NOUVELLES LECTURES COSMOPOLITES (Les) – Friesengeist Part 2
Line-up du Friesengeist Orchestra : Julien Ash, claviers, piano, samples, Pierre-Yves Lebeau, voix, vibraphone, guitare acoustique, et Liesbeth Houdijk, voix, traductions en néerlandais. Ces trois personnes, nous le rappelons, sont aussi membres de A Sparrow Grass Hunt, dont nous avons fait la chronique de l’album « Le journal du dormeur ».
Ils sont aidés par Agent MS, voix, Aloïs ASD001, voix, Cyril Herry (également sur A Sparrow Grass Hunt), sculptures sonores, Jean-Paul Escudéro, violon, et Mathias ASD002, la voix du fantôme.
Deuxième volet d’une oeuvre ambitieuse, « Friesengeist Part 2 », sous-titré « Regelmässige Zerstörungen », ce qui signifie « destructions systématiques », en symbiose parfaite avec son époque, est une oeuvre classique bercée par ses mélodies et son aspect onirique. On entend successivement une voix d’enfant, qui en accentue le caractère dramatique, d’autres voix d’adultes, plus descriptives, des bruitages de la vie normale ou de la vie rêvée, et des passages musicaux imagés d’inspiration classique. C’est d’abord une voix d’enfant qui introduit « Ballade d’Edgar le désorienté », un morceau très doux qui rappelle parfois la première partie de cette fresque polychrome tantôt intimiste tantôt animée. Le passage au violon est brillant et le dialogue avec le piano de toute beauté.
Sur « L’intrus en ce jardin », c’est une voix féminine qui décrit les indices et crée la tension qui en découle. Le piano se fait insistant et même emphatique, avant de se calmer un peu vers la fin.
Sur le très long « Le poids écrasant de ces instants de grâce », introduit avec force par le violon et le piano joué fortissimo, sont mis en évidence les percussions tribales et autres bruitages et samples électroniques qui troublent une sorte de rêve éveillé. A mi-course, les bruits cadencés rappellent les sites industriels et les éclats d’un orage. Des voix, à dessein à peine perceptibles, s’entremêlent avec des sons bizarroïdes, suivis par un piano majestueux. Cette partie très classique jouée au piano est un des points forts de cet album.
Au contraire, c’est le violon qui introduit le morceau suivant, « Le bal du Palomet », caractérisé par une voix féminine très douce et une voix masculine alternées. Le violon domine le propos et tolère à peine la présence de sons bizarres entrecoupés de bruits d’orage qui suscitent la tension et le mystère. Une voix féminine éthérée surgit du néant, accompagnée par la guitare acoustique et le violon. La mélodie se précise mais un break soudain vient en altérer le caractère magique et en briser l’harmonie.
« Trockenspiel – avant la pluie » fait la part belle aux bruitages avant de céder la place au piano, dont l’éventail d’émotions est enrichi par la présence discrète de la guitare acoustique. Suit un break onirique descriptif sur fond de bruitages insolites qui font progressivement place au silence.
C’est encore le piano qui, par son rythme saccadé, donne le ton à « Une simple erreur d’appeau », courte transition qui se termine en douceur. Au contraire, ce sont des bruitages appuyés qui introduisent les passages éthérés de « Dérives, hasard, effusions », un remarquable titre varié parsemé de rêve quand le piano s’efface pour céder le flambeau au violon, agressé par les samples électroniques. La fin de la première partie est abrupte. Une voix masculine explique le contexte temporel irréversible propice au rêve, endroit où l’on peut laisser libre cours à ses impressions sensorielles sans aucune contrainte extérieure. Le bonheur par le rêve, en quelque sorte. Viennent ensuite des voix aériennes qui s’estompent par la grâce de bruitages divers basés sur des rythmes à contretemps. On arrive ainsi petit à petit, sans crier gare, au terme de cette évasion quasi thérapeutique.
Ce sont des voix parlées puis le violon qui introduisent « Salt M. Valente », un morceau languissant d’où surgissent des cris d’oiseaux apeurés ou joyeux, des bruits de pluie purificatrice qui remplissent de joie la faune de l’endroit. Les voix continuent à jaser de plus belle et le piano, suivi par le violon, prend le relais, comme pour guider les survivants vers leur destin. Après le break, ça s’énerve un peu sous l’impulsion du piano, pendant que le violon accompagne les chants à la gloire du soleil. Ce passage bucolique rend grâce à la nature et se termine dans l’apaisement.
« Eight And A Half Tracks » commence par un long et très beau passage au piano, qui a perdu son masque d’inquiétude et s’aventure dans des chemins de traverse plus accueillants pour terminer cet album plein de verve et de passages séduisants.
Cette œuvre, comme en sa première partie, évoque à la fois les bruits de l’activité industrielle et la rêverie, la violence et le bonheur de vivre en paix. Trois autres parties succéderont à cet album dans le futur pour en compléter la trame. A suivre, donc.
Pays: FR
Gazul / Musea Records GA 8682.AR
Sortie: 2005/10