MRTVI – Omniscient hallucinatory delusion
Depuis 2014, un étrange personnage du nom de Damjan Stefanović commet des albums de black metal expérimental tout seul dans son coin, bidouillant ses consoles et tripotant ses instruments à l’abri de toute société, tel un soldat japonais perdu dans les îles du Pacifique à qui personne n’aurait dit que la guerre était finie. Car Damjan Stefanović fait vraiment penser à quelqu’un qui aurait choisi volontairement de se replier dans son monde, en dehors de tout confinement imposé par les autorités pour des raisons sanitaires, si vous voyez à quel événement je fais référence.
Damjan Stefanović avait peut-être ses raisons mais il n’a pas toujours été un ermite solitaire. On le trouve à la batterie et aux chœurs dans This Addiction, combo thrash metal anglais formé en 2005 et auteur d’un album éponyme sorti en 2013, année de sa dissolution. Il a également écrasé les fûts pour le compte de Sarah Jezebel Deva, une sculpturale londonienne à la tête d’un groupe de métal gothique actif il y a quelques années mais dont on n’a plus de nouvelles depuis un deuxième album et un EP parus en 2011-2012.
Et c’est en 2014 que Damjan Stefanović décide de faire cavalier seul et de se lancer dans ce projet MRTVI, qu’il faut sans doute prononcer Mortui, à la façon latine. Ici, c’est un black metal expérimental qui préside aux destinées de ce one-man band jamais avare de cheminements déroutants, à commencer par les titres des albums qui comportent tous trois mots compliqués : ʺPerpetual consciousness nightmareʺ (2015), ʺNegative atonal dissonanceʺ (2017) et ʺOmniscient hallucinatory delusionʺ (2020). Le premier est sorti sur le label Into The Night Records, un minuscule label n’ayant produit que six albums au cours de son existence éphémère en 2015, tandis que les deux suivants ont trouvé preneur chez Transcending Obscurity.
Damjan Stefanović est retourné dans sa Serbie natale ces dernières années pour se livrer à ses folies sonores. Ce nouvel album de MRTVI illustre bien un certain degré d’avant-gardisme dans le black metal, où la dinguerie créatrice est totalement décomplexée. En 55 minutes et douze morceaux réunis en quatre chapitres ʺCosmic sadnessʺ, ʺCondemned to lifeʺ, ʺThere is no hopeʺ et ʺView of denialʺ, MRTVI nous impose un univers aberrant et déroutant, dont le lien avec le black metal est assez ténu. On se croirait davantage dans la bande-son d’un film cauchemardesque à la David Lynch, où d’effroyables esprits invisibles viennent nous hanter et nous faire perdre la raison. MRTVI pratique plutôt ici un black metal progressif, chant black, rythmiques progressives. Parce qu’en matière de complexité, le bonhomme se pose un peu là, les sept minutes de ʺMass hallucinationʺ sont là pour le démontrer. Intermèdes aériens et bruits de respiration sur fond sonore cosmique viennent également agrémenter le cours du disque, décidément bien barré (ʺCycles of sufferingʺ, ʺInvisible scarsʺ).
La plaisanterie va ainsi durer un bon bout de temps puisque l’auditeur ne sera pour ainsi dire jamais en repos, sans cesse assailli par des incantations de goules (ʺSelf-slaughteringʺ), des larsens impétueux (ʺSlave mentalityʺ), des tourbillons de sons hallucinés (ʺCosmocideʺ) ou même des résurgences post-punk à la Bauhaus (ʺPerceived entiretyʺ, ʺObscured realityʺ) Il faut avoir les tympans et le mental bien accroché pour pénétrer dans cette œuvre mais quand on a l’habitude, cette folle croisière dispense son lot de surprises intéressantes.
Le groupe :
Damjan Stefanović (tout)
L’album :
ʺLiving in Repetitionʺ (03:01)
ʺMass Hallucinationʺ (07:38)
ʺCycles of Sufferingʺ (02:41)
ʺInvisible Scarsʺ (04:24)
ʺSelf-Slaughteringʺ (05:31)
ʺExercise in Mistakesʺ (04:49)
ʺChains of Illusionʺ (03:18)
ʺSlave Mentalityʺ (03:25)
ʺTerminal Ignoranceʺ (04:11)
ʺCosmocideʺ (04:12)
ʺPerceived Entiretyʺ (05:52)
ʺObscured Realityʺ (06:16)
https://mrtvi.bandcamp.com/
https://www.facebook.com/sustainedthroughdeath/
Pays: RS (Serbie)
Transcending Obscurity
Sortie: 2020/11/06