EYEHATEGOD – A history of nomadic behavior
Alors là, on tient sûrement l’événement discographique sludge metal de ce premier trimestre 2021 : le retour des cultissimes Eyehategod. Ce groupe est l’âme de ce qu’est le sludge metal de la Nouvelle-Orléans. Eh oui, la Nouvelle-Orléans, ce n’est pas seulement le jazz, Dr John et le vaudou ou le carnaval, c’est aussi le repaire des plus vils groupes de sludge que le monde ait porté : Crowbar, Eyehategod, Down, Corrosion Of Conformity, Superjoint Ritual ou, dans un genre plus léger, The Mystic Krewe of Clearlight. Tous ces combos ont un point commun, ils ont ou ont eu dans leurs rangs le guitariste Jimmy Bower. Bower est le fondateur d’Eyehategod en 1988, vite rejoint par le chanteur Mike IX Williams, dont les hurlements poisseux vont constituer la marque de fabrique du groupe, pratiquant un sludge metal particulièrement hargneux, pas très loin d’un punk hardcore riveté. L’histoire d’Eyehategod est celle d’un authentique groupe rebelle. Le combo ne réalise que cinq albums en trente ans d’existence, et à peine plus d’EPs. Il faut dire qu’il y a parfois besoin d’attendre la sortie de prison du chanteur Mike Williams, qui a régulièrement des ennuis avec les perdreaux pour cause de possession de diverses substances illicites. Le dernier album éponyme d’Eyehategod remonte à 2014 et est arrivé 14 ans après l’avant-dernier ʺConfederacy of ruined livesʺ, successeur de ʺIn the name of sufferingʺ (1990) ʺTake as needed for painʺ (1993) et ʺDopesickʺ (1996). Mais cette fois, c’est du vrai, du concret : l’attente angoissée d’un successeur au dernier album se termine avec l’apparition de ce ʺA history of nomadic behaviorʺ.
On savait qu’Eyehategod était sorti de sa réserve depuis deux ou trois ans. Le combo US avait même visité l’Europe en 2019 et avait imposé sa loi au public subjugué du DesertFest d’Anvers en octobre 2019, une très rare occasion de voir le groupe en Belgique. Ici, Eyehategod revient dans le giron du label Century Media, qui accompagnait le groupe depuis son deuxième album en 1993, l’avait laissé sortir son précédent album ʺEyehategodʺ sur le petit label Housecore Records en 2014 avant de le récupérer pour ce nouvel opus.
Les expectatives sont donc grandes au regard de ce ʺA history of nomadic behaviorʺ, qui arrive près de sept années après son prédécesseur. Ces sept années ont été entre autres occupées à sauver le chanteur Mike Williams, hospitalisé peu après son 49e anniversaire en 2017 en raison d’une défaillance hépatique due à des années d’excès. Puis le groupe est parti pour une tournée de trois ans dont le cours a été interrompu par l’épidémie de COVID-19 qui les a surpris alors qu’il était en Ukraine. Le retour d’urgence aux États-Unis a été mouvementé mais Eyehategod avait dans son sac quelques chansons déjà composées, ce qui lui a permis d’affronter le studio avec sérénité. Mike Williams a écrit ses textes quasiment devant la porte du studio, transposant en chansons toute la frustration et la colère envers les décideurs politiques qui ont transformé l’épreuve de l’épidémie en calvaire. Les bouleversements de tous ordres ont pu être compensés par ces retrouvailles avec le label Century Media, symbole de méthodes de travail éprouvées. C’est le relativement inconnu James Whitten qui fait office d’ingénieur du son et de producteur, aux côtés de Sanford Parker, qui accompagne par ailleurs Mike Williams dans son autre projet métal industriel Corrections House.
Dans ces circonstances dramatiques, il n’est donc pas étonnant de trouver ici un album abrasif, massif et incisif. ʺA history of nomadic behaviorʺ met en lice une douzaine de morceaux taillés dans le granit de guitares puissantes, fouettés par un chant de corbeau atrabilaire et soutenus par une section rythmique en béton armé. Après les excellentes impressions laissées par ʺEyehategodʺ en 2014, la barre des exigences restait élevée et même si Eyehategod ne transcende pas son précédent album avec autant de facilité, il fournit à l’auditeur un lot de titres costauds et imparables, englués dans un sludge metal corrosif, parcourus de distorsions sonores et d’anarchie gueularde, dont les épisodes marquants se situent autour de ʺCurrent situationʺ et ses errances vrombissantes, les énormes riffs serpentins de ʺHigh risk triggerʺ, les litanies aboyeuses de ʺThe trial of Johnny Cancerʺ ou les avalanches de décibels inondant ʺCircle of nervesʺ.
S’il ne quitte pas l’ombre du style bien connu du groupe, ce nouvel album reste défendable car après tout, on ne peut pas enseigner de nouveaux trucs à un vieux chien comme Eyehategod. Mais on peut toujours s’attendre à ce qu’il morde.
Le groupe :
Mike IX Williams (chant)
Jimmy Bower (guitare)
Gary Meder (basse)
Aaron Hill (batterie)
L’album :
ʺBuilt Beneath the Liesʺ (03:33)
ʺThe Outer Banksʺ (02:31)
ʺFake What’s Yoursʺ (03:38)
ʺThree Black Eyesʺ (02:27)
ʺCurrent Situationʺ (04:41)
ʺHigh Risk Triggerʺ (04:17)
ʺAnemic Roboticʺ (02:44)
ʺThe Day Felt Wrongʺ (03:57)
ʺThe Trial of Johnny Cancerʺ (04:25)
ʺSmoker’s Pieceʺ (01:11)
ʺCircle of Nervesʺ (03:47)
ʺEvery Thing, Every Dayʺ (04:42)
https://www.facebook.com/OfficialEyeHateGod
Pays: US
Century Media
Sortie: 2021/03/12