LYCOPOLIS – The procession
Lycopolis, en grec, c’est la ville des loups. C’est le nom d’une ville antique d’Égypte, située dans le delta du Nil, probablement fondée par des prêtres d’Osiris et qui fut aussi le lieu de naissance du philosophe néo-platonicien Plotin, en 204 de notre ère. Vous l’aurez compris, nous partons pour l’Égypte à l’occasion de cette chronique, pas banale puisqu’elle nous présente ici un groupe égyptien officiant dans un genre pas du tout tendance dans le coin : le black metal.
Il est toujours intéressant de trouver des traces de métal extrême dans des pays où la culture islamique aurait plutôt tendance à éradiquer toute velléité d’occidentalisation. Nous avions déjà débusqué Almach en Afghanistan, on sait qu’il existe à peu près une centaine de groupes de métal extrême en Iran (qui sont complètement clandestins), le métal turc a toutes les facilités pour exister, même chose en Indonésie. Dans les pays non musulmans mais pas très sympas avec les droits de l’homme, on dénombre aussi à peu près 300 groupes de métal chinois et deux groupes nord-coréens, un de brutal death (Red War, à l’existence éphémère au début des années 2010) et un de grindcore absolument inécoutable (TeaGirl, qui a posté un album sur Bandcamp en 2013).
Et nous voici donc en Egypte, pays qui compte une quarantaine de groupes donnant un peu dans le black metal, pas tellement le death, mais plutôt dans le métal progressif ou symphonique. Le black metal égyptien trouve ici un digne représentant avec Lycopolis, groupe très intéressant aux références historiques (le thème principal de ses chansons) mais dont les membres demeurent inconnus. L’Égypte a beau être un pays au régime politique considéré comme relativement modéré (pour le moment…), les gens de Lycopolis n’ont pas jugé opportun de laisser leurs noms et adresses en bas de leur disque, au cas où il viendrait l’envie à la police secrète de venir toquer à leur porte, juste pour prendre le thé…
Il nous reste donc la musique pour apprécier ce groupe, qui commet ici un album dense et riche, alliant black metal et sonorités orientales, comme l’atteste d’entrée de jeu le premier morceau ʺUplandʺ, un instrumental aux rythmes tribaux et à la guitare partie en mode danse du ventre. L’orientalisme est néanmoins vite rattrapé par des courses furieuses lâchant un black metal acharné et intense, qui brille sur des morceaux comme ʺTamariskʺ, ʺUraeusʺ, ʺŠdšdʺ, ʺSeparate the sky from the Earthʺ ou ʺWho goes up from the horizonʺ. Si Lycopolis a au-dessus de lui le soleil brûlant de la vallée du Nil, il respire l’air froid des forêts scandinaves avec une approche black devant beaucoup aux premiers temps de ce genre, dans une orientation old school rappelant les vieux maîtres Marduk, Immortal, Mayhem, Emperor ou Darkthrone.
Il ne doit pas être facile de marcher dans les rues des villes égyptiennes avec un maquillage noir et blanc, une tignasse jusqu’aux hanches et un blouson de cuir recouvert de clous. Je ne sais pas si les groupes de black metal du Moyen-Orient retournent les croissants dans l’autre sens, comme les combos européens du même genre qui inversent les crucifix pour leur mettre la tête en bas. Mais en tout cas, cela fait plaisir de voir qu’une certaine jeunesse perdue dans les sables se moque bien des âneries néocoloniales en choisissant le métal extrême cher à notre monde occidental. L’important, c’est pour chacun d’écouter la musique qu’il aime. Si les pouvoirs religieux craignent le métal, c’est qu’ils ne sont pas sûrs que la voie qu’ils ont choisie représentent une vérité indiscutable. La vérité en religion est relative, mais les guitares électriques, elles, sont bien réelles.
L’album :
ʺUplandʺ (02:30)
ʺTamariskʺ (03:50)
ʺPernuʺ (04:29)
ʺŠdšdʺ (04:47)
ʺUraeusʺ (05:00)
ʺThe Power of the Two Landsʺ (02:45)
ʺLord of the Necropolisʺ (03:54)
ʺSeparate the Sky from the Earthʺ (04:25)
ʺOne with the Sharp Arrowsʺ (03:03)
ʺWho Goes Up from the Horizonʺ (05:57)
https://lycopolis.bandcamp.com/album/the-procession
Pays: EG
Autoproduction
sortie: 2021/01/15