu rémunérateurs pour l’artiste. Toutes les qualités du groupe s’y retrouvent pourtant mais avec plus de limpidité encore et une approche presque « Pop ». En 1988, c’est déjà fini. En 1994, malgré l’insistance du duo des ex-Pierre Moerlen’s Gong, Bon Lozaga et Hansford Rowe, fondateurs du label « LoLo Records », il ne réactivera pas son ancien groupe qui naîtra alors sous le nom de Gongzilla avec également Benoît Moerlen et une succession de grands batteurs, dont Vic Stevens et Gary Husband. Il les rejoindra pour leur tournée européenne en 2002 et j’aurai la chance de les voir cette année-là lors de leur passage inoubliable au Spirit.

En dehors de Gong, Pierre Moerlen a beaucoup travaillé avec Mike Oldfield, tant en tournées que sur disques. C’est ainsi qu’on le retrouve sur « Ommadawn » (1975), « Boxed » (1976), « Incantations » (1978), « Exposed » et « Platinum » (1979), « Crises » (1983) et « Islands » (1987). En 1979, il participe au premier album solo de Mick Taylor. Il a également rejoint très brièvement Magma et a retrouvé les Percussions de Strasbourg. En outre, il a longuement accompagné plusieurs spectacles à travers le monde (« Evita », « Jésus-Christ Superstar », « Les Misérables », « West Side Story »). En 1997, il intégre Brand X et, peu après, le Gong de Daevid Allen et Gilli Smyth avec Didier Malherbe et Mike Howlett, qu’il quittera brusquement en tournée.

Pour parler de « Pentanine », les sessions de cet album, enregistré à Moscou et fruit d’une rencontre avec des musiciens Russes, datent déjà de 2002 et étaient en attente de publication depuis.

Voici le détail des titres, tous instrumentaux (61’24) :

  1. « Flyin’ High » (5’49)
  2. « Airway to Seven » (4’37)
  3. « Pentanine Part One » (3’28)
  4. « Au Chalet » (4’04)
  5. « Trip à la Mode » (4’49)
  6. « Réminiscence » (6’46)
  7. « Interlude » (0’40)
  8. « Classique » (7’12)
  9. « Lâcheur » (6’11)
  10. « Bleu Nuit » (3’54)
  11. « Pentanine Part Two » (2’11)
  12. « Montagnes Russes » (7’04)
  13. « Troyka » (4’33)

Voici les interprètes :

  • Pierre Moerlen : Batterie, Vibraphone, Xylophone, Programmation & Compositions (sauf titres 1 et 7)
  • Arkady Kuznetsov : Guitares
  • Alexei Pleschunov : Basse
  • Meehail Ogorodov : Claviers, Percussions, Recorder, Voix & Compositions (titres 1 et 7)
    +

  • Alexander Lutsky : Trompette (12)

A l’écoute de cet album de style « Jazz-Rock Progressif », on ne se retrouve pas en pays inconnu. L’ensemble sonne exactement comme du Pierre Moerlen « classique ». En fait, il fusionne ici les ambiances de ces précédents albums, surtout depuis « Downwind » jusqu’à « Second Wind », avec quelques bruitages et espaces vaguement flottants plutôt inutiles au début ou à la fin de plusieurs plages ; tout cela sans modification notoire par rapport à l’époque. Les compositions restent agréables et plaisantes, même si le niveau général paraît, malgré tout, un peu en retrait et avec parfois un petit goût de déjà entendu. Les musiciens russes présents évoluent dans l’exacte ligne de leurs prédécesseurs et n’apportent surtout que leurs talents bien réels d’instrumentiste.

Il n’empêche, tout ce qui a toujours rendu Pierre Moerlen attrayant et original est bien là : l’élégance et la virtuosité, la limpidité des sonorités et des compositions, le côté très rythmé et percussif, le xylophone et le vibraphone dans un rôle essentiel.

Avec ses bruitages et sa couverture de claviers, « Flyin’ High », une composition anecdotique de Meehail Ogorodov, rappelle très modestement le Gong de l’époque psychédélique.

« Airway to Seven », une composition plus étoffée, met bien en valeur le travail des claviers. Pierre Moerlen montre qu’il n’a rien perdu de son talent rythmique, confirmé sur « Pentanine Part One » et « Au Chalet », qui permettent de le retrouver en évidence au xylophone ou au vibraphone, soutenu par les claviers et la guitare, parfois en solo.

« Trip à la Mode » s’égrène rapidement avec un impressionnant Pierre Moerlen virevoltant derrière ses fûts. La guitare, après une introduction dans la veine « Canterbury », s’évade dans un beau solo « Jazzy », étiré, qui rappelle autant Mick Taylor que Ross Record. Une des toutes bonnes pièces de ce CD !

L’agréable « Réminiscence » porte bien son nom et aurait carrément pu intégrer « Downwind », à l’époque.

« Interlude », bruitage court et sans intérêt, fait office de liaison avec « Classique », une pièce agréable au tempo saccadé, avec une forte empreinte des claviers.

« Lâcheur » fonctionne sur une mécanique identique, mais le dosage de chaque élément s’avère encore plus judicieux et mieux réussi durant ses quatre premières minutes, avant l’abrupte cassure des deux dernières minutes de remplissage sonore totalement inutile.

Dans « Bleu Nuit », les guitares sont mises en avant, passant d’un certain déchaînement sauvage aux tonalités de Mike Oldfield et Ross Record.

« Pentanine Part Two » retrouve Pierre Moerlen au xylophone, appuyé par la guitare rythmique et quelques percussions.

Le côté « Jazzy », accentué par la trompette, ainsi que la diversité instrumentale apparaissent constamment dans « Montagnes Russes », à nouveau terminé par deux nouvelles minutes inutiles.

« Troyka » combine joliment claviers, xylophone et guitare rythmique.

En définitive, l’honnête album d’un brillant compositeur et instrumentiste, dont la carrière, dans son ensemble, mérite d’être revisitée pour mieux en mesurer l’ampleur.

Pays: FR
Musea FGBG 4606.AR
Sortie: 2005/09

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