MORSE, Neal – Jesus Christ – The exorcist
S’attaquer à Jésus-Christ en termes de musique rock, c’est toujours le grand défi. Surtout quand on passe derrière le célébrissime rock-opéra ʺJesus Christ superstarʺ de 1970. Après un tel monument, on se demande comment certains artistes peuvent encore oser rivaliser et se lancer dans l’aventure des évangiles revisités à la sauce rock. Il faut s’appeler Neal Morse pour avoir autant de cran et quand on connaît le talent et les capacités du bonhomme, on peut avoir confiance. Car dans d’autres mains, laissée à la merci de n’importe quel groupe progressif tapageur et m’as-tu-vu, la vie du Seigneur aurait bien pu tourner rapidement à la comédie musicale ridicule, avec paillettes sur la croix du supplice et dernier repas pris au McDo de Jérusalem. Mais avec Neal Morse, il ne devrait pas y avoir de crainte. L’homme a la foi, si forte qu’elle l’a poussé à se convertir au christianisme en 2002.
C’est un projet énorme que le guitariste américain a mis en chantier avec ce ʺJesus Christ – The exorcistʺ. Eh oui, les amis, c’est Jésus-Christ ici, pas Karl Marx ou Gengis Khan. C’est le Seigneur en personne, le fils de Dieu, avec un milliard de croyants derrière lui, celui qui a promis le paradis (à condition qu’on ait reçu la grâce sanctifiante par le biais du sacrement de la confession juste avant de mourir, il ne faut quand même pas déconner).
Alors, Neal Morse va-t-il nous ressortir le catéchisme du Concile de Trente et nous faire un cours sur le caractère indélébile et éternel du baptême? Non, on ne va pas aller aussi loin dans la théologie, rassurez-vous, et Neal Morse va simplement nous raconter à nouveau en musique la plus belle histoire du monde, la vie du Christ, la crèche de Bethléem, les miracles, les disciples, les marchands du temple, le procès, Ponce Pilate, la Passion, le tombeau et la résurrection.
Nous connaissons tout cela par cœur et les petits malins qui auraient eu la mauvaise idée de ne pas être chrétiens mais qui voudraient se mettre au courant du dossier auront le choix entre deux choses : relire le Nouveau Testament et la somme théologique de Saint Thomas d’Aquin ou, de manière plus divertissante, découvrir la vie de Jésus avec cet album exceptionnel qui trouve un Neal Morse plus inspiré que jamais.
Il faut aussi se rappeler que Neal Morse n’en est pas à son coup d’essai dans le domaine du rock chrétien. Il est même obsédé par la chose, si l’on en juge par l’importante partie de sa discographie dédiée au Seigneur : ʺGod won’t give upʺ (2005) et toute la série des disques sortis dans le cadre des Worship Sessions (2005-2010), qui sont ce que l’on appelle de la contemporary worship music, un style particulier du rock chrétien, plus ʺSongs from the highwayʺ (2007) ou ʺTo God be the gloryʺ (2016). C’est donc logiquement que Neal Morse rend maintenant hommage à Jésus, avec cet album de vingt-cinq titres qui sont autant de chapitres de la vie du Christ. Je ne vais pas vous raconter tout dans le détail mais certains titres sont des étapes obligées du parcours : ʺJesus’ baptismʺ, ʺJesus’ temptationʺ, ʺThe woman of seven devilsʺ (une évocation de Marie-Madeleine), ʺThe keys to the kingdomʺ, ʺGet behind me Satanʺ, ʺHe must go to the crossʺ, ʺThe last supperʺ, ʺJerusalemʺ, ʺJesus before the Council and Peter’s denialʺ, ʺJudas’ deathʺ, ʺJesus before Pilate and the crucifixionʺ, ʺMary at the tombʺ, ʺThe greatest love of allʺ.
Et la musique est à la hauteur des ambitions. Il a fallu dix ans à Neal Morse pour accoucher de ce rock-opéra et il faut dire ici que la patience a payé en termes d’inspiration et de qualité musicale. Vingt-cinq titres, un double album : le risque de voir apparaître longueurs et monotonie était grand mais Neal Morse a évité ce dangereux écueil en donnant à ses morceaux un souffle et un élan qui tombent rarement dans l’essoufflement. Certains choix peuvent poser question (comme le blues sur ʺThe woman of seven devilsʺ) mais en général, le bon goût et le choix rythmique juste sont de mise. C’est à partir où Jésus commence à avoir des ennuis que l’intensité des morceaux se fait plus forte, au fur et à mesure que l’on approche du funeste Golgotha où se dresse la croix du supplice. ʺGet behind me Satanʺ lutte contre le démon à grands coups de riffs métalliques à rythme rapide, de même que ʺHe must go the the crossʺ, qui reste électrifié mais ralenti dans son tempo. Les temps de doute et de détresse du Christ (ʺThe last supperʺ, ʺGethsemaneʺ, ʺJesus before the Council and Peter’s denialʺ) sont plus marqués par des atmosphères de recueillement dans la musique. Quant à ʺJudas’ deathʺ, il révèle davantage de mélodies typiquement rock progressif. ʺJesus before Pilate and the crucifixionʺ lâche de grands solos de guitare épique sur lit de violons et de piano. Car Neal Morse a également recours à une section de cordes et de cuivres pour embellir son grand rock opéra.
Fresque grandiose, épopée biblique, grand moment de rock chrétien, ʺJesus Christ, the exorcistʺ réunit toutes ces qualités et se pose en rival crédible de ʺJesus Christ Superstarʺ, c’est dire si l’on peut se laisser aller en toute confiance à son écoute. Il n’est pas nécessaire d’avoir la foi ou d’avoir été baptisé sous le rite précédent l’entrée en vigueur de Vatican II pour apprécier ce disque. Tout amateur de rock progressif bien enlevé, même totalement mécréant, se doit de se laisser emporter par cette grande aventure musicale.
Le groupe :
Neal Morse (chant et guitare)
Eric Gillette (batterie)
Randy George (basse)
Bill Hubauer (claviers)
Les chanteurs et leurs rôles :
Ted Leonard – Jésus
Talon David – Marie-Madeleine
Nick D’Virgilio – Judas
Rick Florian – Le diable
Matt Smith – Saint Jean Baptiste
Jake Livgren – Pierre, Caïphe
Neal Morse – Pilate, démon 1, disciple 1
Mark Pogue – Israélite 1, le possédé de Gadara, pharisien 2
Wil Morse – Israélite 2, démon 3, pharisien 1
Gabe Klein – Démon 2, pharisien 4
Gideon Klein – Démon 4
Julie Harrison – Servante
L’album :
Introduction (2:31)
Overture (3:19)
Getaway (2:41)
Gather the People (5:17)
Jesus’ Baptism (3:09)
Jesus’ Temptation (10:18)
There’s a Highway (4:06)
The Woman of Seven Devils (5:41)
Free at Last (5:08)
The Madman of the Gadarenes (7:04)
Love Has Called My Name (4:14)
Better Weather (1:42)
The Keys to the Kingdom (4:48)
Get Behind Me Satan (3:23)
He Must Go to the Cross (3:11)
Jerusalem (3:55)
Hearts Full of Holes (3:40)
The Last Supper (3:50)
Gethsemane (7:40)
Jesus Before the Council and Peter’s Denial (3:14)
Judas’ Death (3:36)
Jesus Before Pilate and the Crucifixion (8:19)
Mary at the Tomb (2:45)
The Greatest Love of All (5:00)
Love Has Called My Name (Reprise) (1:30)
https://www.facebook.com/nealmorse/
Pays: US
Frontiers Music
Sortie: 2019/06/14