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EELS – Extreme witchcraft

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Dans le monde du rock alternatif, les Eels occupent une place particulière. Sans se soucier des modes et des courants, ce groupe poursuit nonchalamment sa route et traduit les états d’âme de son leader Mark Oliver Everett, qui se fait appeler E pour les intimes. Quiconque a lu ses mémoires comprend un peu mieux les aspects tortueux de sa personnalité, saisit les détails de sa vie perpétuellement encerclée par la mort. Frappé successivement par la mort de son père, de sa sœur et de sa mère, E semble avoir digéré tous ces coups du sort et distille son œuvre avec calme et détermination. Bien sûr, avec autant de macchabées dans son entourage, ce brave homme aurait pu facilement monter un groupe de death metal mais il n’en est rien. Le voici plutôt à la tête d’un groupe qui donne dans le rock indie tranquille, généreusement alimenté en Prozac ou en Tranxene. Les Eels existent depuis 1995 et rencontrent le succès dès leur premier album « Beautiful freak » en 1996. Le monde adhère alors à leur pop dépressive et languissante, acclamant des hits comme « My beloved monster », « Not ready yet » et surtout « Novocaïne for the soul ». Au fur et à mesure des albums (« Electro shock blues » en 1998 et « Daisies of the galaxy » en 2000), l’écriture de E et de son groupe évolue vers plus d’originalité et de personnalité, E exorcisant les démons morbides issus de la perte de sa famille. Après un « Souljacker » plus abrasif en 2001, le blues de « Shootenanny » en 2003 et une synthèse de ces styles variés sur l’album « Blinking lights and other revelations » de 2005, Eels est en vitesse de croisière, bien installé dans son style particulier auquel on adhère ou pas. Quant au nom du groupe, il oscille entre une interprétation crétine (les anguilles, un nom qui serait allé comme un gant à tout groupe beat ou surf californien en 1965) et l’ultra-technocratique acronyme pour l’electron energy loss spectroscopy (spectroscopie par perte d’énergie d’électron), technique de caractérisation et d’exploration de la matière. L’auditeur fera son choix en fonction de ses capacités intellectuelles.

La fin des années 2000 et la décennie suivante restent riches pour Eels, qui se fend des albums ʺHombre loboʺ (2009), ʺEnd timesʺ (2010) et ʺTomorrow morningʺ (2010), ʺWonderful, gloriousʺ (2013), ʺThe cautionary tales of Mark Oliver Everettʺ (2014), ʺThe deconstructionʺ (2018). Les calamiteuses années 20 ne découragent pas E et ses hommes, qui commercialisent ʺEarth to Doraʺ (2020) et ce nouveau ʺExtreme witchcraftʺ en 2022. À propos de ce dernier album, ne vous fiez pas trop au titre en imaginant qu’Eels s’est mis au métal sorcier le plus violent possible. C’est encore un coup de E, qui a toujours su créer la surprise chez son public, tantôt confronté à des ballades dépressives, de la pop synthétique ou du rock qui refile des coups de pied au derrière, sans aucun avertissement préalable. Une chose reste cependant stable chez Eels, c’est le line-up qui, depuis 2009-2010, s’est fixé autour de Koool G Murder (basse), The Chet (guitare), Knuckles (batterie) et P-Boo (guitare), le tout bien entendu régenté par Mark Oliver Everett à la guitare, aux claviers et au chant.

Le cru 2022 d’Eels représenté par ce quatorzième album de la série est des plus sympathiques, pas forcément le plus original qu’on a pu avoir de la part de ce groupe mais les douze pièces courtes de ce disque (rien ne dépasse les quatre minutes) s’attachent à construire des atmosphères tenant davantage du rock et du garage que du psychédélisme ou de l’indie atmosphérique. ʺAmateur hourʺ est chargée d’attirer le chaland avec des rythmes accrocheurs et une batterie pimpante. On entre dans le magasin tenu par ce vieux roublard d’Everett, qui nous refourgue de la bonne came à de multiples occasions : l’étrange association entre Big Star et Led Zeppelin sur ʺGood night on Earthʺ, la déroulante rythmique texane de ʺStrawberries & popcornʺ, le funk mystérieux et bricolé de ʺGrandfather clock strikes twelveʺ, dans une verve à la Beck, du pop rock chaloupé et peinard sur ʺStumbling beeʺ, façon Billy Joel, du garage sautillant et crasseux chez ʺThe magicʺ, limite glitter rock, ou de la dentelle psychédélique à la Beach Boys en proie à des accès de colère avec ʺWhat it isn’tʺ.

J’en vois encore qui vont faire la fine gueule devant cet album, en se disant que ce n’est plus aussi génial que sur les premiers efforts des années 90. Je rappelle que Mark Oliver Everett aura 60 ans l’année prochaine et qu’à cet âge, il aurait eu de multiples raisons de sombrer dans la facilité en faisant toujours la même chose ou en tentant des expériences country ou classic rock qui aurait pu très vite tourner à l’abominable. Un album comme ʺExtreme witchcraftʺ n’est peut-être pas le plus grand des Eels (notamment en raison de son horrible pochette) mais il tient encore très bien son rang, avec des ambiances variées et une patte qui n’appartient qu’à E.

Le groupe :

E (chant, guitare, piano)
Koool G Murder (basse)
The Chet (guitare)
Knuckles (batterie)
P-Boo (guitare)

L’album :

ʺAmateur hourʺ (2:32)
ʺGood night on Earthʺ (3:18)
ʺStrawberries & popcornʺ (3:42)
ʺSteam engineʺ (3:14)
ʺGrandfather clock strikes twelveʺ (3:22)
ʺStumbling beeʺ (3:37)
ʺThe magicʺ (3:12)
ʺBetter living through desperationʺ (2:31)
ʺSo anywayʺ (3:21)
ʺWhat it isn’tʺ (3:48)
ʺLearning while I loseʺ (2:44)
ʺI know you’re rightʺ (3:06)

https://www.facebook.com/THEEELS

Pays: US
E Works
Sortie: 2022/01/28

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