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STILLS, Stephen – Man Alive !

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Les productions en solo de Stephen Stills sont devenues rares et, de prime abord, elles ne constituent plus un événement que pour les amateurs d’une époque, d’un genre et d’un grand talent artistique. Ses deux précédents albums dataient de 1984, avec le médiocre « Right by You », et de 1991, avec « Stills Alone ». Evidemment, depuis maintenant vingt-cinq ans, ses activités se sont principalement focalisées sur les éternelles retrouvailles de Crosby, Stills & Nash, avec éventuellement Young, au gré des disponibilités et des humeurs de chacun, ainsi que de leur état de santé respectif, plutôt fluctuant et parfois lié à quelques abus notoires.

Né en 1945 à Dallas (Texas), Stephen Stills se révèle rapidement en possession de quelques talents remarquables. De fait, il s’impose rapidement comme un compositeur prolifique et brillant, une voix originale directement reconnaissable et un étonnant multi-instrumentiste, à l’aise dans de nombreux styles musicaux (« Rock », « Blues », « Folk », « Country », …). Il acquiert rapidement prestige et renommée en participant à la fondation de formations mythiques et en confirmant ainsi son statut de partenaire de haut vol. Son premier « super-groupe » sera le Buffalo Springfield, en 1966, avec Richie Furay et Neil Young, avant que, dès 1968, Crosby, Stills & Nash, plus parfois Young, ne l’accapare avec le plus de régularité dans le temps, malgré de nombreuses interruptions plus ou moins longues suivant les époques. Entre les coups, on le verra participer au projet d’Al Kooper qui mènera à l’album « Super Session » comprenant également Mike Bloomfield, collaborer avec Joan Baez, Eric Clapton, Jimi Hendrix, Joni Mitchell, Jefferson Airplane, Bee Gees, Dave Mason, Elvin Bishop, … et, en 1971, fonder un autre brillant « super-groupe », Manassas, progressivement désintégré suite à une trop grande prise de contrôle de sa part, maladroitement orchestrée par le patron de Atlantic, Ahmet Ertegun ; tout cela sans compter avec quelques albums solos, dont le génial « Stephen Stills », en 1970, qui voit la participation de Jimi Hendrix et aussi d’Eric Clapton, dont le duel épique avec Stephen Stills sur « Go Back Home » reste encore dans les mémoires.

Récemment, en 2004, après le retour réussi de la paire d’inséparable, Crosby & Nash, avec leur splendide album du même nom, Stephen Stills se devait de montrer également qu’il n’était pas en reste. Et pour le dire d’emblée, il publie ici un des meilleurs albums de l’année. Comme les deux autres, il s’est entouré de quelques « fidèles » de premier choix, rejoints par quelques autres spécialistes réputés, dont le brillant claviériste Herbie Hancock, originaire du « Jazz », collaborateur de Miles Davis et de beaucoup de ceux qui ont compté dans cet univers innovant depuis plus de quarante ans, un des Pères du « Jazz-Rock », qu’il a également agrémenté par la suite de « Funk », toujours avec succès.

Comme d’habitude, Stephen Stills a beaucoup composé et, comme d’habitude, il passe allègrement d’un instrument à l’autre. Par contre, il surprend plus par le niveau retrouvé de ses compositions et par le large panel des styles qu’il couvre toujours avec bonheur. Rien n’est ici à rejeter et il n’y a aucun moment creux.

Voici les titres (57’57) :

  1. « Ain’t It Always » (3’25) (Stephen Stills)
  2. « Feed the People » (4’24) (Stephen Stills)
  3. « Hearts Gate » (2’59) (Stephen Stills)
  4. « Round the Bend » (5’12) (Stephen Stills)
  5. « I Don’t Get It » (3’35) (Stephen Stills)
  6. « Around Us » (3’47) (Joe Vitale/Stephen Stills)
  7. « Ole Man Trouble » (4’56) (Booker T. Jones Jr)
  8. « Different Man » (2’10) (Traditionnel/Stephen Stills)
  9. « Piece of Me » (4’09) (Stephen Stills)
  10. « Wounded World » (3’12) (Stephen Stills/Graham Nash)
  11. « Drivin’ Thunder » (4’30) (Stephen Stills/Neil Young)
  12. « Acadienne » (4’02) (Stephen Stills)
  13. « Spanish Suite » (11’24) (Stephen Stills)

Voici les participants :

  • Stephen Stills : Guitares, Basse, Piano, Orgue, Percussions & Vocaux
  • Joe Vitale : Batterie, Percussions, Orgue & Chœurs (1, 2, 4, 5, 6, 7, 10, 11, 12)
  • Russ Kunkel : Batterie & Percussions (4)
  • Bill Meeker : Batterie (13)
  • Mike Finnigan : Orgue, Accordéon & Chœurs (1, 2, 6, 7, 10, 11, 13)
  • Gerald Johnson : Basse (7, 10, 11, 12, 13)
  • George « Chocolate » Perry : Basse & Chœurs (1)
  • Neil Young : Guitare & Chœurs (4, 8)
  • George Terry : Guitare Rythmique (1)
  • Joe Vitale Jr : Percussions (2, 6)
  • Joe Lala : Percussions (12, 13)
  • Willie Bobo : Percussions (13)
  • Pete Escovedo : Percussions (13)
  • Jimmy Zavelo : Harmonica (9, 10)
  • Herbie Hancock : Piano (13)
  • Steve Madeo : Trompette (13)
  • Marlena Jeter : Chœurs (2, 5, 6, 7, 10)
  • Mortinette Jenkins : Chœurs (2, 5, 6, 7, 10)
  • Dorian Hollie : Chœurs (2, 5, 6, 7, 10)
  • Graham Nash : Chœurs (2, 10, 12)
  • Brooks Hunnicut : Chœurs (2, 13)
  • Jennifer Stills : Chœurs (5)

Il est à noter que le rôle de Joe Vitale semble avoir été important aux « manettes », à côté de Stephen Stills. Par contre, il s’est montré parfois un peu (trop) sage à la batterie. Heureusement, les percussionnistes étaient actifs.

Pour ce qui est des titres, tous s’écoutent avec plaisir et sans jamais la moindre lassitude.

Sans être médiocres, les deux premiers titres, le répétitif « Ain’t It Always » et « Feed the People », ressortent comme les titres les moins marquants. Ils ne peuvent être considérés que comme d’agréables mises en route. Par contre, il est clair que Stephen Stills reste toujours aussi adroit aux guitares et que sa voix, quoique un peu plus poussive, éraillée et traînante, reste attrayante et expressive. Ces deux caractéristiques apparaissent particulièrement bien sur le splendide « Hearts Gate » qu’il interprète seul à la guitare acoustique.

Le niveau monte encore d’un cran avec « Round the Bend », bien mené et dominé par les guitares électriques tranchantes de Neil Young et Stephen Stills. Celles-ci prennent souvent l’ascendant sur le chant agréablement forcé de Stills.

« Don’t Get It » et « Around Us » sont coulés dans un même moule très « Californien », « seventies », électrique, avec un rôle primordial des choristes, en parfaite symbiose avec le chant de Stills. Tout cela est bien soutenu par les guitares électriques, l’orgue et les claviers. On les retrouve tous, mais dans un registre « Soul », sur la somptueuse reprise de « Ole Man Trouble ».

« Different Man » est un délice interprété par les seuls Stills et Young aux guitares acoustiques, le second produisant de belles harmonies vocales sur le chant de son leader.

Le traînant « Piece of Me », au cachet « Deep South » confirmé, est du même acabit. Le chant fatigué et la guitare acoustique de Stills, ponctués par les frissonnantes touches d’harmonica de Jimmy Zavelo, sont remarquables d’intensité.

Ce même Jimmy Zavelo imprime à nouveau sa marque sur « Wounded World », une plage électrique que n’aurait pas renié le Crosby, Stills & Nash des années 1980.

« Drivin’ Thunder » s’appuie sur un rythme répétitif et nerveux qui permet quelques bonnes parties à la guitare « slide ».

« Acadienne » porte bien son nom avec son ambiance « Folk » et sautillante, menée par l’accordéon de Mike Finnigan. Amusant et bien foutu !

Le pic absolu de l’album arrive avec une longue pièce, l’hispanisant « Spanish Suite », une composition mirifique, une véritable pépite où chaque instrument est impeccablement utilisé et mis en place. Dans sa première partie, le rythme est plutôt lent et s’articule autour de la guitare acoustique et du chant de Stephen Stills dans une ambiance d’hacienda ; il est également marqué par une courte mais notable intervention de la trompette de Steve Madeo. Dans la deuxième partie, le chant disparaît et le piano de Herbie Hancock apparaît progressivement pour finalement s’élancer sur un tempo nettement plus rapide dans un solo « Jazzy » impressionnant, rejoint par Stephen Stills à la guitare acoustique. Le duel final entre ces deux virtuoses est une merveille. Du début à la fin, le batteur Bill Meeker et des percussionnistes de renoms (Joe Lala, Willie Bobo et Pete Escovedo) assurent et enrichissent cette impressionnante mécanique avec un goût étonnant.

En définitive, un des meilleurs albums de l’année ! Avec ces trois (quatre) leaders en pleine forme, tout cela est également de très bonne augure pour l’avenir de Crosby, Stills & Nash (& Young).

Pays: US
Talking Elephant Records TECD077
Sortie: 2005

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