MODERN STARS – Psychindustrial
La pochette grisâtre et somme toute assez austère du deuxième album des Romains de Modern Stars ne doit pas induire le candidat auditeur en erreur. Ce disque est en effet riche de nombreuses références musicales et littéraires et il fourmille d’ambiances à la fois captivantes et planantes, méritant au passage son nom de ʺPsychindustrialʺ, mélange entre psychédélisme et musique industrielle.
Andrea Merolle (guitares, sitar, mandoline, synthés, chant), Barbara Margani (chant) et Andrea Sperduti (batterie et percussions) n’en sont pas à leur coup d’essai puisqu’ils avaient déjà sorti un premier album intitulé ʺSilver needlesʺ en septembre 2020. On y découvrait déjà une musique originale, marquée par les interventions vocales de Barbara Margani et son registre soprano, la voix sépulcrale d’Andrea Merolle et l’orientation post punk alternant avec des déambulations psychédéliques éthérées. Une reprise de ʺHey manʺ de Spacemen 3 trahissait déjà les influences de Modern Stars, également marqué par Suicide et Primal Scream.
Sur ʺPsychindustrialʺ, on retrouve les mêmes ambiances, sans doute du fait que cet album a été conçu quasiment en même temps que le premier, entre janvier et décembre 2020. Les studios Velvet Cave et VDSS ont servi de lieux communs à la confection de ces albums, avec la production assurée par Filippo Strang, également responsable des lignes de basse sur les deux disques. Mais là où on monte d’un cran, c’est avec le concept choisi pour illustrer l’âme de ʺPsychindustrialʺ. Avec des titres comme ʺIgnorance is strengthʺ et ʺWar is peaceʺ qui renvoient directement à George Orwell et son fameux roman ʺ1984ʺ, Modern Stars fixe clairement les thématiques de son album. Ces deux titres sont aussi des chapitres figurant sur un livre mentionné dans le roman ʺ1984ʺ et qui porte le nom de ʺThéorie et pratique du collectivisme oligarchiqueʺ. La seconde référence, avec le morceau ʺArtificial wombsʺ, c’est l’autre classique du roman d’anticipation ʺLe meilleur des mondesʺ d’Aldous Huxley. Ces deux romans capitaux ont semé les graines de la vision d’un monde effrayant, où la liberté individuelle a été immanquablement sacrifiée au profit d’une dictature omnipotente et omniprésente. Ce monde sera-t-il le nôtre un jour ? Espérons que non.
D’un point de vue plus musical, Modern Stars nous offre ici un superbe album à la nonchalance grinçante. Mantras aux rythmes tribaux (ʺArtificial wombsʺ), blues du Delta revisité à l’aune de guitares spatiales et électroniques (ʺThrow your dreams awayʺ), psychédélisme rêveur croisant les souvenirs de Jefferson Airplane et Ultimate Spinach (ʺIgnorance is strengthʺ), tout ceci contribue à fabriquer de puissantes atmosphères qui structurent magnifiquement l’album. On est ainsi mûrs pour le grand trip halluciné de ce disque, une quasi-reprise de ʺI feel loveʺ de Donna Summer, étirée à l’extrême et environnée de sitars himalayens, intitulé avec humour ʺIndian Donna Summerʺ. On en a ici pour plus de treize minutes de traversée d’un désert disparu sous des couches de nuages lysergiques.
Après cela, la fin d’album nous ramène tout doucement vers la dure réalité. On redescend tranquillement les versants caillouteux de l’Himalaya avec de nouveaux scintillements de guitares et de sitar sur ʺWar is peaceʺ et on respire à nouveau un air moins chargé en opiacés avec ʺDeep feelingsʺ, donnant dans une petite veine Velvet Underground calme et rassurante.
Les Romains de Modern Stars auraient mérité de grandir sous les tuiles froides des maisons de Bristol ou à l’ombre des gratte-ciel de New York mais ils ont su faire fi du soleil d’Italie pour amener sur les rives méditerranéennes toute la froidure et la rêverie anxieuse des terres du Nord. Une belle performance, doublée d’une vision tout à fait originale du psychédélisme et du post punk. On en redemande.
Le groupe :
Andrea Merolle (guitares, sitar, mandoline, synthés, chant)
Barbara Margani (chant)
Andrea Sperduti (batterie et percussions)
Filippo Strang (basse)
L’album :
ʺHypnopaediaʺ (07:01)
ʺArtificial Wombsʺ (05:31)
ʺThrow Your Dreams Awayʺy (03:47)
ʺIgnorance Is Strengthʺ (02:28)
ʺIndian Donna Summerʺ (13:28)
ʺWar Is Peaceʺ (01:49)
ʺDeep Feelingsʺ (06:14)
https://modernstars.bandcamp.com/album/psychindustrial
Pays: it
Miacameretta Records
Sortie: 2021/11/26