NO GOD ONLY TEETH – Placenta
No God Only Teeth, pas de Dieu, seulement des dents… Voici un nom de groupe pour le moins curieux et abscons, qui doit certainement révéler des inconscients torturés parmi ses membres. Et effectivement, les membres de No God Only Teeth sont bel et bien des torturés de l’intérieur puisqu’ils animent un groupe de sludge et de post-metal. Les musiciens de ce groupe dissimulent leur identité derrière de simples lettres mais nous avons finalement réussi à identifier Alexander Keck (basse), Jan Schneider (guitare), Tim Schade (batterie) et Michel Jahn (guitare), seule la chanteuse F. étant parvenue à préserver ses mystères.
Le quintet naît à Hambourg en 2018 et il commet ici son premier album ʺPlacentaʺ. La pochette assez sobre n’est pas vraiment à l’image de la musique, très ombrageuse et révoltée. Avec ce genre de sonorités, on aurait davantage attendu une pochette pleine de rouge et d’ombres faméliques se tordant dans des mers de flammes. Mais une pochette, ça coûte des sous et ces jeunes Hambourgeois n’avaient peut-être pas le budget nécessaire pour se payer les services d’un dessinateur spécialisé dans les grands effets sanguinolents.
La parution de ce premier album pourrait mettre un peu de beurre dans les épinards s’il arrive à trouver son public. Ceux qui aiment le sludge à la Neurosis ou à la 30 000 Monkeys devraient pouvoir s’intéresser de près à ce groupe qui montre une incontestable maturité dans le genre. No God Only Teeth est un petit maître dans l’entretien d’ambiances poisseuses et pessimistes. Les guitaristes tronçonnent du riff funéraire et la chanteuse se déchire le larynx en hurlant ses paroles comme une sorcière possédée par Belzébuth. La langue de Franz Beckenbauer est de mise sur ces chansons, en général assez longues et dont certaines tentent une percée vers la dizaine de minutes. Certains titres appellent l’attention, comme le curieux ʺ15.37.12ʺ ou ʺBethuneʺ, ville du nord de la France dont on s’étonne que les gens de No God Only Teeth la connaissent. Peut-être un arrière-grand-père d’un des musiciens est-il allé y prendre des coups d’obus de 75 pendant la Première Guerre mondiale ?
No God Only Teeth a également le talent d’entretenir savamment le rythme général de son album. Après deux premiers morceaux gluants et lents, les choses plongent brutalement dans une accélération hardcore qui bouscule tout : ʺStockholmʺ est un morceau schizophrène où la violence des rythmes se fracassent régulièrement contre des ralentissements, laissant s’enfoncer la voix de F. dans un marasme dépressif imparable. ʺ15.37.12ʺ adopte le chemin inverse, avec un début très mélancolique évoluant progressivement vers des tourbillons instrumentaux lourds et chahutés par une batterie active sur tous les schémas rythmiques. Le groupe s’essaie aussi aux riffs sinistres sur l’inquiétant ʺBethuneʺ, qui dégringole aussi soudainement dans un irrésistible accélérateur de particules sonores. Et on se finit avec les neuf minutes de ʺRafferʺ, résumé ultime du style de No God Only Teeth, avec riffs compacts, atmosphères embuées de larmes et rouges de colère, où alternent accords hivernaux et avalanches de riffs colossaux marchant sur les pieds de la chanteuse qui n’en finit plus de hurler.
Cet album taillé pour les rigueurs de l’hiver agrémentera avantageusement vos enterrements ou vos visites d’hôpitaux psychiatriques, de préférence par temps de neige ou à la nuit tombante.
Le groupe :
F. (chant)
Alexander Keck (basse)
Jan Schneider (guitare)
Tim Schade (batterie)
Michel Jahn (guitare)
L’album :
ʺGegenlichtʺ 9:04
ʺSaferʺ 6:09
ʺStockholmʺ 6:20
ʺ15.37.12ʺ 5:30
ʺBethuneʺ 5:46
ʺRafferʺ 9:06
https://nogodonlyteeth.bandcamp.com/album/placenta
https://www.facebook.com/nogodonlyteeth
Pays: DE
Narshardaa Records
Sortie: 2021/12/10